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          Numéro spécial 100
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      Tous droits réservés ©
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      , 2013
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      Where No One Has Gone Before vant que la revue ne change de mandat éditorial en février 2014, nous ouvrons nos pages, pour une dernière fois, à la très vaste multidisciplinarité qui caractérise notre scène artistique des arts visuels. À l’occasion de l’incontestable jalon historique de notre centième numéro, c’est avec une très grande émotion que nous publions 35 oeuvres inédites, réalisées pour ETC par 30 créateurs. Photographes, performeurs, peintres, dessinateurs, sculpteurs et autres praticiens ont conçu leur « terrain » dans l’espace de la revue. Comme en toute intimité, ils se sont insérés dans nos traces, aux confins mêmes de l’oeuvre d’art et de l’infographie. Le résultat est spectaculaire ! Je les en remercie. Bienvenue chez nous ! Bienvenue chez vous ! Depuis qu’ETC a quitté Montréal pour s’établir il y a un an dans les Laurentides, nous n’avons cessé de voir à la planification et à la réalisation de nouveaux projets. Pour approfondir et publier davantage sur un seul secteur des arts visuels, nous avons pris la décision, avec la nouvelle équipe de rédaction1, de créer une revue d’art axée sur les arts technologiques et numériques. Par ce clivage ou ce positionnement, nous reconnaissons la très grande richesse des pratiques des arts issus des technologies du numérique que nous aborderons sous l’angle des répercussions sociologiques, politiques, technologiques et scientifiques de leur déploiement. Le mandat de création d’un nouveau magazine de ce type est gigantesque. On peut se demander sur quel type de nouvelle planète nous marchons, là où personne ou aucune revue, n’a, encore, véritablement posé le pied – ou fait sa marque ? Nous solliciterons fortement les réseaux de collaborateurs d’ici et de l’étranger. En optant pour la « prise en charge » d’un seul secteur des arts visuels qui, à lui seul, rayonne parmi une cosmogonie de laboratoires et de recherches exploratoires, nous prenons également le parti de travailler en collaboration avec les différents organismes et acteurs des milieux. Enfin, les communautés des technologies numériques, de l’électronique, de l’audio, des nouveaux médias, de l’immersif, de l’interactif, du cinéma, de la vidéo, du Web et de tant d’autres disciplines liées aux technologies de création et d’exploration numérique auront leur revue ! Les lecteurs d’ETC MEDIA profiteront du fruit d’un ensemble d’échanges entre les diverses communautés de chercheurs et de créateurs. Nous vous mènerons là où le terme « laboratoire » n’est pas un euphémisme. Sur le plan de l’action auprès des communautés, sur un tout autre plan, ETC a fait publier une brochure destinée à la population et au tourisme des Laurentides. Son tirage de 20 000 exemplaires propose une route de l’art contemporain sur tout le territoire laurentien, de Ste-Eustache à Rivière-Rouge. Les programmations annuelles de lieux d’exposition investis en art actuel ont été retenues, ainsi que des circuits d’art public et de visites à l’extérieur, de même que les créateurs de la région. Cette publication très illustrée est disponible dans différents bureaux de Tourisme et de nombreux lieux publics à Montréal, Laval et dans les Laurentides, de décembre 2013 à décembre 2014. Bon 100e ! Isabelle Lelarge Note 1 Je remercie très chaleureusement de leur confiance les nouveaux membres du comité de rédaction : Anne-Marie Bouchard, Guillaume Lafleur, Mériol Lehmann et Valérie Lamontagne. A
    </texte>
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De la différenciation biologique à la différenciation sociale (XIXe-XXe siècles) (Nouvelles perspectives en sciences sociales)

html / PDF : https://www.erudit.org/fr/revues/npss/2012-v8-n1-npss0429/1013922ar/

 

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        Revue internationale de systémique complexe et d'études relationnelles
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          <prenom>Claude</prenom>
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          Sur le thème de l'homogénéisation et de la différenciation
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      Tous droits réservés ©
      <nomorg>Prise de parole</nomorg>
      , 2012
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        De la différenciation biologique à la différenciation sociale (XIX
        <exposant>e</exposant>
        -XX
        <exposant>e</exposant>
        siècles): quelques jalons historiques
      </titre>
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    <grauteur>
      <auteur id="au1">
        <nompers>
          <prenom>Emmanuel</prenom>
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          <alinea>Université catholique de Lyon</alinea>
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      </auteur>
    </grauteur>
    <resume typeresume="resume" lang="fr">
      <alinea>
        Au XVIII
        <exposant>e</exposant>
        siècle, « différenciation » est un terme de mathématique exclusivement. La différenciation nomme alors un procédé utilisé en analyse pour réduire le nombre de variables inconnues d’une équation. Ce n’est qu’au début du XIX
        <exposant>e</exposant>
        siècle que le terme commence sa carrière dans les sciences empiriques, biologie (embryologie puis anatomie comparée) tout d’abord, sciences sociales (anthropologie, sociologie et histoire) ensuite. Le vocable fait son apparition dans des travaux d’embryologie de langue allemande de l’époque romantique, marquée par la
        <marquage typemarq="italique">Naturphilosophie</marquage>
        et récemment convertie au principe de l’épigenèse (principe de plasticité du développement); il est employé concurremment aux termes de complication et de composition progressive pour désigner un des aspects morphologiques du développement embryonnaire. Il faut cependant attendre la fin des années 1820 et la parution du premier volume de l’
        <marquage typemarq="italique">opus magnum</marquage>
        d’Ernst Von Baer (
        <marquage typemarq="italique">Über</marquage>
        <marquage typemarq="italique">Entwickelungsgeschichte der Thiere,</marquage>
        1828), pour voir le concept de différenciation accéder au statut épistémologique de concept
        <marquage typemarq="italique">modal</marquage>
        principal en biologie du développement. Dans les années 1840, l’articulation des concepts de différenciation et de division du travail physiologique ouvrait la voie à l’extension du concept de différenciation au champ entier de l’anatomie comparée, et allait conduire de nombreux naturalistes à penser que le problème du fondement rationnel du lien entre différenciation et perfectionnement de l’organisation était en passe d’être enfin résolu.
      </alinea>
      <alinea>
        À peu près à la même époque, le terme différenciation fait son entrée en science sociale; il va servir à exprimer l’aspect institutionnel du développement historique des sociétés. Aux belles heures de l’évolutionnisme culturel, la différenciation verra sa juridiction s’étendre au domaine des phénomènes morphologiques relevant de l’anthropologie (analyse comparée des sociétés) et de l’histoire (analyse comparée des formations historiques d’une même société). De la même manière qu’en biologie le niveau de différenciation traduit le degré de perfection atteint par une formation embryonnaire ou par un organisme achevé, en sciences sociales le niveau de différenciation indique la place occupée par une formation historique du passé ou par une société actuelle dans l’échelle de la civilisation. Le « doublet anatomo-physiologique différenciation / division du travail » est désormais un couple notionnel requis aussi bien pour la compréhension des modalités du développement embryonnaire que pour l’intelligibilité des modalités de l’évolution culturelle.
      </alinea>
      <alinea>
        Nous nous attacherons dans cet article à esquisser les jalons d’une partie de l’histoire transdisciplinaire et complexe de ce concept de différenciation, dont les sciences sociales traitant du « développement » (économique, politique, social) sont aujourd’hui dans une certaine mesure héritière. Nous tâcherons ce faisant de montrer les bénéfices que peut en tirer l’historien des idées concernant la compréhension de la genèse de l’évolutionnisme culturel, en dégageant notamment le rôle joué par les doctrines naturalistes dites du parallélisme anatomo-embryologique dans l’étiologie de ce courant de pensée majeur des sciences sociales d’hier, et dont le présent ne laisse pas de porter quelque trace.
      </alinea>
    </resume>
    <resume typeresume="resume" lang="en">
      <alinea>
        Morphogenesis and differentiation are the words which are used today to indicate the two basic modalities of ontogenesis in biology. Morphogenesis refers to the process of progressive ‘complexification’ during embryonic development, whereas differentiation refers to that of the functional specialization of the egg’s cells. Paradoxically, for more than a century, the term of differentiation has been employed to express the first of these variables, mainly if not exclusively. How did it come in developmental biology to name the physiological phenomenon which is parallel to structural complexification and which 19th century naturalists readily called the division of physiological labour? In fact, it appears that this inversion is only the latest episode in a series of semantic adventures affecting the history of the concept over nearly two centuries. We intend to explain them in this communication.
      </alinea>
      <alinea>
        We shall retrace the following steps: the term ‘differentiation’ appears in the field of animal anatomy at the beginning of the 19th century, because of its resemblance to ‘complication’, which is currently used by morphologists at this period (term which is itself practically synonymous with what 18th century naturalists called the “composition of the organization”). From comparative anatomy the term will migrate to embryology when the principle of epigenesis triumphs, and will know a considerable rise in epistemological status, reaching its climax when ranked by Von Baer as a fundamental concept of new scientific embryology. Its pairing with the concept of the division of physiological labour will confer on differentiation the role of criterion with which anatomists on the one hand, embryologists on the other hand, will judge the degree of improvement reached by embryonic formations and adult forms, respectively. Then the morphological significance of the term is enriched with a new evolutionary meaning, through the diffusion of the Darwinian theory and the adoption of the biogenetic law. At this degree of conceptual elaboration, we witness an extension of differentiation’s field to the phenomena concerned with anthropology (comparative analysis of different societies) and history (comparative analysis of different formations of the same society) thanks to sociologists such as Spencer who adopted the principle of cultural evolutionism. Evolutionary meanings of differentiation will regress correlatively, in life sciences and social sciences, during the inter-war period, to such an extent that its legitimate field of extension is reduced only to developmental biology. Consequently with the invalidation of the problem of the organic basis of living beings, differentiation loses its quasi etiological function (degree of differentiation as criterion of organic improvement) and comes back to its modal and descriptive primitive status.
      </alinea>
      <alinea>
        We shall focus in this paper a part of the history of this complex and interdisciplinary concept of differentiation, of which contemporary social sciences inherit to some extent, showing particularly the benefits of such an inquiry for the understanding of cultural evolutionism, which was so influent in the past social sciences, and even today.
      </alinea>
    </resume>
    <grmotcle lang="fr">
      <motcle>Différenciation</motcle>
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      <motcle>Differentiation</motcle>
      <motcle>complication</motcle>
      <motcle>division of labour</motcle>
      <motcle>evolution</motcle>
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      <motcle>series parallelism</motcle>
    </grmotcle>
  </liminaire>
  <corps lang="fr">
    <texte typetexte="libre">
      De la différenciation biologique à la différenciation sociale (XIXe-XXe siècles): quelques jalons historiques Emmanuel d’Hombres Université catholique de Lyon Laboratoire SPHERE UMR 7219 Introduction La controverse est-elle aujourd’hui définitivement close de savoir si la différenciation constitue, en sociologie, en économie, en science politique, une caractéristique modale de l’évolution sociale, autrement dit si les sociétés, à mesure qu’elles avancent dans l’histoire, sont nécessairement de plus en plus différenciées, ou bien au contraire si la différenciation, loin d’avoir la valeur opératoire d’instrument de mesure du degré d’évolution sociale, est une variable indépendante de l’historicité de sociétés? Certains auteurs contemporains faisant autorité en sociologie résistent à penser que la question soit tranchée, quitte à passer pour des évolutionnistes retardataires. C’est le cas notamment de Niklas Luhmann. Le concept de différenciation, compris au sens fort, informe complètement la problématique luhmanienne des modalités de l’évolution sociale. La proposition selon laquelle les sociétés évoluent par voie de différenciation de leurs fonctions et de leurs structures, qu’elles se « différencient » (au sens donné par l’embryologie épigénétique à ce terme) à mesure qu’elles avancent dans l’histoire – cette proposition est un jugement analytique, et pas du tout un jugement synthétique chez Luhmann (pour parler en termes kantiens). Nous rapporterons ici quelques passages attestant ce lien analytique entre évolution sociale et différenciation selon Luhmann. Ces citations sont tirées de son maître ouvrage, Soziale System1, livre majeur de la sociologie néo-évolutionniste contemporaine. D’abord cet extrait qui montre que la cause du processus de différenciation n’est pas exogène et accidentelle selon Luhmann. Ce processus serait, sinon spontané, du moins autonome. En effet: Les processus de différenciation interne [i.e. dans les sociétés] peuvent commencer presque au hasard et ne sont dirigés par aucune forme « en voie de développement » [sind nicht dirigiert durch eine zu ‘entwickelnde’ Form]2. Mais si ces processus de différenciation sociale ne dépendent pas d’une cause accidentelle, quelle peut être alors l’identité de la cause, de cette cause endogène? Ci-dessous un passage dans lequel Luhmann lie causalement la dynamique de différenciation au processus de reproduction de l’organisation: La différenciation interne (ou différenciation du système) utilise une toute autre procédure que la différenciation de l’environnement. Tandis que la différenciation de l’environnement était liée aux exigences pour le système de respecter l’environnement et qu’elle était à la fois stimulée et limitée par cette exigence, la différenciation interne est le résultat du processus de reproduction autopoiëtique [ergibt sich die interne Differenzierung aus dem Proceß der autopoietischen Reproduktion]3. Même si l’on reste dubitatif quant à ce que peut bien signifier pareil « processus de reproduction autopoiëtique », la formule montre clairement qu’il ne s’agit pas, dans l’esprit du sociologue, d’un phénomène adventice et accidentel à l’organisation. Luhmann utilise du reste volontiers dans ses écrits la forme pronominale (la différenciation « s’opère », « se développe », etc..), laquelle souligne encore une fois le caractère actif, autonome, plutôt que réactif, du processus. Ainsi dans cet extrait: La société peut réaliser [kann durchführen] son propre système de différenciation […]. C’est dire que cette différenciation ne repose pas sur des distinctions entre interactions. La différenciation sociale se développe d’en haut [entwickelt sich von oben], pour ainsi dire, et non d’en bas [von unten]: en instaurant de nouvelles différences pertinentes entre système et environnement au sein de la société, et non en cherchant et en triant des interactions convenables4. Cette représentation active, dynamique, du processus de la différenciation sociale n’est évidemment pas sans similitude avec celle du développement embryonnaire. D’ailleurs Luhmann reconnaît lui-même, sinon la valeur de modèle, du moins l’analogie de son concept de différenciation sociale avec la notion embryologique de développement. Ainsi dans La légitimation par la procédure5, il écrit à propos de l’évolution du système social en général et du système judiciaire en particulier: Comme tous les systèmes, les procédures judiciaires se constituent par le biais d’une différenciation, c’est-à-dire par l’établissement de frontières par rapport à un environnement. […] À certains égards, ce processus peut-être comparé à celui de la génération et de la naissance6. Dans le propos qui va suivre, nous allons tâcher de montrer que cette analogie, faite par une des voix les plus autorisées de la sociologie contemporaine, entre pareille conception de la différenciation sociale et la conception moderne du développement organique, n’est aucunement fortuite, qu’elle recouvre une parenté et un héritage commun. C’est donc à retracer cette filiation du concept « biosociologique » de différenciation que nous allons à présent nous attacher. Mais avant d’entamer l’enquête historique, il nous faut dire un mot sur la sémantique actuelle du terme dans cette discipline à laquelle fait référence Luhmann: l’embryologie. « Différenciation » aujourd’hui en biologie du développement En biologie du développement, il existe actuellement au moins quatre termes génériques pour exprimer les modalités principales du développement embryonnaire. Leurs significations se superposent, mais seulement partiellement et non complètement. Quels sont ces termes? Nous les citerons dans l’ordre technique croissant et en donnerons une définition minimale et, à ce qu’il nous semble, relativement consensuelle. Il y a d’abord ce bon vieux mot de croissance (growth). Croissance est d’ordinaire employée pour désigner l’augmentation en volume et/ou en masse de l’embryon causée par la multiplication cellulaire. C’est clairement un terme de morphologie. Le second terme, plus didactique, est celui de morphogenèse (morphogenesis). Comme le nom l’indique, la morphogenèse réfère aussi à l’aspect morphologique ou structural du développement embryonnaire. Il désigne plus spécifiquement le processus d’épigenèse au sens traditionnel du terme, c’est-à-dire l’apparition de parties dont la forme ne peut être déduite d’une forme existant antérieurement. Ce terme est en outre généralement (quoique pas toujours) employé pour la désignation des phénomènes épigénétiques visibles à l’échelle macroscopique de la perception humaine, c’est-à-dire au niveau des tissus, des organes ou des appareils. Les phénomènes épigénétiques visibles seulement au microscope – les phénomènes épigénétiques cellulaires et infracellulaires – sont d’ordinaire désignés par un autre mot: celui, précisément, de différenciation (differentiation). « Différenciation » est donc le troisième mot de notre liste. C’est aujourd’hui un terme un peu hybride, aussi bien morphologique que physiologique: un mot qui renvoie à un segment du processus de diversification à la fois structurale et fonctionnelle des parties de l’embryon. Mais notons tout de suite que le segment du processus et l’échelle de perception ne sont pas les mêmes selon qu’on l’envisage comme terme de morphologie ou comme terme de physiologie. Quand il dénote un processus morphologique, il réfère généralement au segment du parcours ontogénétique correspondant au stade embryonnaire et sert à la désignation des phénomènes de diversification structurale des cellules, plutôt que des tissus et des organes macroscopiques. Quand il dénote un processus physiologique, c’est le contraire: il réfère plutôt au segment correspondant au stade foetal, et se trouve alors employé à la désignation des phénomènes de spécialisation fonctionnelle des parties macroscopiques (organes et tissus), plutôt que des cellules et des éléments infracellulaires de l’organisme en voie de formation. C’est que « différenciation » est soumise à forte concurrence. Le vocable a, on l’a vu, un concurrent sur sa droite, du côté morphologique, avec le terme de morphogenèse. Mais il a aussi un rival sur sa gauche, du côté physiologique. Et ce rival est le terme de détermination (determination), le dernier terme de notre liste. Par « détermination », on entend aujourd’hui, en biologie du développement, l’ensemble des processus de spécialisation fonctionnelle des cellules, ou pour le dire de façon négative, mais précise, la diminution et la disparition progressive de la pluripotence (ou totipotence) cellulaire, propriété caractéristique des cellules souches (precursor cells), à mesure du développement de l’embryon. La détermination précède la différenciation « morphologique » au sens restreint du terme, au cours de l’embryogenèse. On dira donc qu’elle correspond à la période la plus primitive, ou bien qu’elle précède la différenciation fonctionnelle, selon qu’on adopte une acception large ou restreinte de cette différenciation. Pour étayer nos affirmations, nous citerons quelques passages tirés de manuels relativement récents de biologie du développement. L’ensemble révèle une certaine stabilité sémantique des termes de différenciation, de croissance et de morphogenèse: Le développement remplit deux fonctions principales. Il produit l’ordre et la diversité cellulaire au sein de chaque génération d’être vivants, et il assure la continuité de la vie d’une génération à l’autre. La première fonction consiste en la production et l’organisation de tous les différents types de cellules dans le corps. [...] Cette genèse de la diversité cellulaire est appelé « différenciation ». Les processus d’organisation des différentes cellules dans les tissus et les organes sont désignés par le terme de « morphogenèse » (création de la forme et de la structure) et de « croissance » (augmentation de la taille)7. Il est utile de distinguer les séquences embryonnaires en plusieurs composants: la croissance, la différenciation et la morphogenèse. Le terme « croissance » est utilisé pour définir le gain en volume et/ou la masse d’un organisme résultant de la croissance et de la multiplication cellulaires. « Différenciation » décrit des modifications de la forme et de la structure des cellules conduisant à la formation de nouvelles structures ou à des changements dans les tissus et les organes. [...] Le changement de forme de l’organisme qui est lié à des modifications fonctionnelles, est appelé « morphogenèse »8. Les deux processus fondamentaux du développement sont la différenciation et la morphogenèse. La différenciation est l’acquisition des différentes propriétés par différentes cellules ou différents groupes de cellules. [...] La morphogenèse est le changement dans la forme de l’embryon ou dans une partie de celui-ci, depuis les cellules jusqu’aux tissus et aux organes9. Un petit schéma nous aidera à situer les unes par rapport aux autres les aires de signification respectives occupées aujourd’hui par les mots composant la terminologie générique des modalités de l’embryogenèse, lorsqu’on les compare du point de vue du type d’étude (physiologie versus morphologie) et de l’échelle de réalité (macro versus micro) auxquels ils réfèrent: La différenciation en embryologie dans le dernier tiers du XIXe siècle Croissance, différentiation, morphogenèse, détermination: autant de notions à l’extension et à la compréhension assez proches, mais cependant distinctes, employées pour la désignation d’une modalité de tout ou partie du développement embryonnaire. Faisons maintenant un saut d’un siècle à l’autre, et comparons la compréhension et l’extension qu’avait le concept de différenciation à la fin du XIXe siècle à celles qu’il revêt aujourd’hui dans la même discipline Nous citerons à ce propos deux textes. Le premier est extrait des Principes d’anatomie comparée10 du morphologiste allemand Carl Gegenbaur, le second du Traité d’embryologie11 de l’embryologiste Oscar Hertwig, son élève: La marche que suivent les tissus dans leur formation [Gewebeentstehung] et leur séparation dans le cours du développement [Entwickelung] subséquent est une différenciation [Differenzirung]. Comme chaque agrégation de cellules ayant subi de telles transformations correspond à une fonction déterminée de l’organisme, laquelle auparavant n’était pas attachée à une partie nettement circonscrite, et dévolue même, confusément avec toute les autres fonctions, à une seule cellule pendant l’existence de l’organisme comme oeuf, on doit considérer cette différenciation comme une division du travail [so ist diese Differenzirung als eine Arbeitstheilung aufzufassen]. […] Cette division du travail physiologique détermine un haut perfectionnement [höhere Ausbildung] dans les manifestations d’un organe, car la structure de chaque partie affectée à un usage particulier tendra toujours à s’améliorer [fortgebildet] dans la seule direction correspondante12. Pour bien comprendre l’importance, pour le développement de l’embryon, du principe de la division du travail [physiologischen Arbeitstheilung] et de la différenciation histologique [histologische Differenzirung] qui en est la conséquence, nous devons nous rappeler que la vie de tout être organisé se manifeste par un ensemble de fonctions différentes. […] Chez les organismes pluricellulaires inférieurs, les différents éléments constitutifs accomplissent encore tous, de la même manière, les diverses fonctions nécessaires à la vie organique. Mais, plus l’organisme est hautement organisé, plus ses différentes cellules se partagent les fonctions. Cette division du travail physiologique entraîne nécessairement un perfectionnement [ein höherer Grad der Vollkommenheit] dans l’accomplissement des diverses fonctions. De plus, tout changement ou perfectionnement physiologique que subit une cellule détermine chez elle des modifications dans sa texture intime. Il en résulte que la différenciation morphologique ou histologique marche toujours de pair avec la division du travail physiologique [der physiologischen Arbeitstheilung geht stets auch Hand in Hand eine morphologische oder histologische Differenzirung]13. On remarque dès l’abord plusieurs différences avec le concept d’aujourd’hui: 1° « différenciation » est plutôt un concept morphologique que physiologique, et le terme qui exprime la signification physiologique conférée aujourd’hui généralement à « différenciation » est en l’occurrence « division du travail »; ces deux concepts d’ailleurs forment au demeurant une paire (sans qu’on s’attarde ici sur la nature de leur relations logique); 2° « différenciation » est une notion qui implique indirectement, via la notion de division du travail qui lui est appariée, l’idée de perfectionnement de l’organisation; donc il s’agit d’un concept qui n’est pas uniquement descriptif et modal, comme aujourd’hui, mais normatif et explicatif. Représentons ci-après les aires de significations respectives des deux termes le long des axes. Voici deux tableaux permettant de récapituler les informations sur la sémantique de ces termes à un siècle de distance: À côté de « différenciation » se présente donc ici ce nouveau venu sur lequel il va nous falloir revenir: « division du travail physiologique ». Qu’est devenu ce concept aujourd’hui? Quel est son statut logique? Comment comprend-t-on, si elle existe, l’expression de division du travail physiologique dans la littérature biologique actuelle14? Sur le plan de la compréhension, force est de reconnaître qu’on n’utilise plus aujourd’hui le concept que dans un registre descriptif, c’est-à-dire sans que cela implique un quelconque jugement de valeur sur l’organisme considéré. Comme le dit Graham Bell: « La division coopérative du travail entre entités répliquées est un principe général de construction organique qui s’applique à tous les niveaux de l’organisation vivante15 ». « Division du travail » n’est donc peut être pas toujours considérée comme une pure et simple métaphore en biologie; mais, du moins, l’expression aujourd’hui n’implique plus du tout l’idée d’un lien entre le processus qu’on appelle détermination et un quelconque perfectionnement de l’organisation. Plus remarquable encore, sur le plan de l’extension, l’usage aujourd’hui est de restreindre l’application du concept de division du travail, même réduit à une compréhension purement descriptive, à des domaines dont l’étude ne relève pas de l’embryologie. Ces champs d’application sont principalement le domaine des sociétés animales (division du travail entre les individus composant les sociétés animales) et le plan écologique de la répartition des espèces (division du travail écologique ou interspécifique, au sens où Darwin déjà l’entendait16). Autrement dit, l’usage a pratiquement disparu de parler de division du travail organique, de division du travail entre les parties composant l’organisme individuel, qu’il s’agisse de l’organisme adulte ou de l’organisme en voie de formation étudié par l’embryologiste. Or l’organisme individuel était le principal domaine d’application de la division du travail pour les biologistes jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les autres domaines restaient tout à fait secondaires17. Ironie de l’histoire: « différenciation » s’est pratiquement substituée à « division du travail physiologique » dans le rôle de modalité physiologique de référence de l’évolution embryonnaire, tout en continuant à jouer son rôle de variable morphologique, à côté et en sus du concept de morphogenèse, cantonné pour sa part à la désignation des phénomènes macroscopiques. En lieu et place de « division du travail physiologique », on trouve aujourd’hui son ancien alter ego physiologique: « différenciation » (ainsi que « détermination »). Et en lieu et place de « différenciation », on trouve aujourd’hui … toujours « différenciation », plus un nouveau venu: « morphogenèse ». D’où notre question: comment en est-on arrivé, en biologie du développement, à nommer du terme de différenciation le phénomène physiologique de la spécialisation fonctionnelle des cellules et (surtout) des parties macroscopiques qu’elles composent, phénomène considéré comme corrélatif du phénomène anatomique de la diversification structurale des parties organiques, et que la plupart des naturalistes nommaient, à la fin du XIXe siècle, la division du travail physiologique? Autrement dit, comment la catégorie de différenciation en est-elle venue à couvrir tout le champ autrefois couvert par le concept de division du travail physiologique? En fait, il apparaît que ce déplacement et cette extension du domaine de validité du concept de différenciation aux phénomènes physiologiques accompagnant les modifications anatomiques opérant au cours du développement embryonnaire sont le résultat d’une série de transformations successives affectant l’histoire du concept depuis plus de deux siècles. Nous listerons dans le propos qui va suivre les principales modifications, en respectant leur ordre chronologique d’apparition et en illustrant chacun des ces déplacements par un ou deux propos d’auteurs. De la « composition de l’organisation » à la différenciation embryonnaire 1° Au XVIIIe siècle, « différenciation » est un terme de mathématique exclusivement, plus précisément un terme d’analyse. La différenciation nomme un procédé utilisé pour réduire le nombre de variables inconnues d’une équation. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que le vocable commence sa carrière en biologie. Nous n’avons pas trouvé d’occurrences dans les travaux de morphologie animale ou végétale du premier tiers du XIXe siècle. À la place de différenciation, on trouve le concept voisin de complication, qui est alors un terme pratiquement synonyme de ce que les naturalistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle appellent encore volontiers la « composition de l’organisation ». Mais il s’agit alors d’un concept d’anatomie comparée, exclusivement. Nous reproduisons deux textes de Lamarck. Le premier montre l’assimilation du concept de (degré de) complication au concept de (degré de) dissemblance, le second, la synonymie, à cette époque, des termes de complication et de composition de l’organisation: S’il existe, parmi les êtres vivants, une série graduée, au moins dans les masses principales, relativement à la complication ou à la simplification de l’organisation, il est évident que dans une distribution bien naturelle, […] on doit nécessairement placer aux deux extrémités de l’ordre les êtres les plus dissemblables, les plus éloignés sous la considération des rapports, et par conséquent ceux qui forment les termes extrêmes que l’organisation, animale ou végétale, peut présenter18. Il convient de nous arrêter un instant [sur les animaux] pour reconnaître la gradation singulière et bien étonnante qu’offre leur ensemble dans la composition ou la complication de leur organisation, dans le nombre et l’étendue de leurs facultés, en un mot dans la facilité, la promptitude et le nombre des moyens de leur multiplication.19 2° En fait, il semble que ce soit dans les études sur la « génération », plus précisément dans l’embryologie allemande de l’époque romantique, marquée par la Naturphilosophie et récemment convertie au principe de l’épigenèse, au sens que ce mot revêt en histoire naturelle (génération successive de parties aux formes non déductibles de formes antérieures), que le terme de différenciation émerge pour la première fois en tant que terme de science naturelle. On trouve le vocable dans des textes du début du XIXe siècle traitant du développement animal de Johann Friedrich Meckel20, Carl Friedrich Heusinger21, Julius Ferdinand Meyen22, et d’autres encore. Nous rapportons ici un propos de Carl Gustave Carus, datant de 1814: Le règne animal se développe [entwickelt sich] dans le sens d’une diversité et d’une perfection toujours plus grande à partir d’un état d’indifférence [Indifferenz] primitive dans l’animal individuel. Ceci résume toute l’histoire de l’animalité, qui est comme l’histoire du développement de chaque forme achevée, en ceci qu’elle repose sur une différenciation croissante [gehenden Differenzirung] qui nous éloigne toujours plus de l’indifférence initiale23. Cette origine embryologique (et non anatomique) du concept biologique de différenciation a été bien vue par le grand Cuvier, qui écrivait déjà en 1810: La théorie générale de la formation des êtres organisés reste toujours le plus profond mystère des sciences naturelles. […] L’esprit, réduit à choisir entre les diverses hypothèses du développement des germes, ou les qualités occultes mises en avant sous les titres de moule intérieur, d’instinct formatif, de vertu plastique, de polarité ou de différenciation, ne trouve donc partout que nuages et qu’obscurité24. 3° Il faut cependant attendre la fin des années 1820 et la parution du premier volume de l’opus magnum d’Ernst Von Baer, Histoire du développement des animaux25, ouvrage que les historiens s’accordent à reconnaître comme un des plus importants de l’embryologie moderne, pour voir le concept de différenciation accéder au statut épistémologique de concept modal principal du développement embryonnaire. Nous rapportons ici un long passage de Von Baer qui atteste cette consécration épistémologique: Lorsque l’on considère le déroulement du développement, la première chose manifeste est qu’à partir d’un état homogène, commun, il se forme progressivement un être hétérogène et différencié. Cette loi du développement prédomine tellement à tous les moments de la métamorphose qu’il est totalement impossible de parler correctement du développement sans s’y référer constamment. Elle est si lumineuse partout dans notre exposé, qu’il paraît superflu de vouloir ici la démontrer. Cependant, quelques considérations sur les modalités du processus [Weise der Vorganges] ne seront pas inutiles et trouveront leurs applications par la suite. On peut distinguer trois formes de différenciation [drei Formen der Differenzirung]. Tout d’abord, le germe est divisé en plusieurs couches hétérogènes qui acquièrent au cours du développement de plus en plus de particularités. […] Voici pour la division en feuillets, que nous appellerons la différenciation primaire [primäre Sonderung]. En plus de la différenciation en feuillets, il s’en produit une autre, plus tard, à l’intérieur des feuillets, lorsque les masses cartilagineuses, musculaires et nerveuses se séparent. […] J’appelle cette forme de différenciation la différenciation histologique [histologische Sonderung]. Une troisième forme de différenciation [Differenzirung] est la différenciation de la forme externe. […] J’appelle cette différenciation la différenciation morphologique [morphologische Sonderung]. [...] Ainsi, par une triple différenciation, se construit l’hétérogénéité du corps26. Différenciations primaire, histologique, morphologique: la voie est désormais ouverte à l’analyse fine des modalités de la différenciation embryonnaire. De la différenciation embryonnaire à la différenciation des espèces 4° Von Baer affirmait l’existence d’une corrélation entre différenciation et perfectionnement d’un organisme. Semblable affirmation n’avait cependant rien d’original; on la retrouve à la même période chez des auteurs comme Carus ou Meckel27. Seulement si ce lien est généralement admis par les embryologistes, force est de reconnaître qu’il n’est aucunement démontré. La différence est de taille, et entache la crédibilité épistémologique (sinon méthodologique) de la différenciation en tant que « zoomètre de l’animalité », pour reprendre l’expression d’un naturaliste de cette époque28. L’articulation des concepts de différenciation et de division du travail physiologique, notion d’origine économique et jusqu’alors exclusivement employée en physiologie comparée, va donner à de nombreux naturalistes le sentiment que ce problème est résolu, en même temps qu’il permet l’extension dudit concept de différenciation au champ entier de l’anatomie comparée, discipline vouée à l’étude des organismes adultes. En fait les biologistes empruntent aux économistes, non pas seulement le concept descriptif de division du travail (un certain type d’organisation du travail, en l’occurrence le travail manufacturier), mais le concept étiologique de division du travail, c’est-à-dire l’idée, empiriquement validée en économie, à défaut de l’être en biologie, d’une relation de causalité entre le type d’organisation du travail (manufacturier versus non manufacturier) et le perfectionnement de l’organisation29. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, les économistes ont observé et démontré30 que l’organisation d’une production primitivement artisanale sous une forme manufacturière permet de générer d’importants gains de productivité, par suite de diminuer les coûts de revient et d’augmenter le revenu des entrepreneurs et le pouvoir d’achat des ouvriers – ce qui affecte in fine positivement la « richesse globale » de la société, autrement dit dans un vocabulaire moins restrictivement économique et susceptible de s’appliquer à d’autres entités collectives: son degré (ou niveau) de perfectionnement (ou progrès). Dans ces conditions (lien organisation du travail / productivité / richesse globale), le couplage opéré par les naturalistes des deux concepts de division du travail et de différenciation ne pouvait que renforcer la conviction des naturalistes que la différenciation est finalement un bon critère pour juger du degré de perfection atteint par cette autre totalité qu’est l’organisation biologique, que cette organisation désigne une forme embryonnaire ou un organisme adulte. Nous reproduisons un texte du zoologiste français Henri Milne-Edwards daté de 1844. Il est, à notre connaissance, le premier texte dans lequel « division du travail physiologique », originairement concept de physiologie comparée, c’est-à-dire appliqué à l’étude comparée du fonctionnement des formes adultes, est utilisé en tant que concept embryologique: Les animaux dont la carrière embryogénique est de longueur inégale constituent, sous le rapport de leur mode d’organisation, une multitude de séries séparées entre elles par des caractères d’autant plus importants que les différences dans leur marche zoogénique sont plus anciennes et plus considérables. Dans ces séries, de même que dans l’embryon aux diverses périodes de son développement, l’organisation tend en général à se perfectionner à mesure qu’elles s’élèvent, de telle sorte que les espèces les moins parfaites occupent les rangs les plus inférieurs; mais ce perfectionnement, qui a toujours pour résultat une division croissante du travail fonctionnel, ne se fait pas toujours de la même manière, et ce n’est pas en revêtant des formes semblables que des animaux engagés dans des routes zoogéniques essentiellement différentes s’élèvent31. 5° Pareille extension du concept de division du travail au domaine de l’embryologie va évidemment faciliter son articulation systématique avec celui de différenciation, qui occupe à l’origine ce terrain. Mais, en retour, cette articulation, dans la mesure où elle est effectivement systématique, exige que les deux concepts soient coextensifs. Elle impose donc en théorie d’élargir le champ d’application de la notion de différenciation au domaine des organismes adultes (anatomie comparée). Dans le sillage des travaux de Milne-Edwards, les zoologistes et embryologistes allemands seront les grands acteurs de cette systématisation, qui aboutit à faire de la différenciation et de la division du travail une sorte de « double anatomo-physiologique ». En 1851, le morphologiste allemand Heinrich Bronn déclare que ce qu’il appelle la différenciation progressive des fonctions [fortschreitende Differenzirung der Funktionen], et qui va de pair avec la différenciation des organes, correspond à ce que Milne-Edwards nomme la division du travail physiologique32. La même année, son compatriote Rudolf Leuckart relève que la différenciation ou ce qu’il appelle encore le polymorphisme « est seulement l’expression extérieure d’une division du travail [äufsere Ausdruck einer Arbeitstheilung]33 ». En 1866, Ernst Haeckel intitulera un sous-chapitre de sa Generelle Morphologie: « Différenciation ou division du travail34 ». Il ne cessera d’utiliser l’expression et d’opérer l’équation division du travail-différenciation dans tous ses écrits ultérieurs. Dans le même sens, le physiologiste français Claude Bernard écrivait dans l’un de ses derniers ouvrages: La différenciation est un fait démontré, lorsqu’on suit le développement d’un être donné. Les études embryogéniques, depuis C. F. Wolff, ont établi que l’animal se formait par épigenèse, c’est-à-dire par addition et différenciation successive de parties. [...] Cette différenciation, cette spécialisation est, en somme, une division du travail physiologique35. « Différenciation » n’est plus que la variable morphologique du « doublet anatomo-physiologique »: différenciation-division du travail. Et ce doublet conceptuel s’applique désormais aussi bien aux formes animales adultes étudiées par le zoologiste qu’aux formations animales transitoires étudiées par l’embryologiste. 6° Dans les années 1850, « différenciation » est devenu un concept d’anatomie comparée et d’embryologie; mais il n’est pas encore un concept de biologie de l’évolution. Il faut attendre les années 1860 et la diffusion de la théorie darwinienne pour voir « différenciation » être progressivement investie d’une signification évolutionniste. Dans L’Origine des espèces, Darwin parle de la phylogenèse comme d’un processus de divergence, mais il utilise parfois « différenciation » aussi en ce sens phylogénétique. Haeckel n’aura pas les mêmes scrupules, employant systématiquement « différenciation » pour qualifier ce qui lui semble être la principale modalité morphologique de la phylogenèse. Par exemple ce dernier écrit: La divergence de caractère ou différenciation des individus est directement le produit de l’interaction entre les lois de l’hérédité et de l’adaptation, car plus les organismes se ressemblent, plus leur besoins sont analogues, et plus la lutte pour l’existence qu’ils doivent mener les uns contre les autres pour satisfaire leurs besoins vitaux est rude36. Il est clair que « différenciation » n’est plus seulement à cette époque un concept de biologie du développement (et accessoirement d’anatomie comparée); il est maintenant pleinement un concept de morphologie évolutive, un concept de biologie de l’évolution. 7° C’est à ce point du parcours qu’apparaît un décalage entre les notions de différenciation d’une part, de complication (ou complexification) d’autre part. Comme Darwin l’a souvent noté, la différenciation phylogénétique ou divergence des lignées n’implique pas forcément une complication ou complexification des formes vivantes37. Cependant la loi dite biogénétique de récapitulation de la phylogenèse par l’ontogenèse interdit aux biologistes, du moins à ceux qui lui accordent crédit, de distinguer radicalement complication et différentiation, vu que le développement embryonnaire est tenu pour aller dans le sens d’une complexification croissante de la structure. C’est ainsi que beaucoup de naturalistes sont amenés à se servir du terme de différenciation pour désigner le processus de spéciation, c’est-à-dire dans un sens franchement phylogénétique, tout en reconduisant une vision finaliste et fondamentalement anti-darwinienne de cette histoire – se rangeant ainsi parmi les acteurs de ce que l’historien Peter Bowler a appelé « the non-Darwinian Revolution38 ». À la fin du XIXe siècle, « différenciation » a acquis son maximum d’extension en biologie. En 1896, l’embryologiste Louis Roule, prenant acte de cette formidable promotion du concept, pouvait écrire: La nature va du simple au complexe, grâce à une différenciation des formes toujours plus accentuées, liées à une division toujours plus grande du travail vital. Ce principe est vraiment la loi directrice, dans les sciences biologiques comme dans celles qui s’y rattachent; il est le guide constant sans lequel on ne trouve que fausseté et erreur. Tous les naturalistes, tous les philosophes, dans la recherche de la vérité, doivent l’avoir présent à la mémoire, et ne point s’en départir39. De la différenciation des espèces à la différenciation des sociétés 8° À l’orée du XXe siècle, le concept de différenciation triomphe donc en biologie. Corrélé à la notion de division du travail, d’une part, à la notion de perfectionnement, d’autre part, il est pourvu d’une extension inégalée (embryologie, anatomie comparée, morphologie évolutive), et il est parvenu à un fort degré d’élaboration (la double corrélation: différenciation / division du travail, et différenciation / perfectionnement de l’organisation40). Mais il n’est pas encore au bout de ses aventures. Les adeptes de l’évolutionnisme culturel, sociologues, anthropologues, historiens, juristes, vont en effet étendre l’application du concept au domaine des sociétés humaines, sans en changer d’ailleurs fondamentalement la compréhension. Ceux-ci affirment l’existence d’un parallélisme entre anthropologie et histoire sur le modèle du rapport qui existe entre anatomie comparée et embryologie pour les naturalistes, de moins en moins nombreux il est vrai en cette seconde moitié du XIXe siècle, qui, à l’instar d’Etienne Serres ou des Geoffroy St-Hilaire père et fils il y a un demi-siècle, persistent à admettre le principe du parallélisme anatomo-embryologique41. Dans ces conditions, quoi d’étonnant que les modernes promoteurs de l’évolutionnisme culturel en sciences sociales finissent par adopter aussi les concepts modaux fondamentaux des disciplines naturalistes auxquelles ils se réfèrent, à savoir les concepts de différenciation morphologique et de division du travail physiologique? De la même manière qu’on dit en biologie que le niveau de différenciation traduit le degré de perfection atteint par une formation embryonnaire ou par un organisme adulte, on va dire en sciences sociales que le niveau de différenciation indique le rang occupé, sur l’échelle de la civilisation, par une société du passé ou par une société actuelle. La translation est faite notamment par Herbert Spencer dès la fin des années 1850. Dans un essai datant de 1860, le philosophe anglais écrit: Différenciations sur différenciations [differentiation upon differentiation] s’opèrent au cours de l’évolution d’une société civilisée. Nous avons observé comment, dans les petites communautés primitivement formées, se constitue une organisation politique simple: il existe seulement une séparation partielle des classes exerçant des fonctions différentes. Et maintenant nous observons comment, dans un pays formé par la fusion de ces petites communautés, les diverses sections, aussi bien dans leurs structures que leur modes d’activité, croissent de façon différente [grow unlike] sur les deux plans – et deviennent progressivement des parties mutuellement dépendantes, diverses dans leur nature et dans leurs fonctions42. Et le concept de différenciation vaut aussi bien appliqué à l’analyse des sociétés du passé étudiées par l’historien (comparaison des stades historiques d’une même société), qu’à celle des sociétés d’aujourd’hui étudiées par l’anthropologue et le sociologue (comparaison des sociétés « sauvages » et des sociétés « civilisées »). Comme l’écrit Spencer dans un autre ouvrage, dans l’organisme: Ces différences de fonction, et les différences de structure qui en découlent, d’abord rares et faiblement marquées, deviennent plus nombreuses et plus définies à mesure que l’organisation se perfectionne, et ce faisant, les buts de l’organisme sont mieux atteints. Les types inférieurs et les types supérieurs de sociétés [lower and higher types of societies] se distinguent par des traits de structure qu’on peut caractériser par les même expressions; et ces traits de structure sont également ce qui distingue les stades primitifs des stades plus avancés dans chaque société [the earlier stages of each society from the later]43. Pareille extension socio-anthropologique du concept n’eût pas été possible si celui qui lui sert de modèle en biologie n’avait été auparavant exporté hors de son domaine d’origine (l’embryologie) et légitimé en tant que concept d’anatomie comparée. 9° L’usage du double conceptuel différenciation-division du travail dans l’analyse historique et anthropologique, comme notion à la fois étiologique (causalité différenciation-perfectionnement de l’organisation sociale) et modale (caractérisation du moyen par lequel procède l’évolution sociale), que ce soit dans la comparaison des stades historiques d’une société ou dans la comparaison des sociétés actuelles, se généralisera à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Nous citerons pour exemple un sociologue allemand, sociologue non évolutionniste, mais qui n’en admet pas moins la valeur modale et explicative, pour l’historien comme pour l’anthropologue, du couple « différenciation / division du travail ». Il s’agit de Georg Simmel: Les recherches historiques et ethnologiques ont démontré depuis longtemps que, d’une façon générale, les individus d’un groupe sont d’autant plus semblables et plus étroitement unis que le groupe est plus primitif, qu’il a une plus courte existence. Grâce à un développement progressif l’individualité se dessine plus nettement, les fonctions deviennent plus divisées et plus spécialisées; l’individu perd toute égalité et toute solidarité avec les autres membres du groupe. Ce développement est si fréquent qu’on l’a donné comme une loi de la différenciation [Differenzirung]44. Articulation différenciation-division du travail, rapport de causalité différenciation-perfectionnement de l’organisation, parallélisme des séries historiques et anthropologiques (« ethnologique » dit Simmel), confusion des séries logiques et chronologiques: telles sont désormais les déterminations composant le réseau sémantique du terme de différenciation lorsqu’il est employé par les sociologues et les historiens évolutionnistes à la fin du XIXe siècle. 10° Mais cette hyper extension et cette surdétermination fonctionnelle du concept de différenciation ne durera qu’un temps. Sous la conduite de Franz Boas, l’anthropologie sociale américaine de l’entre-deux-guerres va procéder à une critique méthodique et systématique des constructions évolutionnistes et ruiner progressivement le crédit que les anthropologues et les sociologues accordaient à cette doctrine et au concept de différenciation, en particulier dans sa double fonction d’index du progrès social et d’indice de l’âge historique des sociétés45. Ajoutons qu’à la même époque, les choses se gâtaient également pour le concept du côté de l’embryologie évolutionnaire. Les embryologistes Walter Garstang et Gavin de Beer entreprenaient de réfuter la loi biogénétique et retournaient l’aphorisme haeckelien en son contraire, en montrant l’existence d’une relation de causalité entre ontogenèse et phylogenèse dans le sens inverse à celui qu’avaient imaginé les théoriciens de la récapitulation de la seconde moitié du XIXe siècle46. Ce rejet allait saper la croyance dans la validité fonctionnelle du concept de différenciation comme concept modal de la macroévolution biologique. Sur un plan plus général, l’essoufflement du néolamarckisme, longtemps virulent en France, après la première guerre mondiale47, puis l’édification de la nouvelle synthèse dans les années 1930 et 1940, témoignaient du regain des idées darwiniennes et du déclin de l’influence de ce que Peter Bowler a appelé le « pseudo-darwinisme » en biologie de l’évolution48. L’assomption progressive des implications philosophiques du darwinisme authentique allait achever d’invalider la croyance dans la pertinence du problème du fondement du rang organique des êtres vivants, qui est un des présupposés de base du pseudo-darwinisme. Comme un organe vestigial, « différentiation » perdait ainsi sa fonction quasi étiologique (degré de différenciation comme mesure du perfectionnement organique) et retournait à son statut modal et descriptif initial en embryologie. Conclusion Quel enseignement épistémologique tirer au terme de cette petite enquête historique? Il nous semble que l’histoire du concept de différenciation illustre bien cette sorte de dynamique en histoire des sciences qu’on pourrait appeler, en empruntant une formule imagée et un peu triviale, le « principe de l’iceberg ». Un apparemment assez minime et anodin déplacement entre le concept naturaliste de différenciation des années 1870 et celui d’aujourd’hui, au plan de l’extension (anatomie comparée et embryologie versus embryologie exclusivement) et au plan de la compréhension (morphologie versus physiologie), dissimule en fait un détour assez considérable nécessitant plusieurs médiations logico-conceptuelles d’importance, qu’on aurait peine à imaginer en première analyse. Seul un examen historique serré peut nous permettre d’en reconstituer les étapes – en même temps qu’il nous met en mesure de comprendre les raisons de l’extraordinaire fortune du concept de différenciation dans les sciences sociales naissantes, marquées par l’évolutionnisme. Concept dont il n’est pas dit au demeurant, au vu des usages de certains praticiens actuels de ces disciplines, qu’il soit destiné aux oubliettes de l’histoire de la sociologie et de l’anthropologie. Il s’agirait alors de ne pas oublier, qu’à l’instar de la biologie évolutive contemporaine, les disciplines aujourd’hui vouées à l’étude des dynamiques sociales (sociologie, anthropologie, science politique, économie), qui usent et parfois abusent de la notion de différenciation, sont également dans une certaine mesure héritière de cette histoire interdisciplinaire, à la fois biologique, économique et sociologique du concept de différen-ciation. Certes, la sociologie néoévolutionniste comparatiste de la seconde moitié du XXe siècle, à l’exemple de la théorie luhmanienne des systèmes sociaux à laquelle nous avons fait référence, reconduit un concept de différenciation qui, à la différence de l’anthropologie évolutionniste de la fin du XIXe siècle, n’implique peut-être pas en toute rigueur celui de progrès ou de perfectionnement de l’organisation. Mais il demeure à tout le moins dans cette sociologie un concept nécessitariste ou déterministe, une catégorie modale de l’histoire des sociétés humaines, envisagée comme susceptible de nous informer sur leur degré d’évolution ou leur niveau d’historicité respective. Cela suffit, croyons-nous, à inscrire ce concept dans un double héritage: dans l’héritage, d’une part, de la notion de différenciation promue par l’embryologie du début du XIXe siècle, au moment où les naturalistes qui disputent des théories de la génération se convertissent massivement au paradigme de l’épigenèse; dans l’héritage, d’autre part, de la transformation qui a affecté l’extension du concept biologique de différenciation, transformation induite par son articulation systématique avec la notion de division du travail physiologique, et qui a abouti à l’élévation de ce concept au rang de concept d’anatomie comparée au cours du XIXe siècle. Remerciements Cet article constitue la reprise développée d’une communication orale faite au Colloque « Les Mots du développement : genèse, usages et trajectoires », tenu le 13 et14 novembre 2008, à l’Université Paris-Dauphine. Je remercie mes deux évaluateurs anonymes de la revue Nouvelles Perspectives en Sciences Sociales qui, par leurs critiques et suggestions, m’ont grandement aidé à améliorer ce manuscrit. Bibliographie Balan, Bernard, L’Ordre et le temps. L’anatomie comparée et l’histoire des vivants au XIXe siècle, Paris, Vrin, 1979. Bell, Graham, Selection: The Mechanism of Evolution, New York, Chapman & Hall, 1997. Bernard, Claude, Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux, 2 vol., Paris, Baillière, 1877-1878. Boas, Franz, Race, Language and Culture, Londres, Macmillan, 1966 [1940]. Bowler, Peter, The Non-Darwinian Revolution: Reinterpreting a Historical Myth, Baltimore, John Hopkins University Press, 1988. 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La référence au schéma système/environnement indique qu’en l’occurrence Luhmann emprunte sa modélisation des phénomènes sociaux à la théorie des systèmes, plutôt que directement à la biologie (schéma organisme/milieu). Il demeure que les propos de Luhmann (en témoigne sa comparaison avec la génération) reconduisent bien ici l’idée d’un rapport analytique entre différenciation et niveau d’historicité des sociétés. 7. Scott F. Gilbert, Developmental Biology, 4e édition, Sunderland (Mass.), Sinauer Associates, 1994, p. 4. 8. Peter Westhoff (dir.), Molecular Plant Development: From Gene to Plant, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 14-15. 9. Douglas J. Futuya, Evolutionary Biology, Sunderland (Mass.), Sinauer Associates, 1998, p. 49. 10. Carl Gegenbaur, Grundzüge der vergleichenden Anatomie, Leipzig, Engelman, 1878 [1870]. 11. Oscar Hertwig, Lehrbuch der Entwicklungsgeschichte des Menschen und der Wirbelthiere, Jena, Fischer, 1896 [1888]. 12. Carl Gegenbaur, op. cit., § 13, p. 30. Souligné par l’auteur. 13. Oscar Hertwig, op. cit., p. 92-93. 14. Pour plus de précisions sur ce point, nous nous permettons de renvoyer à notre étude: Emmanuel d’Hombres, « The “Division of Physiological Labour”: The Birth, Life and Death of a Concept », Journal of the History of Biology, no 45, 2012, p. 3-31. 15. Graham Bell, Selection: The Mechanism of Evolution, New York, Chapman & Hall, 1997, p. 245. 16. Voir notamment Charles Darwin, The Origin of Species by Means of Natural Selection, 6th edition, London, J. Murray 1872 [1859], p. 89-90, 97-98, 233. 17. Ce point a été bien vu à l’époque par la première traductrice française de Darwin, Clémence Royer, dans un court texte: « Des sociétés dans la série organique », Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, 2e série, t. 10, 1875, p. 622-626. 18. Jean Baptiste de Lamarck, Discours d’ouverture. Système des Animaux sans vertèbres, Paris, Déterville, 1801, p. 18. 19. Ibid., p. 6, souligné par nous. 20. Johann Friedrich Meckel, Manuel d’anatomie générale, descriptive et pathologique, 2 vol., trad. fr.. Jourdan et Breschet, Paris, Baillière, 1825 [1812-1816]. 21. Carl Friedrich Heusinger, Grundriss der Enzyclopädie und Methodologie der Natur und Heilkunde, Eisenach, Barecke, 1839. 22. Julius Ferdinand Meyen, Phytotomie, Berlin, Josephy, 1830. 23. Carl Gustav Carus, Versuch einer Darstellung des Nervensystems, Leipzig, Breitkopf, 2 vol., 1814, t. 1, p. 16. 24. Georges Cuvier, Rapport historique sur les progrès des sciences naturelles depuis 1789, Paris, Imprimerie Impériale, 1810, p. 194. Italiques de l’auteur. 25. Ernst Von Baer, Über Entwickelungsgeschichte der Thiere, Königsberg, Bornträger, 1828. 26. Ernst Von Baer, ibid., vol. 1, p. 153-55. Italiques de l’auteur. Ttraduit et cité dans Jean-Claude Dupont et Stéphane Schmitt, Du Feuillet au gène. Une histoire de l’embryologie moderne: fin XVIII e/XX e siècle, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2004, p. 23-24. 27. Voir sur ce point, Bernard Balan, L’Ordre et le temps. L’anatomie comparée et l’histoire des vivants au XIXe siècle, Paris, Vrin, 1979, p. 64-67, 220-223, 255-260 notamment. 28. Il s’agit de Julien-Joseph Virey, « Animal », dans le Nouveau dictionnaire d’Histoire naturelle, t. 1, Paris, Déterville, 1803, p. 427. 29. Ce pourquoi les naturalistes, à l’instar d’Henri Milne-Edwards, parlent souvent de la « loi » ou du « principe » de division du travail physiologique. 30. Cette démonstration a cependant été contestée. Cf. Jean-Louis Peaucelle, « La Division du travail. Adam Smith et les encyclopédistes observant la fabrication des épingles en Normandie », Annales de Mines, septembre 1999, p. 35-51 et, du même auteur, « Raisonner sur les épingles. L’exemple d’Adam Smith sur la division du travail », Revue d’économie politique, vol. 115, n° 4, 2005, p. 499-519. 31. Henri Milne-Edwards, « Considérations sur quelques principes relatifs à la classification naturelle des animaux », Annales des Sciences Naturelles. Zoologie, 3e série, t. 1, 1844, p. 76. Souligné par nous. 32. Heinrich Georg Bronn, Morphologische Studien über die Gestaltungsgesetze der Naturkörper überhaupt, und der Organischen insbesondere, Leipzig, Winter, 1858, p. 161-162. 33. Rudolf Leuckart, Über den Polymorphismus der Individuen, oder die Erscheinung der Arbeitstheilung in der Natur, Giessen, Ricker, 1851, p. 33. 34. Ernst Haeckel, Generelle Morphologie der Organismen, Berlin, Reimer, 2 vol, 1866, t. 2, p. 74. 35. Claude Bernard, Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux, Paris, Baillière, 1878, vol. 1, p. 372-73. 36. Ernst Haeckel, Generelle Morphologie…, op. cit., t. 2, p. 251. 37. Darwin aime notamment à rappeler l’exemple des espèces parasites, issues souvent de formes souches anatomiquement plus complexes. Cf. Charles Darwin, The Origin…, op. cit., p. 99, 175, 390. 38. Peter Bowler, The Non-Darwinian Revolution: Reinterpreting a Historical Myth, Baltimore, John Hopkins University Press, 1988. 39. Louis Roule, L’Anatomie comparée des animaux basée sur l’embryologie, Paris, Masson, 1896, 2 vol., t. 1, VII. 40. Il existe une troisième correspondance tout à fait fondamentale, bien que conditionnée à la précédente (lien différenciation / division du travail): c’est la corrélation entre différenciation et intégration (distincte de perfectionnement) organique. Dans cet ordre d’idée, on dira que plus un organisme est différencié, plus en même temps ses parties sont solidaires (ou organiquement liées), et plus il forme un tout cohérent. Il est remarquable que l’équation différenciation-intégration ait été également établie et exploitée par les biologistes à partir des années 1840, notamment après que la confirmation de la théorie cellulaire sur tous les fronts de la recherche naturaliste (anatomie microscopique, embryologie, pathologie, physiologie) ait obligé ces derniers à réviser fondamentalement leur conception du rapport du tout et de la partie dans l’organisme individuel et à envisager les métazoaires comme des formations composées de parties vivantes et individualisée, irréductibles à leur valeur instrumentale, par ailleurs réelle, pour l’organisme (conception de la partie-organe). L’on sait la fortune de cette idée en sociologie depuis Durkheim (au moins), en passant par Parsons et Luhmann. Il ne nous a pas semblé nécessaire néanmoins d’en retracer la genèse, dans la mesure où l’accent est mis ici sur la valeur opératoire de la différenciation en tant qu’instrument de mesure du degré d’évolution (biologique et sociale) et que cette valeur est d’ores et déjà acquise avec l’érection de la différenciation au rang de concept modal du développement embryonnaire et avec l’extension (via son appariement à la division du travail) de son champ d’application à l’anatomie comparée. N’eût été l’équation différenciation-intégration, la proposition selon laquelle les sociétés se différencient à mesure qu’elles avancent dans l’histoire aurait sans doute perdu de son autorité, mais elle n’aurait pas manqué d’advenir historiquement, toutes choses égales d’ailleurs. Sur ce point, cf. François Vatin, « À quoi rêvent les polypes? Individuation et sociation d’Abraham Trembley à Émile Durkheim », dans Laurent Fédi, Les Cigognes de la philosophie. Études sur les migrations conceptuelles, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 85-215; Emmanuel d’Hombres et Soraya Mehdaoui, « On What Condition Is the Equation Organism-Society Valid? Cell Theory and Organicist Sociology in the Works of Alfred Espinas (1870s-80s) », History of the Human Sciences, vol. 25, n° 1, 2012, p. 32-51. 41. Sur l’histoire de cette première approche (pré-évolutionniste) de la récapitulation en biologie, cf. Georges Canguilhem et al., Du développement à l’évolution aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Presses universitaires de France, p. 10-18; Bernard Balan, op. cit., p. 255-260; Robert J. Richards, The Meaning of Evolution, Chicago, University of Chicago Press, 1992, p. 18-55. 42. Herbert Spencer, « The Social Organism » [1860], dans Herbert Spencer, Essays: Scientific, Political and Speculative, 3 vol., t. 1, Londres, Williams and Norgate, 1874, p. 398. 43. Herbert Spencer, The Study of Sociology, Londres, H. King, 1873 [1871], p. 218. 44. Georg Simmel, « La Différenciation sociale [Soziale Differenzirung] » [1894], repris dans Georg Simmel, Sociologie et épistémologie, trad. fr. Lavinia Gasperini, Paris, Presses universitaires de France, 1991 p. 208-209. Souligné par nous. 45. Cf. les études de Franz Boas réunies dans la seconde partie de son ouvrage, Race, Language and Culture (1940), Londres, Macmillan, 1966, p. 243-311. Concernant l’historiographie, cf. notamment Marvin Harris, The Rise of Anthropological Theory, New York, Thomas Crowell Company, 1968, p. 259-286; Georges W. Stocking, « Franz Boas and the Culture Concept in Historical Perspective » [1966], dans Georges W. Stocking, Race, Culture and Evolution. Essays in the History of Anthropology, Chicago, University of Chicago Press, p. 195-233. 46. Cf. Canguilhem et al, op. cit., p. 39-45; Stephen J. Gould, Ontogeny and Phylogeny, Cambridge (Mass), Harvard University Press, 1977, p. 167-206; Jean Gayon, « Le Concept de récapitulation à l’épreuve de la théorie darwinienne de l’évolution », dans Paul Mengal (dir.), Histoire du concept de récapitulation, Paris, Masson, 1993, p. 79-92. 47. Cf. l’étude récente et très complète de Laurent Loison, Qu'est-ce que le néolamarckisme? Les biologistes français et la question de l'évolution des espèces, 1870-1940, Paris, Vuibert, 2010. 48. Peter J. Bowler, op. cit, p. 76-90.
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        Cet article constitue la reprise développée d’une communication orale faite au Colloque « Les Mots du développement : genèse, usages et trajectoires », tenu le 13 et14 novembre 2008, à l’Université Paris-Dauphine.
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L’anarchisme entre nationalisme et cosmopolitisme (Sociologie et sociétés)

html / PDF : https://www.erudit.org/fr/revues/socsoc/2012-v44-n1-socsoc0262/1012150ar/

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      Tous droits réservés ©
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      , 2012
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      <surtitreparal lang="en">IV. The Cosmopolitanism Tension</surtitreparal>
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        L’expérience des Juifs israéliens du groupe Anarchists Against the Wall
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        The Experience of Jews Israeli group Anarchists Against the Wall
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          <prenom>Francis</prenom>
          <nomfamille>Dupuis-Déri</nomfamille>
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            Département de science politique, Université du Québec à Montréal, C. P. 8888, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) Canada H3C 3P8
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    </grauteur>
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      <alinea>
        La discussion débute par un rappel des diverses postures anarchistes face au nationalisme, puis des liens entre judaïsme et anarchisme, pour enfin présenter et analyser l’activisme du groupe de juifs israéliens Anarchists Against the Wall (AATW), et en proposer un bilan provisoire. L’objectif est de réfléchir aux rapports tendus entre l’anarchisme, qui est en principe internationaliste, et le nationalisme, en particulier les luttes dites de « libération nationale », qu’elles soient laïques ou religieuses. Une attention particulière est portée à la réaction des activistes d’AATW face au « mur » érigé depuis 2002 par l’État d’Israël. La construction du mur a offert — de façon paradoxale — une opportunité politique à des Juifs israéliens et à des Palestiniens de tisser des liens organiques et de militer ensemble, précisément contre la construction de ce mur.
      </alinea>
    </resume>
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      <alinea>
        The discussion begins with a reminder of the various postures anarchists against the nationalism and the relationship between Judaism and anarchism, and finally present and analyze the activism of the group of Jewish Israeli Anarchists Against the Wall (AATW), and provide an interim assessment. The aim is to reflect the strained relationship between anarchism, which is basically internationalist, and nationalism, particularly the struggles of so-called “national liberation”, whether secular or religious. Particular attention is paid to the reaction of AATW activists against the “wall” erected in 2002 by the State of Israel. The construction of the wall has offered — and paradoxically — a political opportunity for Israeli Jews and Palestinians to build relationships and advocate organic whole, precisely against the construction of this wall.
      </alinea>
    </resume>
    <resume typeresume="resume" lang="es">
      <alinea>
        La discusión se inicia con una revisión de las diversas posturas anarquistas frente al nacionalismo, seguida de algunos vínculos entre el judaísmo y el anarquismo, para finalmente presentar y analizar el activismo del grupo judío-israelita “Anarquistas contra el muro” (Anarchists Against The Wall, AATW) y realizar un balance provisional. El objetivo es reflexionar acerca de las tensas relaciones entre el anarquismo —que en principio es internacionalista— y el nacionalismo, en particular las luchas llamadas de “liberación nacional”, ya sean éstas laicas o religiosas. Se presta una atención particular a la reacción de los activistas del AATW frente al “muro”, erigido en el año 2002 por el Estado israelita. Paradójicamente, la construcción del muro ha ofrecido una oportunidad política para que judío-israelitas y palestinos desarrollen vínculos orgánicos y para que, juntos, militen precisamente contra la construcción de este mundo.
      </alinea>
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  <corps>
    <section1 id="s1n1">
      <no>1</no>
      <epigraphe>
        <alinea>
          [S]erait-il musulman celui qui, au lieu d’être né aux confins du désert, aurait vu le jour dans les montagnes d’Écosse, et seriez-vous catholique si vous aviez fait vos premiers pas dans les plaines du fleuve Amour ?
        </alinea>
        <source>C. Boussinot (1997b [1934])</source>
      </epigraphe>
      <epigraphe>
        <alinea>
          Rien n’est plus stratégiquement pathétique que le refus d’une certaine gauche de reconnaître la légitimité de luttes nationales qui, du point de vue des valeurs mêmes défendues par cette gauche, sont, dans notre contexte, légitimes. Qui nierait que le combat des Palestiniens soit légitime ? C’est pourtant un combat national.
        </alinea>
        <source>Normand Baillargeon (1999 : 31-32)</source>
      </epigraphe>
      <para id="pa1">
        <no>1</no>
        <alinea>
          Selon John Clark (1978, 13), militant et théoricien anarchiste contemporain, l’anarchisme en tant qu’idéologie compte quatre éléments, soit (1) une critique de la société présente et de ses institutions autoritaires, (2) l’idéal d’une société non autoritaire et non coercitive, (3) une conception de la nature humaine qui permet d’espérer d’avancer vers cet idéal et, enfin, (4) une stratégie pour le changement. Selon les contextes et les situations, des anarchistes accorderont plus d’importance à l’un ou l’autre de ces éléments. Même si l’anarchisme est en principe cosmopolite et antinationnaliste, le sort d’une nation dominée peut interpeller des anarchistes, comme c’est le cas de la Palestine par Israël. Dans l’évaluation politique de ce qui est juste ou injuste, la critique des institutions autoritaires (l’État israélien et son armée) peut alors prendre le pas sur la critique des institutions autoritaires palestiniennes (par ex. l’Organisation de libération de la Palestine [OLP] ou le Hamas), car la domination d’Israël est plus violente et meurtrière que la domination exercée par les forces militaires et policières palestiniennes. On prendra alors le parti du plus faible (la Palestine) contre le plus fort (Israël). Ce sont là les deux premiers éléments identifiés par John Clark, soit la critique des institutions autoritaires et l’idée d’une société sans coercition, qui sont le moteur de cette sympathie et cette solidarité.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa2">
        <no>2</no>
        <alinea>
          En Israël même, des anarchistes juifs s’opposent à l’érection du mur qui a débuté en 2002 et qui a pour objectif de séparer les populations palestiniennes des territoires occupés de la population israélienne. La discussion des pratiques du collectif Anarchists Against the Wall (AATW) sera ici l’occasion de réfléchir à cette tension qu’entretient l’anarchisme à l’égard du nationalisme. AATW a été fondé en 2003 et compte quelques dizaines de membres, des centaines de sympathisants et une capacité de mobiliser jusqu’à un millier de personnes (Jover, 2007 : 39 et 43). Le collectif a mené en territoires palestiniens des actions d’appui à des groupes palestiniens pratiquant la désobéissance civile, en particulier dans le village de Bil’in, mais aussi ailleurs, comme dans le village Beit Ommar
          <renvoi id="re1no2" idref="no2" typeref="note">2</renvoi>
          .
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa3">
        <no>3</no>
        <alinea>
          Je me propose d’ouvrir la discussion par un retour rapide sur les diverses postures anarchistes face au nationalisme, puis sur le rapport spécifique entre le judaïsme européen et l’anarchisme, pour enfin analyser le sens des actions et du discours des activistes d’AATW. Ma connaissance de ce groupe et de son contexte d’engagement ce résume à quelques expériences personnelles : j’ai assisté à deux conférences présentées l’une par un membre du groupe
          <renvoi id="re1no3" idref="no3" typeref="note">3</renvoi>
          , l’autre par un sympathisant
          <renvoi id="re1no4" idref="no4" typeref="note">4</renvoi>
          , j’ai lu et analysé des textes produits par ce groupe ou des textes à leur sujet signés par un anarchiste israélien ou par des anarchistes québécoises ayant milité au sein de l’organisation palestinienne International Solidarity Movement (ISM), proche d’AATW. Le mémoire de Corisande Jover (2007) est riche d’enseignement, puisqu’elle a effectué de l’observation participante et réalisé des entrevues avec six membres d’AATW, trois de leurs alliés palestiniens et un sympathisant en France. Le mémoire de Charlotte Lion (2010) offre des réflexions intéressantes inspirées également d’entrevues, dont l’une avec un membre d’AATW, et plusieurs avec leurs alliés palestiniens
          <renvoi id="re1no5" idref="no5" typeref="note">5</renvoi>
          .
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n2">
      <no>2</no>
      <titre>Anarchisme et nationalisme</titre>
      <para id="pa4">
        <no>4</no>
        <alinea>
          En termes de tendances au sujet du nationalisme, l’anarchisme est surtout dominé par une opposition forte et sans concession, identifiant le nationalisme au racisme, voire au fascisme. Pour Sébastien Faure, anarchiste actif au début du
          <marquage typemarq="petitecap">xx</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          siècle, le « patriotisme » est un « [p]roduit chimique qui pour 100 grammes donne à l’analyse : 40 grammes d’amour et 60 grammes de haine » (cité par Baillargeon, 1998 : 37). Le nationalisme est ainsi perçu comme une force à combattre, car il érige des murs et creuse des faussés entre les peuples, alors que les dominés devraient partout se sentir solidaires et combattre ensemble contre les dominants, quelles que soient leur origine nationale, leur langue et leur culture. Au fil du temps, les anarchistes ont souvent été persécutés pour leur posture antinationaliste (et antimilitariste), étant associés au camp
          <marquage typemarq="italique">unamerican</marquage>
          aux États-Unis ou à l’« anti-France », et pouvant être espionnés, arrêtés, emprisonnés ou forcés à l’exil.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa5">
        <no>5</no>
        <alinea>
          Aujourd’hui, les anarchistes sont nombreux à s’engager dans les mouvements de solidarité avec les immigrants et les réfugiés, dont les « illégaux » et les « sans-papiers », et dans les mouvements antiracistes et antifascistes. On les retrouve dans des groupes comme les Red Anarchist Skinheads (RASH) qui pratiquent la traque aux groupes néo-nazis, ou encore dans les mobilisations contre les frontières et les politiques d’immigration racistes, qu’organisent depuis des années en Europe et en Amérique du Nord les réseaux et collectifs No Border, Solidarité sans frontières et Personne n’est illégal (No One Is Illegal). Dans cette mouvance, d’autres murs, comme celui érigé à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, peuvent être la cible de mobilisations anarchistes (O.r.g.a.n.i.c. collective, 2006 ; Walia, 2006).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          L’ouvrage monumental
          <marquage typemarq="italique">Nationalisme et culture</marquage>
          , de Rudolf Rocker, reste sans conteste le travail le plus systématique proposé par un anarchiste au sujet du nationalisme. Écrit au début des années 1930, l’auteur y présente l’émergence du nationalisme comme un long processus qui prend racine à la fois dans la religion, les premiers États absolutistes de la Renaissance, la philosophie, dont celle de Jean-Jacques Rousseau et son contrat social, et la notion de la souveraineté qui passe du roi à la nation, la Révolution française qui divinise la République « une et indivisible » et l’entreprise militariste de Napoléon Bonaparte qui provoque l’émergence de nationalismes de résistance en Europe, dont en Allemagne. Contrairement au peuple (
          <marquage typemarq="italique">volk</marquage>
          ), une nation n’est pas un phénomène culturel naturel, mais bien un processus sociopolitique propre à l’histoire moderne occidentale créé de manière artificielle : « [l]a nation n’est pas la cause, mais le résultat de l’État. C’est l’État qui crée la nation, non la nation l’État » (cité par Breton, 2002 : 123). Rocker précise que les endoctrinements de l’idéologie religieuse et de l’idéologie nationale suivent la même logique : on devient italien ou québécois comme on devient juif ou catholique, et on en vient à croire qu’on appartient à la fois à une communauté raciale, une communauté d’intérêts (l’« intérêt national ») et une communauté morale de coutumes et de valeurs. Dans une perspective similaire, Michel Bakounine (2001 : 297) distingue la nation du nationalisme. La première serait, comme le peuple chez Rocker, une communauté dans la lignée de la famille et du clan, issue d’« une passion naturelle » brutale, « animale », qui relève de l’instinct de survie et de reproduction. Bakounine précise que « [l]a passion patriotique est évidemment une passion solidaire ». Le nationalisme, à l’inverse, est une idéologie réactionnaire qu’utilisent les élites pour manipuler les classes laborieuses.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa7">
        <no>7</no>
        <alinea>
          Cela dit, Charles Boussinot, qui signe les textes sur le patriotisme dans
          <marquage typemarq="italique">L’Encyclopédie anarchiste</marquage>
          qui paraît en France au début des années 1930, s’évertue à démonter cette conception romantique de la nation ou du peuple comme des produits de la nature. Si l’on pense que la patrie est la « terre où nous sommes nés », alors « notre patrie se limite à bien peu de chose : un village, une ville, quelques arpents de terrain. Elle ne peut pas être à la fois Paris et Marseille, les montagnes de la Haute-Savoie et la lande bretonne ». Si l’on pense que la patrie, « c’est la terre des ancêtres », alors « les ancêtres, qui est-ce ? Viennent-ils tout droit de Vercingétorix ou des Romains, des Francs, des Arabes, des Espagnols, des Autrichiens, etc. ? Étaient-ils catholiques, protestants, jansénistes, Jacques, chouans, révolutionnaires ? » Si la patrie, « c’est la terre où l’on parle la même langue », alors « cela ne tient pas. Il y a des Français qui ne parlent pas français (Alsaciens, Bretons, Provençaux, Basques, Corses, etc.). Les Suisses ont trois langues. Les Américains des États-Unis parlent anglais et ne portent pas toujours l’Angleterre en leur coeur ; de même les Irlandais » (Boussinot, 1997a [1934] : 12). Il rappelle enfin que le nationalisme est en partie un procédé politique, issu de la Révolution française, alors que les parlementaires se constituent en Assemblée
          <marquage typemarq="italique">nationale</marquage>
          et prétendent identifier et défendre un intérêt
          <marquage typemarq="italique">national</marquage>
          … en pleine guerre civile.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          Même s’il voit dans le patriotisme un phénomène naturel d’attachement au sol et aux proches, Élisée Reclus constate que « le sentiment d’amour pour le pays où l’on est né se mue en sentiment de haine pour l’étranger » (cité par Baillargeon, 1998 : 33). C’est aussi ce que déplore Emma Goldman (1967 : 127), dans
          <marquage typemarq="italique">Patriotism : A Menace to Liberty</marquage>
          , publié en 1917, soit en pleine guerre mondiale. Elle demande : « Qu’est-ce que le patriotisme ? Est-ce l’amour de son lieu de naissance, le lieu de nos souvenirs et de nos espoirs d’enfance, de nos rêves et de nos aspirations ? […] Si c’est ça le patriotisme, peu d’hommes américains d’aujourd’hui pourraient se dire patriotiques, puisque le terrain de jeu de leur enfance a été remplacé par une usine, une manufacture, une mine et le bruit assourdissant de la machinerie a remplacé la musique des oiseaux. » Pour Goldman (1967 : 129), l’arrogance, l’égoïsme et le militarisme sont des éléments constitutifs du patriotisme, une idéologie qui sert à manipuler le peuple, alors que « ce ne sont pas les riches qui contribuent au patriotisme. Ils sont cosmopolites, et se sentent chez eux partout. » Avoir un pays, pour elle, signifie vivre dans une certaine sécurité, mais la guerre a justifié aux États-Unis une violente répression des contestataires, dont les anarchistes qui sont emprisonnés et forcés à l’exil. « [J]e suis une femme sans pays », déclare finalement Goldman (2002 : 81).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa9">
        <no>9</no>
        <alinea>
          Cela dit, Goldman déclare : « dans le sens le plus profond des valeurs spirituelles, je sens que “mon pays”, c’est les États-Unis. Pas, bien sûr, les États-Unis des membres du Ku Kluk Klan, des censeurs puritains officiels ou non, des réactionnaires de toutes sortes. » Pas les membres du Congrès ou les millionnaires vivant en haut des gratte-ciel.
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Pas les États-Unis du petit provincialisme, du nationalisme étroit, du matérialisme vain et de l’exagération naïve. Il y a, heureusement, un autre États-Unis […]. Le pays de la Jeune Amérique de la vie et de la pensée, des arts et des lettres, l’Amérique de la nouvelle génération qui frappe à la porte, d’hommes et de femmes avec des idéaux, des aspirations pour des jours meilleurs, l’Amérique de la rébellion sociale et de la promesse spirituelle, des « indésirables » glorieux qui sont la cible de toutes les lois d’exil, d’expulsion, de déportation.
          </alinea>
          <source>Goldman, 2002 : 84-85</source>
        </bloccitation>
      </para>
      <para id="pa10">
        <no>10</no>
        <alinea>
          Cet attachement à des valeurs et des coutumes nationales qui seraient en phase avec l’anarchisme n’entraîne pas pour autant Goldman à prendre le parti de la France et de ses valeurs déclarées (« Liberté, égalité, fraternité ») lors de la Première Guerre mondiale. Elle s’oppose même publiquement à ce sujet à Pierre Kropotkine, qui prend le parti de la « civilisation » (la France et ses alliés) contre la « barbarie » (l’Empire germanique). Quant à Boussinot (1997a [1934] : 13), il ironise sur l’idée que la nation confère à ses membres une identité culturelle, « une sorte de communion d’idées, de sentiments, de goûts, de moeurs qui fait qu’on veut vivre ensemble ». Or quelle « [c]ommunion d’idées entre les catholiques et les protestants ? Mêmes sentiments, les cléricaux et les libres-penseurs ? Les nationalistes et les communistes ? […] Mêmes moeurs, paysans et citadins, religieuses et prostituées, capitalistes et ouvriers » ?
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa11">
        <no>11</no>
        <alinea>
          Cela dit, quelques anarchistes ont bien su prendre le parti d’un certain nationalisme, et nombre d’anarchistes sont émus et se sentent solidaires des mouvements de libération nationale et des « petites » nations dominées qui résistent à l’impérialisme ou à une « grande » nation, et cela bien avant les mouvements de décolonisation du
          <marquage typemarq="petitecap">xx</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          siècle
          <renvoi id="re1no6" idref="no6" typeref="note">6</renvoi>
          . Sylvain Boulouque (2003), qui a étudié les discours des journaux anarchistes en France au sujet des luttes de décolonisation, y a identifié trois perspectives : les individualistes et quelques syndicalistes se disent contre le colonialisme mais également contre la guerre anticoloniale qui vise la création d’un nouvel État, ce que ne sauraient approuver des anarchistes
          <renvoi id="re1no7" idref="no7" typeref="note">7</renvoi>
          ; les communistes libertaires considèrent le régime colonial comme la pire des abjections et se placent du côté de l’opprimé, idéalisant les luttes de libération tout en souhaitant que ce combat entraînera une révolution anticapitaliste et antiétatiste (ce qui justifie la mise sur pied de comités de soutien) ; enfin, une position mitoyenne valorise la lutte anticoloniale tout en critiquant ses objectifs étatistes, nationalistes et religieux, rappelant que l’anarchisme seul promet l’émancipation réelle.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa12">
        <no>12</no>
        <alinea>
          Il est donc possible de réduire de manière un peu schématique à quatre tendances les positions anarchistes face au nationalisme :
        </alinea>
        <listeord numeration="decimal">
          <elemliste>
            <alinea>
              la nation est un mythe qui doit être rejeté au profit d’un projet universaliste d’émancipation des classes dominées ;
            </alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>
              la nation est un phénomène naturel, mais pas le nationalisme ;
            </alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>la nation est un produit de l’État ;</alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>
              il faut distinguer les « petites » nations en lutte légitime de résistance face aux « grandes » nations.
            </alinea>
          </elemliste>
        </listeord>
      </para>
      <para id="pa13">
        <no>13</no>
        <alinea>
          À cette dernière tendance s’articule le projet fédéraliste, que porte l’anarchisme, même si le terme « réseau » remplace aujourd’hui chez les anarchistes la notion de « fédération ». Au
          <marquage typemarq="petitecap">xix</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          siècle, les anarchistes prévoyaient qu’une révolution permettrait d’établir l’autogestion locale, mais que la coordination et la coopération à grande échelle seraient assurées par des fédérations de communes ou de syndicats. Le fédéralisme est un principe fort chez les anarchistes, puisqu’il permettrait de concilier l’abolition du pouvoir et la prise de décision concertée et solidaire (Enckell, 2002 ; au sujet du fédéralisme chez Proudhon, voir Karmis 2002). De même, au sujet des nations, Michel Bakounine prônait en 1867 « la fédération libre des individus dans les communes, des communes dans les provinces, des provinces dans les nations, enfin de celles-ci dans les États-Unis de l’Europe d’abord et, plus tard, du monde entier » (cité par Enckell, 2002 : 20), une idée reprise par Rocker dans un texte de 1946, où il dit espérer l’émergence d’une fédération européenne qu’il perçoit alors comme la condition première à la formation d’une fédération mondiale (Rocker, 1998 : 547-548). Il s’agit d’un fédéralisme du bas vers le haut, ou des peuples entre eux, et non d’une alliance entre États au profit des élites.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n3">
      <no>3</no>
      <titre>Anarchisme, judaïsme et sionisme</titre>
      <para id="pa14">
        <no>14</no>
        <alinea>
          L’anarchisme est en principe anticlérical, et de fait souvent athéiste, ce qui dans le cas d’Israël et de la Palestine complexifie encore la situation. Certains anarchistes entretiennent même un certain antiséminitisme. Proudhon, par exemple, n’a pas hésité à exprimer son antiséminitisme de manière brutale, comme le révèle cette note trouvée dans ses carnets : « JUIF. Faire un article contre cette race, qui envenime tout, en se fourrant partout, sans jamais se fondre avec aucun peuple. […] Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des Françaises […]. Le juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l’exterminer. […] Par le fer ou par la fusion, ou par l’expulsion, il faut que le juif disparaisse… […] je le hais avec réflexion, et irrévocablement. La haine du juif, comme de l’Anglais, doit être un article de notre foi politique » (Proudhon, 2005 [1847] : 750-751). Dans l’esprit d’anarchistes d’aujourd’hui, les Juifs peuvent être confondus avec les bourgeois et les sionistes militaristes, amalgame qui entraîne à fricoter avec les révisionnistes et les négationnistes (Perrault, 1996 ; Coleman, 2008 : 210-236) au sujet de la Shoah.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa15">
        <no>15</no>
        <alinea>
          Cela dit, c’est à l’occasion de migrations juives qui fuient la persécution en Europe de l’Est que l’anarchisme se déploie en Amérique à la fin du
          <marquage typemarq="petitecap">xix</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          siècle et au début du
          <marquage typemarq="petitecap">xx</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          siècle : ces exilés vont militer à Montréal, New York et en Amérique latine, fonder des syndicats et des journaux révolutionnaires (dont plusieurs en yiddish), mettre sur pied des centres culturels et des bibliothèques publiques, s’engager dans des syndicats qui se radicaliseront (Izrine, 1998 ; Houle-Courcelles, 2008). L’anarchisme et le judaïsme entretiennent aussi une « affinité » d’un point de vue philosophique et éthique, comme le constatent Michael Löwy (1998) et Freddy Gomez (2008). Des idées communes au sujet de l’apocalypse et du messianisme, entre autres, expliqueraient la présence de plusieurs personnes d’origine juive dans les rangs anarchistes, dont Emma Goldman et Gustav Landaeur, ainsi que la sympathie de plusieurs intellectuels d’origine juive pour l’anarchisme et les anarchistes, dont Martin Buber, Franz Kafka, Gershom Scholem (Bertolo, 2008 ; Löwy, 2004).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa16">
        <no>16</no>
        <alinea>
          Alors que se développe l’idéologie sioniste vers 1900, plusieurs anarchistes prennent position à son sujet. Mina Graur (2008) identifie ici trois postures : le rejet, le gradualisme et l’intégration. Premièrement, le rejet du sionisme découle d’un rejet du nationalisme en général, auquel les anarchistes préfèrent « la création d’un univers unifié, sans nations » (Graur, 2008 : 110). Représentatif de la première posture, Gustav Landauer considère le nationalisme comme une idéologie développée par les élites pour mieux justifier leur domination, même si la nation lui apparaît un phénomène naturel, conséquence d’une histoire commune. Selon lui, le peuple juif constitue une nation, mais qui n’a pas d’État ni d’attache territoriale, ce qui représente un grand avantage politique : émancipé de fait de l’État-nation, le Juif pourrait d’autant mieux participer des mouvements universalistes de type socialiste et anarchiste.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa17">
        <no>17</no>
        <alinea>
          Le gradualisme conçoit la lutte nationaliste contre une domination étrangère comme une étape nécessaire pour libérer un peuple qui saura ensuite lutter dans une perspective anarchiste et internationaliste. Ici, le sionisme peut être compris comme un mouvement légitime dans un premier temps, pour établir le cadre où pourra prendre forme un mouvement révolutionnaire anarchiste. Pour plusieurs anarchistes, le mouvement des kibboutzims offre l’exemple d’un nationalisme qui produit une organisation sociale, économique et politique cohérente avec les principes anarchistes. À noter que plusieurs anarchistes, dont des vétérans de la révolution espagnole de 1936-1939, vont migrer vers la Palestine pour participer aux kibboutzims, où se pratique une autogestion semblable à celle qui avait cours dans les territoires espagnols libérés (Boulouque, 2008 : 165-166). La perception de militants d’Anarchists Against the Wall est plus nuancée. Parce que le kibboutz fonctionne « sans autorité » et constitue une « société sans classes », un anarchiste explique : « [j]e pense que le kibboutz serait une société assez idéale, si ce n’est qu’il est raciste. Il n’y a pas d’Arabes dans un kibboutz. » De plus, les kibboutzims « sont situés stratégiquement » sur de « la terre volée » (Jover, 2007 : 58-59 ; ce que rappelle également Judith Butler, 2011). Déjà en 1936-1939, alors qu’éclatent des conflits en Palestine, des anarchistes français publiaient des textes dans le journal
          <marquage typemarq="italique">Le Libertaire</marquage>
          pour dénoncer le sionisme comme une entreprise de domination et d’exploitation aux dépens du peuple palestinien (Boulouque, 2008 : 162-163).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa18">
        <no>18</no>
        <alinea>
          L’intégration consiste à admettre que les Juifs doivent intégrer le nationalisme, et donc être sionistes en réaction à des expériences traumatisantes comme les pogroms, l’affaire Dreyfus ou la Shoah, qui vont pousser « de nombreux révolutionnaires juifs à remettre en question la validité de leurs orientations cosmopolites » (Graur, 2008 : 110). Dans ces cas, le sionisme est imposé au peuple juif par l’antisémitisme, qui est si violent que les Juifs doivent vouloir fonder un État-nation qui seul saura défendre leur nation face aux autres États et nations. C’est la position de Bernard Lazare, pour qui toutefois la nation juive était constituée par les pauvres, les prolétaires et les intellectuels révolutionnaires, et non par les bourgeois.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa19">
        <no>19</no>
        <alinea>
          Après 1948, une fois l’État israélien fondé, les anarchistes s’y retrouvent dans les kibboutzims, mais aussi dans des villes comme Tel-Aviv, où paraissent des journaux souvent écrits en yiddish (
          <marquage typemarq="italique">La voix de l’ouvrier libre</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">La pensée libre</marquage>
          ) (Boulouque, 2008 : 163). Aujourd’hui, l’anarchisme s’y incarne surtout dans la mouvance postpunk et l’altermondialisme de la fin des années 1990, entretenant un intérêt particulier pour l’écologisme radical, la libération sexuelle et les droits des homosexuels, la solidarité entre la population bédouine et la Palestine, à tout le moins depuis 2000
          <renvoi id="re1no8" idref="no8" typeref="note">8</renvoi>
          .
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n4">
      <no>4</no>
      <titre>Anarchists against the wall (AATW)</titre>
      <para id="pa20">
        <no>20</no>
        <alinea>
          L’État israélien et sa politique militariste contre le peuple palestinien s’attirent avec raison l’opprobre de bien des critiques en Occident, y compris de la plupart des anarchistes. Le groupe de musique punk
          <marquage typemarq="italique">Propagandi</marquage>
          , qui s’identifie comme anarchiste, « antifasciste », « prohomosexuel », « proféministe » et « proanimaux », propose une chanson intitulée « Hallie Sallasse, Up Your Ass ! », dont certaines paroles sont sans concession au sujet du nationalisme, de la religion et d’Israël : « Fuck zionism/Fuck militarism/Fuck americanism/Fuck nationalism/Fuck religion ». Outre de tels propos irrévérencieux, Uri Gordon discute plus précisément des deux positions les plus communes en Occident au sujet d’Israël et de la cause palestinienne, soit l’appui à la création d’un État palestinien et l’appui à un mouvement révolutionnaire bi-national (palestinien et juif).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa21">
        <no>21</no>
        <alinea>
          Uri Gordon identifie comme représentant de la première approche Wayne Price, proche de la Fédération des anarcho-communistes du Nord-Est (NEFAC) et l’auteur de
          <marquage typemarq="italique">The Abolition of the State</marquage>
          (2007), qui a écrit que « les anarchistes et toutes les personnes décentes devraient être du côté des Palestiniens. Les critiques de leurs dirigeants ou de leurs méthodes de combat sont toutes d’ordre secondaire ; et aussi la reconnaissance du fait que les Juifs d’Israël sont également des personnes et ont certains droits collectifs. La première démarche, toujours, est de se tenir avec les opprimés. » Il ajoute qu’« il nous faut soutenir la résistance du peuple palestinien. Il a droit à l’autodétermination, c’est-à-dire de choisir ses meneurs, ses programmes et ses méthodes de lutte » (cité dans Gordon, 2008-2009 : 78-79). Judith Butler (2011) rappelle l’importance de savoir, en Occident, que le peuple palestinien est traversé de débats au sujet de la meilleure solution politique, et que même les partisans d’un État ne s’entendent pas quant à la forme idéale. Faut-il démocratiser l’État israélien pour qu’il accorde enfin les mêmes droits à toutes et tous, y compris les Palestiniennes et les Palestiniens, ou faut-il fonder un nouvel État qui pourra être totalement indépendant d’Israël, ou qui sera bi-national, ou fédéral ? Uri Gordon, pour sa part, déplore que les propos comme ceux de Wayne Price confondent l’État d’Israël et la nation juive israélienne, dont des membres luttent en solidarité avec les Palestiniennes et les Palestiniens contre l’État israélien.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa22">
        <no>22</no>
        <alinea>
          Uri Gordon discute ensuite des propos de Ryan Chiang McCarthy, un membre de la NEFAC qui propose pour sa part aux mouvements ouvriers palestinien et israélien de s’unir pour déclencher une révolution et fonder l’anarchie dans la région. Uri Gordon reproche à une telle attitude d’entretenir un discours ouvriériste sans prise sur la réalité, alors que les organisations des travailleurs et des travailleuses sont déstructurées ou inexistantes du côté palestinien, sans compter que les gens en Palestine s’identifient souvent plutôt comme chômeurs et sans emploi, que comme salariés ou prolétaires.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa23">
        <no>23</no>
        <alinea>
          Considérant après tout que les élites politiques israéliennes et palestiniennes, ainsi que le peuple palestinien, s’intéressent bien peu à l’opinion que les anarchistes peuvent exprimer au sujet de la création d’un État palestinien souverain, Uri Gordon présente ensuite quatre attitudes selon lui plus raisonnables et non mutuellement exclusives d’un point de vue anarchiste, face au conflit israélo-palestinien :
        </alinea>
        <listeord numeration="decimal">
          <elemliste>
            <alinea>
              reconnaître ouvertement qu’il y a une contradiction entre l’anarchisme et la cause palestinienne en raison de son nationalisme et sa tendance à l’étatisme, tout en admettant que les anarchistes doivent privilégier leur principe de solidarité internationaliste au détriment de leur principe antiétatiste ;
            </alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>
              plutôt que de débattre à savoir si la cause palestinienne doit mener ou non à la création d’un État palestinien, admettre que les Palestiniennes et Palestiniens vivent déjà sous l’autorité de l’État d’Israël (ce que mentionne également Jouver, 2007 : 60) ;
            </alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>
              admettre qu’une fois dotée d’un État souverain, la société palestinienne pourrait se restructurer selon des rapports de force droite/gauche et s’ouvrir à de nouveaux champs de lutte, comme l’anarchisme, mais aussi le féminisme, l’écologisme, et pacifisme
              <renvoi id="re1no9" idref="no9" typeref="note">9</renvoi>
              ;
            </alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>ne plus penser en termes d’État.</alinea>
          </elemliste>
        </listeord>
      </para>
      <para id="pa24">
        <no>24</no>
        <alinea>
          Le cas d’AATW indique qu’il est possible pour des anarchistes d’agir « ici et maintenant » en solidarité réelle avec des Palestiniennes et Palestiniens qui luttent contre l’oppression israélienne en marge des institutions hiérarchisées, soit les partis politiques et les organisations non gouvernementales institutionnelles. Ainsi, AATW s’est formée en 2003, l’année suivant le début de la construction du mur, à la suite d’une expérience de solidarité au village de Mas’ha, alors qu’un Palestinien, Hanni Amaer, ait invité des internationaux à camper sur son terrain. Des centaines ont répondu à l’appel, dont des Juifs israéliens, qui occupent le terrain et manifestent jusqu’à leur éviction, marquée par une cinquantaine d’arrestations. Le collectif militant hésitait au début quant au nom du groupe, jonglant avec diverses appellations, comme « Anarchistes contre la barrière » et « Juifs contre les ghettos », avant qu’« Anarchistes contre le mur » s’impose à la suite d’un communiqué diffusé en décembre 2003, signé de ce nom (Jover, 2007 : 24-26).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa25">
        <no>25</no>
        <alinea>
          Le projet de fortification entre Israël et les territoires occupés, qui ne suivra pas parfaitement cette ligne de démarcation, était en discussion chez les travaillistes depuis des années. L’objectif déclaré est d’empêcher les « terroristes » de pénétrer le territoire israélien. Dans les faits, ce qui est nommé « clôture de sécurité
          <renvoi id="re1no10" idref="no10" typeref="note">10</renvoi>
          » pour les uns et « mur d’annexion
          <renvoi id="re1no11" idref="no11" typeref="note">11</renvoi>
          » pour les autres est parfois un mur de 8 m de haut, ou une bande d’environ 20 m de large qui compte un complexe de clôtures métalliques avec senseurs, un fossé, une bande de sable (pour recueillir les traces de pieds) et une route au milieu pour les patrouilles. Cette structure a eu pour effet l’appropriation par Israël de nouvelles terres palestiniennes, le ralentissement de la mobilité d’une partie de la population palestinienne, une restriction à l’accès aux terres agricoles, à l’eau, à des écoles et des cliniques médicales (Hass, 2007). En 2004, des mobilisations de résistance contre la construction du mur s’organisent dans plusieurs villages (Bidu, Salem, Beit Awwa, Zububa) et subissent une forte répression. Les activistes d’AATW pratiquent d’autres actions, comme replanter des arbres et participer à la cueillette d’olives et d’abricots sur des terres palestiniennes, occuper des écoles menacées de destruction, reconstruire des maisons démolies, démanteler des blocages de route, couper des sections métalliques de la clôture, tenir des vigiles, y compris en Israël, où sont aussi lancées des actions de graffiti et d’affichage sauvage, et des mises en scène, comme le déroulement de barbelés dans les rues de Tel-Aviv accompagné de pancartes expliquant qu’en territoires occupés, de telles entraves sont chose habituelle (Jover, 2007 : 75-76). Depuis 2005, AATW est engagé activement dans les mobilisations du village de Bil’in, qui devient l’incarnation de la résistance palestinienne face à l’emmurement.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa26">
        <no>26</no>
        <alinea>
          AATW n’a pas de membership formel : les gens viennent et vont, et beaucoup de nouveaux arrivent régulièrement et ne restent pas très longtemps. En introduction de son texte de présentation, sur son site Internet, AATW se décrit comme « un collectif d’activistes luttant contre toute forme de ségrégation, d’apartheid, d’incarcération sociale et politique dénaturant spécialement les valeurs démocratiques, respectant les droits des minorités et d’autodétermination des peuples
          <renvoi id="re1no12" idref="no12" typeref="note">12</renvoi>
          ». Les membres d’AATW sont en majorité âgés de moins de 30 ans (Jover, 2007 : 13), issus de la classe moyenne éduquée et d’un milieu familial de gauche. Plusieurs parlent anglais et ont voyagé, étudié ou milité en Europe et aux États-Unis (Lion, 2010 : 19 ; Jover, 2007 : 30-31), et ont déjà été engagés dans les réseaux militants pour les droits des animaux, pour les droits des personnes
          <marquage typemarq="italique">queer</marquage>
          , bi et homosexuelles (voir Butler, 2011), pour l’appui aux jeunes qui refusent de faire leur service militaire ou les soldats qui refusent d’obéir aux ordres (Jover, 2007 : 41-42). Questionnés sur l’identité anarchiste, plusieurs « hésitent à se réclamer d’une idéologie anarchiste », même s’il y a un intérêt palpable pour la littérature anarchiste et si les principes anarchistes s’incarnent dans le mode d’organisation et d’action du groupe. La militante Sarah se désignera, par exemple, comme une militante anarchiste « en devenir » (Jover, 2007 : 27).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa27">
        <no>27</no>
        <alinea>
          Il s’agit d’un groupe qui rejette la politique partisane, le lobbying et la représentation politique, au profit de l’action directe, sans réserver beaucoup de place à la réflexion et à la discussion. « Les hommes font de la politique comme ils baisent », dira une femme du collectif à ce sujet, constatant que ses camarades se lancent dans une série d’actions rapides, sans développer de projets à long terme. Cette militante préfère finalement aller dans les villages palestiniens la semaine, hors des heures d’actions directes, pour tisser des relations locales et lancer des projets à long terme
          <renvoi id="re1no13" idref="no13" typeref="note">13</renvoi>
          .
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa28">
        <no>28</no>
        <alinea>
          Si elle est sans commune mesure avec celle qui frappe la résistance palestinienne, les quelques dizaines d’anarchistes juifs qui se mobilisent autour d’AATW subissent une violente répression de la part des policiers et des soldats, et même des passants qui leur lancent des oeufs ou des pompiers de Tel-Aviv qui attaquent au jet d’eau leur vigile pacifique (Gordon, 2009 : 10). Les activistes d’AATW peuvent cela dit mener des actions impraticables pour les Palestiniennes et Palestiniens, comme bloquer l’entrée de la base aérienne de Sde Dov, au nord de Tel-Aviv. Il y aura tout de même 21 activistes arrêtés (Ilani, 2009). L’un des fondateurs du groupe, Yonatan Pollak, a été interpellé en des dizaines d’occasions, blessé au moins une fois gravement par une grenade de gaz lacrymogène reçue sur le crâne (hémorragie cérébrale et points de suture). Il a été condamné en décembre 2010 à 3 mois de prison pour une manifestation d’une trentaine de cyclistes à Tel-Aviv, dénonçant l’attaque israélienne contre la bande de Gaza, en 2008 (Hartman, 2010). Cette répression juridique oblige le groupe à consacrer du temps et de l’énergie pour collecter des fonds destinés à payer les frais d’avocats (Anarchists Against the Wall, 2011a). Ainsi, plusieurs membres d’AATW et des sympathisants abandonnent la cause, cassés par le stress post-traumatique ou une dépression à la suite de la répression qui s’exprime par des tirs de balles de caoutchouc, du gaz lacrymogène, des perquisitions, des arrestations et des procès, alors que des activistes internationaux sont expulsés ou tués (Gordon, 2008).
        </alinea>
      </para>
      <section2 id="s2n1">
        <no>4.1</no>
        <titre>Bilan provisoire</titre>
        <para id="pa29">
          <no>29</no>
          <alinea>
            La pratique d’AATW est organique, car engagée dans un rapport direct et personnel avec des Palestiniennes et des Palestiniens, ce qui permet à ces anarchistes juifs d’Israël d’incarner dans l’action leurs principes, sans s’épuiser à discourir sur la légitimité — ou non — d’un futur État palestinien, ou l’importance — ou non — de fonder un mouvement de masse ouvrier et révolutionnaire réunissant le prolétariat palestinien et israélien. Cela dit, et quelle que soit leur position face au nationalisme et à l’État-nation, les anarchistes d’AATW sont souvent forcés de réagir et de se mobiliser en réaction à « leur » État-nation. Bref, l’engagement de ces anarchistes prend sens dans un contexte national particulier
            <renvoi id="re1no14" idref="no14" typeref="note">14</renvoi>
            . Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est le mur érigé par les autorités israéliennes qui offrira l’opportunité politique pour justifier et dynamiser des rencontres et des mobilisations solidaires entre anarchistes juifs israéliens et des Palestiniennes et Palestiniens en processus de résistance.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa30">
          <no>30</no>
          <alinea>
            Selon Uri Gordon, les anarchistes israéliens d’AATW distinguent trois objectifs politiques, selon le court, moyen et long terme. À court terme, il s’agit de ralentir ou d’empêcher la construction de sections du mur, par l’action directe. Les anarchistes doivent admettre n’avoir pas obtenu de succès à ce sujet, car les modifications du tracé du mur et le ralentissement de la construction de certains segments sont dus à des démarches juridiques, plutôt qu’à l’action directe.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa31">
          <no>31</no>
          <alinea>
            L’objectif à long terme de détruire le mur, ou même d’abolir l’État et le capitalisme, n’a évidemment pas été atteint…
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa32">
          <no>32</no>
          <alinea>
            À moyen terme, toutefois, la mobilisation et les actions directes ont permis de créer et de consolider un réseau de solidarité entre ces anarchistes et des Palestiniennes et Palestiniens. Ces alliances auraient même eu, selon Uri Gordon, l’effet de réduire de façon relative la violence de la répression contre les Palestiniennes et les Palestiniens, en raison de la retenue certaine de quelques militaires israéliens face à des concitoyens juifs et des « internationaux ». AATW n’est pas seul à oeuvrer à la constitution et la consolidation de réseaux d’alliance transnationale. Ta’ayush est un partenariat juif et arabe qui pratique l’aide aux moissons et à la cueillette d’olives. International Solidarity Movement est une organisation de volontaires qui agissent auprès des Palestiniennes et Palestiniens à titre d’observateurs et de boucliers humains. On y trouve plusieurs anarchistes, dont environ 25 % d’origine juive.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa33">
          <no>33</no>
          <alinea>
            Ces alliances entre anarchistes juifs israéliens et des Palestiniennes et Palestiniens attirent l’attention du public, produisent certaines transformations des perceptions, et favorisent la prise de conscience au sein de la société israélienne que le mur sert à contrôler des territoires et des populations, plutôt qu’à la protection
            <renvoi id="re1no15" idref="no15" typeref="note">15</renvoi>
            . Certes, AATW n’évite pas dans les médias israéliens les critiques et le mépris que s’attirent en général les anarchistes du mouvement altermondialiste. On prétend, par exemple, que les agitateurs altermondialistes ou les activistes d’AATW n’ont pas réellement de cause politique et ne sont que des fauteurs de trouble, et qu’il s’agit en majorité d’étrangers qui viennent de loin et s’engagent dans une cause qui ne les concerne pas
            <renvoi id="re1no16" idref="no16" typeref="note">16</renvoi>
            . Un article paru dans le
            <marquage typemarq="italique">Jerusalem Post</marquage>
            affirme ainsi que « [l]es manifestants n’ont pas de but véritable. Ils prétendre être des Anarchists Against the Wall ou des militants pacifistes, mais les événements à Bil’in ne sont pas pacifiques et il n’y a pas d’espoirs réels que le rituel hebdomadaire aura un effet véritable sur la barrière. […] Les manifestants-touristes visitent la Terre sainte. C’est le lieu pour se faire blesser pour les manifestants étrangers. […] ils
            <marquage typemarq="italique">voulaient</marquage>
            être blessés. » L’auteur de ce texte prétend que « Jonathan Pollak, dirigeant [sic] d’Anarchists Against the Wall » a à son actif « plus de 300 manifestations ». Il conclut que si « tout cela est une manière de vivre, la manifestation n’est pas un moyen mais une fin en soi », « ce n’est pas une manifestation pacifiste, mais une posture puérile », et ces jeunes vont grandir et « n’auront plus “militant” comme profession déclarée. Les gens ne travaillent pas contre leur propre intérêt. Si leur travail est la paix, ils vivent pour la guerre parce que sans elle leur emploi permanent disparaîtrait » (Franztman, 2009). Le groupe AATW est également mentionné dans des articles dont le titre évoque des violences contre les policiers israéliens (Dudkevitch et Gutman, 2004).
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa34">
          <no>34</no>
          <alinea>
            En d’autres occasions, AATW reçoit une couverture sympathique dans les médias en Israël et ailleurs dans le monde, et il s’est même vu décerner, conjointement avec le Comité populaire de Bil’in, la médaille Carl von Ossietzy. Cet honneur est attribué annuellement par la Ligue internationale des droits humains de Berlin, à la mémoire de cet Allemand prix Nobel de la paix en 1935 pour son opposition au nazisme et au réarmement de l’Allemagne, et qui est mort en détention en 1938 (DPA, 2008).
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa35">
          <no>35</no>
          <alinea>
            Dans tous les cas, des membres d’AATW relativisent l’importance de leur visibilité médiatique : « Ce ne doit pas être confondu avec une réussite. Ce n’est pas la même chose. Même s’il y a beaucoup de personnes qui savent ce que nous faisons, et pensent que c’est bien… […] [C]e n’est pas mal, mais nous devons prendre garde à ne pas penser que nous avons obtenu quelque chose parce que les gens savent ce que nous faisons. Cela ne signifie pas tant que ça » (Jover, 2007 : 100). Dans le même esprit, un autre militant témoigne : « Je crois que les choses que nous faisons à Tel-Aviv sont principalement […] un moyen d’attirer l’attention, mais elles ne vont pas changer la situation », car c’est ce qui se passe sur le terrain, en Palestine même, qui a un impact premier sur le conflit (Jover, 2007 : 70).
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa36">
          <no>36</no>
          <alinea>
            Le succès se constate donc sur le terrain, par la constitution et la consolidation de réseaux, et Uri Gordon mentionne qu’il convient de distinguer les expériences d’AATW des nombreuses initiatives binationales, comme des équipes sportives, des activités artistiques ou des colonies de vacances binationales. Ces projets de « normalisation », pour reprendre le terme qui les désigne en Palestine (Lion, 2010 : 21), sont bien sympathiques mais passent sous silence le conflit et nient l’inégalité de pouvoir et de privilèges entre citoyens israéliens juifs et Palestiniennes et Palestiniens, laissant penser qu’il s’agit seulement de se parler et de se connaître pour que la paix advienne. AATW a fait le choix de s’allier à des Palestiniennes et Palestiniens
            <marquage typemarq="italique">en conflit</marquage>
            . Ce « bi-nationalisme » s’exprime donc dans une lutte commune, plutôt que dans une simple coexistence sportive ou artistique. Dans cette situation, les Juifs israéliens ne font pas semblant d’être égaux aux Palestiniens, comme peuvent le faire des sportifs ou des artistes. Les anarchistes choisissent d’être auxiliaires des Palestiniennes et Palestiniens, c’est-à-dire de suivre leur direction politique.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa37">
          <no>37</no>
          <alinea>
            Cette posture est en apparence contradictoire avec l’anarchisme, qui prône l’égalité dans l’autogestion. Mais c’est précisément parce que AATW considère que les citoyens israéliens juifs, même anarchistes, sont nécessairement privilégiés face aux Palestiniennes et Palestiniens qu’il importe de se doter d’une structure politique qui permette de rééquilibrer quelque peu des rapports au départ inégalitaires. L’initiative dans les territoires vient donc toujours des populations palestiniennes, plus spécifiquement des Comités populaires contre le mur. Au départ, la présence d’anarchistes pouvait paraître problématique, en raison de leurs nombreux tatouages, de leurs piercings, de leurs vêtements dépareillés et souvent usés (la mode postpunk), mais aussi parce que plusieurs ne mangent aucun produit animal, ce qui complique la préparation des repas communs. Et puis, ne consomment-ils pas de l’alcool, de la drogue, sans parler de leurs pratiques sexuelles étranges ? Au sujet de ces polémiques, un représentant des Comités populaires contre le mur dira qu’il aura fallu plusieurs réunions dans les villages palestiniens pour calmer les esprits. C’est surtout la participation active des anarchistes aux mobilisations, leur volonté de se mettre en danger et la répression subie qui leur conféreront finalement de la légitimité aux yeux de leurs alliés : « nous les avons vus être frappés par les coups de matraque, se faire tirer dessus, beaucoup d’entre eux étaient blessés et arrêtés. Au début, les soldats israéliens les traitaient vraiment mal, davantage que les Palestiniens dans les deux premiers mois. Quand nous avons vu cela, les Palestiniens ont été rassurés […]. Nous avons fait la différence entre les soldats et les volontaires qui venaient nous soutenir » (Jover, 2007 : 68).
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa38">
          <no>38</no>
          <alinea>
            Uri Gordon (2007-2008 : 85) explique que ce type d’alliance a une grande signification politique : « le fait que des Israéliens mènent des actions directes avec des Palestiniens est en soi un très fort message public. La majorité du public imagine certainement les anarchistes israéliens comme des jeunes naïfs et dupes dans le meilleur des cas, comme des traîtres dans le pire. Cette dernière réaction vient de ce que la lutte conjointe palestino-israélienne transgresse les tabous fondamentaux mis en place par le militarisme sioniste. » Le transnationalisme et le cosmopolitisme s’expriment et s’expérimentent donc au niveau interindividuel à l’occasion de rencontres organiques : « Mas’ha fut ma première occasion de rencontrer des Palestiniens et leurs familles comme des êtres humains », admet ainsi un membre de AATW (Jover, 2007 : 54). Un autre anarchiste témoigne : « La chose la plus efficace à faire face au mode de vie d’apartheid que nous connaissons, c’est de créer une collaboration. S’ils veulent nous séparer, le plus efficace est peut-être simplement d’être ensemble, de créer une communauté qui reliera des Israéliens et des Palestiniens. À cet égard, les Anarchistes contre le Mur ont engagé un véritable changement. De nombreuses communautés en Palestine nous perçoivent comme des partenaires […]. C’est l’un de nos succès, créer une communauté » (Jover, 2007 : 34). Entre comités palestiniens, les membres d’AATW sont décrits « comme des personnes de confiance », témoigne un répondant palestinien, et les contacts s’échangent pour élargir le réseau d’alliance et de coopération (Jover, 2007 : 23).
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa39">
          <no>39</no>
          <alinea>
            Enfin, le collectif ATTW respecte la « diversité des tactiques », c’est-à-dire qu’il ne condamne pas l’utilisation de la violence par les Palestiniens, mais choisit pour sa part de s’associer à des Palestiniennes et des Palestiniens non violents, parce que la non-violence palestinienne vient « subvertir » l’image des Arabes « terroristes
            <renvoi id="re1no17" idref="no17" typeref="note">17</renvoi>
            ». Cela dit, les anarchistes ne s’offusquent pas, par exemple, que des Palestiniens lancent des pierres vers des soldats, dans des rassemblements auxquels ils participent : « Ce n’est pas du ressort des Israéliens de donner des leçons aux Palestiniens sur la façon de mener leur lutte » (Jover, 2007 : 64).
          </alinea>
        </para>
      </section2>
    </section1>
    <section1 id="s1n5">
      <no>5</no>
      <titre>Conclusion</titre>
      <para id="pa40">
        <no>40</no>
        <alinea>
          Les pratiques d’AATW sont révélatrices de la façon dont des anarchistes résolvent la problématique des rapports entre leurs idéaux anarchistes et leur conception de l’État-nation par une pratique d’engagement dans des situations politiques concrètes et dans l’action directe. AATW incarne cette « pensée anarchique » présentée par l’anarcha-féministe Gail Stenstand (1988), soit une pensée sauvage, antisystémique, transgressive des règles et des méthodes, qui reste sensible à la multiplicité des voix, et qui se développe par l’entrée en relation avec des individus compris comme pluriels, équivoques, hétérogènes. N’est-ce pas ce que font les membres d’AATW ?
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa41">
        <no>41</no>
        <alinea>
          Certes, les membres d’AATW sont aussi engagés dans des actions aux côtés de Palestiniennes et Palestiniens qui participent à des organisations politiques et religieuses hiérarchiques et autoritaires, porteuses d’un projet étatiste et patriarcal, en rupture avec l’anarchisme. Mais les membres d’AATW trouvent en certaines occasions des espaces et des moments où la résistance palestinienne s’organise en marge des institutions hiérarchiques.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa42">
        <no>42</no>
        <alinea>
          Il n’est d’ailleurs pas rare que dans la lutte contre la domination, les communautés en viennent à incarner et exprimer certains des principes de l’anarchisme. Comme Marianne Enckell (2002 : 24) le constate, « [l]orsqu’une population s’organise pour résister, pour surmonter une crise, ce sont des formes fédéralistes qui apparaissent spontanément. Les assemblées de quartier en Argentine, les organisations villageoises au Chiapas ont réinventé des modes de fonctionnement libertaires : décisions prises par l’ensemble de la communauté, mandats impératifs, délégués révocables, démocratie interne. » Judith Butler (2011) rappelle pour sa part que du côté palestinien, de nombreuses actions et mobilisations collectives, souvent informelles, expriment des principes anarchistes : liberté et égalité dans le processus de prise de décision, autonomie et autogestion, confrontation des hiérarchies et de la domination. À voir, par exemple, les mobilisations palestiniennes, plutôt informelles, autour des points de contrôle de l’armée israélienne. Il conviendrait aussi de porter attention à l’évolution du collectif Gaza Youth Breaks Out (GYBO), qui se présente comme un regroupement de jeunes Palestiniens qui se dit en rupture à l’égard des institutions et des organisations religieuses et politiques officielles. Le manifeste au ton rebelle a été repris et diffusé par plusieurs groupes de gauche et d’extrême gauche en Europe, et les jeunes y déclarent en avoir « marre de cette vie de merde où nous sommes emprisonnés par Israël, brutalisés par le Hamas et complètement ignorés par la communauté internationale. Il y a une révolution qui bouillonne en nous, une énorme indignation qui finira par nous démolir si nous ne trouvons pas le moyen de canaliser cette immense énergie pour remettre en cause le
          <marquage typemarq="italique">statu quo</marquage>
          et nous donner un peu d’espoir » (Gaza Youth Breaks Out, 2010).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa43">
        <no>43</no>
        <alinea>
          Paradoxalement, le mur construit par l’État israélien, qui rappelle le ghetto ou la prison, est devenu l’occasion d’une rencontre, d’une transgression des frontières nationales. Déjà dans les années 1930, l’anarchiste Charles Boussinot se demandait « qu’est-ce qu’une frontière ? une ligne de poteaux ne limite rien. Le Rhin unit les peuples plutôt qu’il ne les sépare. De même tout autre fleuve. De même la mer. » Ici, c’est le mur qui sert d’excuse à des anarchistes d’Israël pour militer avec des Palestiniennes et des Palestiniens contre ce mur, et du coup transcender le fossé du nationalisme.
        </alinea>
      </para>
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            www.jpost.com/Opinion/Columnists/Article.aspx?id=150023
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            www.blogs.mediapart.fr/blog/ivan-villa/020111/paix-salam-shalom-peace-le-manifeste-de-la-jeunesse-de-gaza
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            www.jpost.com/NationalNews/Article.aspx?ID=201148&R=R1
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            www.haaretz.com/news/anarchists-block-entrance-to-iaf-base-in-protest-of-gaza-strikes-1.267351
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    <grnote>
      <note id="no1">
        <no>1</no>
        <alinea>
          Cet article reprend des éléments d’une conférence présentée au colloque « Murs et barrières en relations internationales » (Université du Québec à Montréal, 29 octobre 2009). L’auteur est professeur de science politique (UQÀM) et auteur de plusieurs textes sur l’anarchisme. Il a obtenu une subvention du FQRSC pour effectuer des recherches sur les liens et les tensions entre le libéralisme et l’anarchisme.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no2">
        <no>2</no>
        <alinea>
          Pour un portrait de la mobilisation en 2011, voir Anarchists Against the Wall (2011b).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no3">
        <no>3</no>
        <alinea>
          Conférence de Schachaf Polakow intitulée « Anarchists Against the Wall — La résistance israélienne contre l’apartheid », organisée par Tadamon ! Montréal, la bibliothèque anarchiste DIRA et l’Union communiste libertaire (UCL), le 21 février 2009 à Montréal, au Comité Social Centre-Sud (1710 Beaudry).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no4">
        <no>4</no>
        <alinea>
          Conférence d’Uri Gordon, à l’occasion du lancement de son livre
          <marquage typemarq="italique">
            Anarchy Alive ! : Anti-Authoritarian Politics from Practice to Theory
          </marquage>
          (Londres, Pluto Press, 2008), intitulée « Anarchists Against the Wall and the joint struggle in Israel/Palestine », organisée par l’Institute for Anarchist Studies et le Salon du livre anarchiste de Montréal, le 8 octobre 2009 au café-restaurant Le Cagibi, à Montréal (5490, boul. Saint-Laurent).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no5">
        <no>5</no>
        <alinea>
          Sans que cela soit directement lié avec AATW, je tiens à spécifier que je suis moi-même d’origine juive (ashkénaze) par mon père né à Paris en 1934, que j’ai codirigé un recueil d’entretiens sur l’identité juive au Québec (Châteauvert et Dupuis-Déri, 2004) et que j’ai aussi visité Israël et certains territoires occupés à deux reprises : une première fois à titre de simple touriste en 1994 puis à nouveau en 2004, dans le cadre d’un voyage organisé par le Comité Québec-Israël pour stimuler chez des « leaders d’opinion » québécois une empathie envers Israël. Le Comité Québec-Israël organise chaque année trois voyages en Israël, l’un avec des politiciens élus, un autre avec des journalistes, et le troisième avec des « leaders d’opinion ». Lors de mon voyage, nous étions une douzaine, principalement des universitaires, mais aussi une romancière, un juge administratif à la Commission du statut de réfugié et le président de la Société Saint-Jean Baptiste. Le voyage comptait une dizaine de jours, et environ une trentaine de rencontres, dont une seule avec des représentants d’une organisation palestinienne (pour la défense des droits de la personne). Lors de ce séjour, j’ai rencontré des universitaires, des fonctionnaires et des colons sionistes qui nous ont expliqué la nécessité du mur, (selon eux) dont j’ai visité une section.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          Voir la position de Louise Michel face aux Canaques, alors qu’elle est en exil forcé en Nouvelle-Calédonie, après la Commune de Paris, et les travaux de Benedict Anderson (2009) à ce sujet. J’ai moi-même pendant de longues années défendu des idées anarchistes et nationalistes, étant même membre des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO), organisation que j’ai quitté après un débat au sujet d’une éventuelle armée dans un Québec souverain.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no7">
        <no>7</no>
        <alinea>
          Certains de ces anarchistes reprochent aussi aux immigrants des colonies de voler l’emploi et le logement de bons travailleurs français…
        </alinea>
      </note>
      <note id="no8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          Conférence d’Uri Gordon, octobre 2009 (voir information complète dans la note 4).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no9">
        <no>9</no>
        <alinea>
          Cet argument était déjà avancé en faveur du sionisme et de la constitution d’un État israélien qui permettrait au peuple juif de se reconfigurer selon des enjeux politiques autres (voir Graur, 2008). C’est l’argument d’anarchistes (dont moi, pendant longtemps) favorables à l’accession de l’État québécois à la souveraineté ; or, il est aussi possible de penser (surtout après le débat laborieux autour des « accommodements raisonnables ») que la souveraineté du Québec favoriserait la montée d’un nationalisme exacerbé et du racisme (ce qui ne signifie pas, évidemment, que le reste du Canada soit exempt de racisme, dont à l’égard du Québec, d’ailleurs…).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no10">
        <no>10</no>
        <alinea>
          Terme officiel israélien, synonyme dans le discours gouvernemental de « clôture de séparation » ou « clôture antiterroriste ». Dans les médias, on trouve les expressions « barrière de séparation » ou « mur de Cisjordanie » (Pelland et Sauvé, à paraître).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no11">
        <no>11</no>
        <alinea>Terme fréquemment utilisé du côté palestinien.</alinea>
      </note>
      <note id="no12">
        <no>12</no>
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        </alinea>
      </note>
      <note id="no13">
        <no>13</no>
        <alinea>
          Conférence d’Uri Gordon, octobre 2009 (voir information complète dans la note 4)
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          Les anarchistes eux-mêmes, par leur socialisation au sein d’une culture, ou d’une société uni, bi ou multiculturelle, sont porteurs d’une identité culturelle, de normes et de valeurs qui peuvent être incompatibles avec leur identité idéologique anarchiste. Quelques textes récents discutent de l’influence de la culture, et des tensions et contradictions qu’elle y apporte, au sein des réseaux anarchistes (Hors-d’oeuvre, 2008 ; Dupuis-Déri, 2009 et 2008).
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          Évidemment, d’autres voix qui ne sont pas anarchistes se font entendre en Israël pour dénoncer l’occupation, et le mur. Voir, entre autres, Michel Warschawski (2007).
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          J’ai proposé en quelques occasions une analyse détaillée des discours antianarchistes produits et diffusés par les médias en Occident depuis quelques années (Dupuis-Déri, 2007, 2006a et 2006b).
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          Au-delà de cette justification politique, il est possible que les membres d’AATW choisissent la « non-violence » parce que le recours à la force armée, dans ce contexte, serait trop risqué, une crainte par ailleurs légitime.
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À propos des Oeuvres de Frantz Fanon (Études littéraires africaines)

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      À propos des Oeuvres 1 de Frantz Fanon Fanon écrivain Il ne s’agira pas, sous ce titre, de tenter de séparer l’écrivain du penseur, mais de montrer qu’il y a chez Fanon une écriture de la pensée, c’est-à-dire une inscription concrète de son dire dans une historicité intensément vécue. Dans l’esprit de ce qu’Henri Meschonnic a fait pour Spinoza quand il a montré que la pensée du philosophe et le discours en langue latine qui l’exprime étaient animés par une « force du sens » et par une énergie stupéfiante. Quand Henri Meschonnic écrit « La pensée ici a du corps » 2, cela d’ailleurs fait penser à la dernière phrase de Peau noire, masques blancs : « Mon ultime prière. Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! » (PN, p. 251). La copieuse biographie de David Macey 3 apporte des anecdotes qui permettront de mieux introduire notre propos. D’abord, une anecdote double, rapportée aux pages 175-176. Lorsque Fanon rencontra son éditeur Francis Jeanson dans les bureaux du Seuil, la rencontre faillit tourner mal car Jeanson déclara qu’il trouvait « exceptionnellement intéressant » le manuscrit de PNMB en usant d’un ton qui fit croire à Fanon qu’il sous-entendait : « Pas mal, pour un nègre ». Jeanson aurait dû être plus prudent en se souvenant avoir lu dans ledit manuscrit que Fanon ne pardonnait pas à André Breton d’avoir dit de Césaire qu’il était « un grand poète noir ». Ajoutant – et nous en venons à la dimension poétique que nous voulions évoquer : « Et que l’on ne nous accuse pas d’anaphylaxie affective ; ce que nous voulons dire, c’est qu’il n’y a pas de raison pour que M. Breton dise de Césaire : “Et c’est un Noir qui manie la langue française comme il n’est pas aujourd’hui un Blanc pour la manier” » (PN, p. 88). Nous allons revenir sur cette « anaphylaxie ». Arrêtons-nous auparavant sur le deuxième temps de l’anecdote de la première rencontre avec Francis Jeanson : lorsque celui-ci demanda à Fanon de clarifier un passage qui lui paraissait obscur, celui-ci répondit : « Cette phrase est inexplicable, je cherche quand j’écris de telles choses à toucher affectivement mon lecteur… C’est-à-dire irrationnellement, presque sensuellement… », ajoutant : « Les mots ont pour moi une charge. Je me sens incapable d’échapper à la mesure d’un mot, au vertige d’un point d’interrogation ». Avant de conclure, faisant allusion à Césaire, vouloir « couler comme lui, s’il le fallait, sous la lave ahurissante des mots couleur de chair trépidante ». Comment comprendre le recours, en apparence contradictoire, d’une part à un vocabulaire scientifique conforme au projet « clinique » 4 du livre, pensé à l’origine comme une thèse, d’autre part au sentiment si fort de la charge en quelque sorte énergétique des mots ? Le terme « anaphylaxie » est en effet loin d’être le seul : dès le début, le lecteur est bombardé de termes ou d’expressions issus du jargon scientifique (ou présentés comme tels) : « scissiparité », « geste huméral », « femme gestante », « bouleversements humoraux », « arsenal complexuel », « accidentaliser », qui ne sont pas expliqués et dont la nécessité n’est pas toujours évidente. Comme si l’auteur pratiquait une sorte de dandysme des contrastes inattendus entre ce semis de termes à effet scientifique et d’autres expressions plus familières, d’origine antillaise (« venir, avec des airs de “crabe-c’est-ma-faute”, proclamer qu’il s’agit de sauver l’âme », PN, p. 66) ou provenant simplement du français familier comme le « dégringolant » qu’on lit sept lignes après « scissiparité » (PN, p. 71). Comment rester insensible à l’humour lautréamontien (et donc césairien) d’un énoncé farfelu comme « Dans ces seins blancs que mes mains ubiquitaires caressent, c’est la civilisation et la dignité blanche que je fais miennes » (PN, p. 111), associé à une autre anecdote de style « carabin », celle du « Noir du plus beau teint [qui,] en plein coït avec une blonde “incendiaire”, au moment de l’orgasme s’écria : “Vive Schoelcher !” » ? Il y a là une jubilatoire juvénilité de ton qui, selon David Macey, a rendu le texte peu accessible : « L’opacité de la langue et les changements permanents de registre, les aller-retour entre le discours médical et la poésie, rendent souvent le texte malaisé à lire » 5. Peut-être fut-ce la réaction de quelques doctes professeurs ou critiques fidèles à la règle de l’unité de ton de la doctrine classique, à l’époque de la sortie du livre, en 1952 ou encore aujourd’hui, mais on peut aussi penser que ces « fioritures baroques », comme les désigne d’une expression condescendante David Macey 6 pour les opposer au « style simple et clair » des textes recueillis dans L’An V de la révolution algérienne, sont en réalité ce qui a assuré à Peau noire, masques blancs un succès qui ne s’est pas démenti depuis un demi-siècle. Cet essai d’un jeune homme de 27 ans est, au sens propre, drôlement intelligent et novateur, tout comme l’avait été le poème du jeune auteur du Cahier d’un retour au pays natal, un Césaire de 26 ans. Fanon a beau faire des efforts pour utiliser le nous de généralité dont l’emploi est recommandé dans le langage objectif d’une thèse, il passe vite, dès que le mouvement de son investissement dans ce qu’il écrit le presse, au je subjectif d’un écrivain engagé. Il assortit d’ailleurs (PN, p. 131, soit à la fin de sa réfutation des thèses fatalistes de Mannoni) ce mouvement de subjectivation d’un commentaire qui est un bel aveu : « Je me suis attaché dans cette étude à toucher la misère du Noir. Tactilement et affectivement. Je n’ai pas voulu être objectif. D’ailleurs, c’est faux : il ne m’a pas été possible d’être objectif ». « Toucher », « tactilement » : le verbe et l’adverbe disent bien à nouveau l’originalité de l’approche fanonienne pour la construction de nouveaux savoirs « introduisant le corps, la langue et l’altérité comme expérience subjective nécessaire dans la construction même de l’avenir du politique » 7. De ce point de vue, Peau noire, masques blancs est un texte hybride au sens le plus fort du terme, s’inscrivant dans la littérature scientifique par son projet clinique affirmé, et maintenu en même temps dans l’écriture littéraire par le jeu distancié et humoristique sur les mots et expressions venant d’horizons très divers ainsi que par le tournoiement énonciatif passant du pathétique au familier, du je individuel au nous collectif. Ces caractéristiques ne vont pas totalement disparaître dans Les Damnés de la terre qui est lui aussi un texte hybride, continuant de se situer sur le terrain clinique (chapitre 5) et intégrant des textes déjà rédigés (chapitre 4) ; la moitié du livre toutefois a été écrite en 1961 « dans une hâte pathétique, par un esprit qui était à la fois pris par les urgences de la lutte et confronté à l’imminence de la mort » 8. On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, que l’aspect dansant de son écriture s’efface, sans que, pour autant, le pathos ou l’incandescence apocalyptique viennent occuper tout le terrain. Fanon se départit rarement à l’écrit d’un phrasé sobre, d’une syntaxe dépouillée de toute marque d’énonciation émotive. Certes, le lexique utilisé est sans concession, voire tranchant : « Présentée dans sa nudité, la décolonisation laisse deviner à travers tous ces pores, des boulets rouges, des couteaux sanglants. Car si les derniers doivent être les premiers, ce ne peut être qu’à la suite d’un affrontement décisif et meurtrier des deux protagonistes » (DT, p. 452). Mais la volonté de tenir une ligne sobre et précise, sans écarts ou propos incontrôlés, est nette. De ce point de vue, c’est aujourd’hui la préface de Sartre (1961) qui détonne ; cédant à une sorte de surenchère « râpeuse » avant la lettre, il écrit : « Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ». Sartre substitue à l’analyse de la nécessité de la violence pour mettre fin à la colonisation une sorte de « Shot the sheriff ! » bien romantique. Il semble d’ailleurs que Fanon, qui put la lire quelques jours avant sa mort, n’ait pas apprécié cette préface qu’il avait pourtant sollicitée 9. Lui qui s’était donné tant de mal pour éviter ce lyrisme forcé ! Lui qui interdisait à ses analyses, certes visionnaires, tout droit à l’expression lyrique ! Lorsqu’Achille Mbembe, dans sa préface à cette édition des Oeuvres, écrit que la parole de Fanon est « semblable dans sa beauté dramatique, sa fulgurance et son lumineux éclat au verbe en croix de l’homme-dieu menacé par la folie et la mort » 10, son propos s’installe très haut, mais il faut dire aussi, plus modestement, que cet effet est atteint, dans les Damnés de la terre, par la sécheresse générale du ton et cette sorte d’impassibilité analytique que doit observer le leader ou le commissaire politique en charge de l’organisation de la Révolution. Qu’on en juge : Pratiquement il y aura au moins un membre du bureau politique dans chaque région et on évitera de le nommer chef de région. Le membre du bureau politique n’est pas tenu d’occuper le plus haut rang dans l’appareil administratif régional. Il ne doit pas obligatoirement faire corps avec le pouvoir. Pour le peuple le parti n’est pas l’autorité mais l’organisme à travers lequel il exerce en tant que peuple son autorité et sa volonté. Moins il y aura de confusion, de dualité de pouvoir, plus le parti jouera son rôle de guide et plus il constituera pour le peuple la garantie décisive. Si le parti se confond avec le pouvoir, alors, être militant du parti, c’est prendre le plus court chemin pour parvenir à des fins égoïstes, avoir un poste dans l’administration, augmenter de grade, changer d’échelon, faire carrière (DT, p. 571). La volonté de ne pas ciseler de phrases littéraires, de se contenter de phrases simples (de type sujet, verbe, complément) aboutit néanmoins à produire un puissant effet de martèlement rythmique : « Le parti doit être… Le parti doit être… Le parti n’est pas… Il est… » (DT, p. 572). Toute l’écriture de Fanon est sous-tendue dans cet ultime message par le désir de mettre en garde contre les dangers du romantisme révolutionnaire 11, ce qu’a bien compris Mohammed Harbi : Il serait injuste de ne retenir des Damnés de la terre que des thèmes lyriques discutables, le messianisme paysan, la violence rédemptrice, la constitution artificielle du tiers monde en bloc géopolitique et d’occulter les thèmes d’une actualité brûlante qui nous mettent en garde contre les dangers du romantisme révolutionnaire. Ce n’est pas dans les grandes espérances que réside une demande radicale, mais dans une vigilance sourcilleuse de la pensée critique 12. Seule la conclusion des Damnés de la terre s’autorise un léger desserrement lyrique avec l’apparition de nombreux marqueurs de solidarité (« allons, camarades… alors, frères… allons, camarades… camarades… Fuyons, camarades… allons frères… Donc camarades ») comme pour hisser au plus haut, en cet ultime message, sa foi en l’avènement d’un homme nouveau qui éclaire la dernière phrase écrite par Fanon : « Pour l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf » (DT, p. 676). * Ces quelques réflexions sur son écriture montrent que Fanon fut, dès le début, un écrivain habité qui s’imposa, parce qu’il était aussi un écrivain engagé, les contraintes d’une rigueur scientifique et idéologique. Fanon a lu Césaire, il admire le Cahier d’un retour au pays natal qu’il connaît par coeur, mais, peut-être justement parce que ce poème existe déjà, il ne veut pas le refaire, il ne veut pas être poète mais simple chercheur, simple militant, simple participant au débat idéologique. Dans Peau noire, masques blancs, sa culture littéraire irrigue le texte et s’accompagne de digressions anecdotiques et parfois drolatiques qui n’ont plus de raison d’être dans les Damnés de la terre, dont le rythme est tendu par un désir fort, celui d’organiser au mieux la Révolution des colonisés, des paysans algériens et du lumpen-proletariat mondial, ses camarades, ses frères, excluant ainsi toute fantaisie gratuite et tout lyrisme romantique. Une écriture-énergie.  Daniel Delas Sartre chez Fanon : pour dépasser la concurrence des mémoires Il ne s’agira pas ici de redire ce que Frantz Fanon a dit ni d’établir une cartographie précise de sa pensée, travail auquel d’autres se sont bien sûr attelés 13. Il s’agira plutôt d’envisager son oeuvre comme un prétexte et d’y dégager la possibilité d’établir, par le biais de l’Ur-texte sartrien, une mise en écho entre mémoires (post)coloniale et juive, avant, mais aussi après, la coupure historique de la Deuxième Guerre mondiale. Dans « Du prétendu complexe de dépendance du colonisé » (PNMB, p. 67-87), Fanon se réfère explicitement aux Réflexions sur la question juive 14, essai où Sartre, dans une perspective phénoménologique inaugurée par son étude sur « Le Regard » 15, procède à une étiologie de l’antisémitisme. Cette référence pourrait a priori étonner. Quel rapport, en effet, entre l’antisémite français et sa victime, le Juif, d’une part, et, d’autre part, la situation coloniale telle qu’elle est vécue et subie par les Malgaches – Fanon, dans ce chapitre, passe au crible Psychologie de la colonisation d’Octave Mannoni 16 – en cette fin des années dix-neuf cent quarante ? Aucun, dira-t-on, et pourtant le passage du premier au second s’explique aisément. La réification de l’Autre par l’Un, telle que la conçoit Sartre dans son interrogation ontologique concernant « Le Regard », permet d’apercevoir de nombreuses analogies dans la mesure où elle part de l’idée que « toutes les formes d’exploitation, ainsi que le souligne Fanon, se ressemblent […] car elles s’appliquent toutes à un même “objet” : l’homme » (PNMB, p. 71). Sartre appliquera ce point de vue, comme l’a bien montré Noureddine Lamouchi 17, dans toutes les causes littéraires, politiques, anticoloniales ou tiers-mondistes, pour lesquelles il se mobilisera jusqu’à la fin de sa vie. Des Réflexions… aux nombreux articles que Sartre écrira pendant la guerre d’Algérie 18 en passant par « Orphée noir », la révolution castriste 19, et les événements relatifs à l’indépendance du Congo belge 20, il existe effectivement un schéma explicatif récurrent qui, en déplorant les conséquences du racisme, affirme que les luttes anticolonialistes préfigurent l’avènement de l’homme et l’imminente sortie « de la grande nuit », pour parler comme Fanon 21 et, beaucoup plus tard, Achille Mbembe 22. Quelques mots maintenant sur ce schéma explicatif et sur l’usage qu’en fit Fanon. Sartre s’en prend ici au bourreau et à sa victime, et examine l’inauthenticité qui les unit, c’est-à-dire un contexte où l’un et l’autre demeurent captifs d’une essence préétablie et conservent ainsi « la permanence et l’impénétrabilité de la pierre » (RQ, p. 67). Il remarque que l’antisémitisme résulte d’un « irrationalisme de fait » (RQ, p. 30) et constitue la manifestation moderne d’une pensée « prélogique » (RQ, p. 177). Il affirme, en effet, que le Juif est une fabrication de l’antisémite et il note que « si le Juif n’existait pas l’antisémite l’inventerait » (RQ, p. 15). Le Juif inauthentique est celui qui accepte de demeurer le pour-autrui de l’antisémite et qui, de ce fait même, intériorise la surdétermination dont il fait l’objet. Dans « Du prétendu complexe de dépendance du colonisé », Fanon construit sa réflexion sur des prémisses analogues. Réduite à l’os, sa critique de l’essai de Mannoni repose sur l’opposition entre ce qui, dans toutes les cultures humaines (le détour malgache n’affaiblit en rien les assises universalistes du propos fanonien), est le produit de l’inné ou bien de l’acquis. Fanon privilégie donc l’histoire aux dépens d’une explication qui mettrait en exergue l’inconscient collectif malgache et des archétypes de nature psychologique, ajoutant d’ailleurs, à propos de cette voie herméneutique, que « les découvertes de Freud ne [lui] sont d’aucune utilité » (RQ, p. 84). Pour Fanon, le complexe de dépendance décelé chez les Malgaches colonisés n’existe pas, quoi que Mannoni puisse prétendre. Fanon y voit, au contraire, le produit d’un argumentaire irrationnel dans lequel, à l’instar de ce que Sartre avançait au sujet de l’antisémitisme, « l’idée […] semble déterminer l’histoire » (RQ, p. 19). Fanon rejette effectivement tout déterminisme et reproche à Mannoni d’avoir eu recours à la mythologie et à la cosmogonie malgaches – nous sommes aussi à l’heure de « l’invention » du Dogon et du Bantou – pour traiter de la situation coloniale à Madagascar : « [P]ourquoi veut-il faire du complexe d’infériorité quelque chose de préexistant à la colonisation ? » (PNMB, p. 68). Or, dans le contexte contemporain sur lequel le livre de Mannoni aurait dû porter, ce Malgache-là ne répond plus à l’appel car « depuis Galliéni le Malgache n’existe plus » (PNMB, p. 76). L’échec de Mannoni réside dans le fait qu’il n’a pas tenu compte, dans son analyse, de facteurs sociaux et économiques propres à la situation coloniale. S’il s’était intéressé à cette question, il aurait vu, toujours selon Fanon, que « c’est le raciste qui crée l’infériorisé » (PNMB, p. 75), et l’auteur martiniquais d’ajouter : « Par cette conclusion, nous rejoignons Sartre : “Le Juif est un homme que les autres tiennent pour Juif : voilà la vérité simple d’où il faut partir… C’est l’antisémite qui fait le Juif” » (PNMB, p. 75). Le but de mon propos n’est pas seulement de souligner l’intertexte sartrien de Peau noire ; il s’agit plutôt de saisir, chez Fanon, figure emblématique de l’anticolonialisme, du tiers-mondisme et des postcolonial studies, la coïncidence de plusieurs mémoires. Fanon fut tout à la fois martiniquais (à Lyon), et donc français (à Fort-de-France), mais aussi américain car antillais, algérien et, partant, africain à Blida et à Tunis, et panafricaniste à Accra et ailleurs. Le nationaliste algérien qu’il devint était toutefois porteur d’un idéal qui, à terme, se concevait comme dépassement de ce cadre nationaliste. S’il mettait l’histoire devant les archétypes psychologiques, il n’en subordonnait pas moins cette même histoire à « l’humanité », se montrant proche, ici encore, de Sartre qui, dans « Orphée noir », espérait que la négritude et le racisme anti-raciste qui la sous-tendait feraient place à « la réalisation de l’humain dans une société sans races » 23, état qu’il appelait « Règne humain » dans Réflexions sur la question juive (RQ, p. 194). Ce que Fanon et Sartre permettent, c’est précisément de dépasser l’ancrage ethnique et national de ces questions et de les lire à travers le prisme de l’humain. Le dépassement hégélien est, chez ces deux auteurs, une exigence ; plus fondamentalement, toutefois, il est le fruit d’une expérience historique vécue – « Je suis mon propre fondement » (PNMB, p. 187) – dans laquelle se télescopent les traumatismes de la Shoah, du colonialisme et de la Deuxième Guerre mondiale. Le choc dut être rude et imposait une remise à zéro des compteurs, une mise à plat radicale et le bannissement, au nom de la souffrance (une et indivisible), de toute coquetterie rhétorique : « nous voudrions demander à M. Mannoni s’il ne pense pas que pour un Juif les différences entre l’antisémitisme de Maurras et celui de Goebbels sont impalpables » (PNMB, p. 69). Ce que ce dialogue entre Sartre et Fanon permet aussi, raison pour laquelle je parlais de prétexte, c’est de s’interroger sur les convergences réelles, implicites et textuelles entre mémoires juive et afro-caribéenne. Cette excavation, dont je ne prétends pas ici épuiser le potentiel ainsi que les bifurcations et embranchements possibles, pourrait commencer avec Edward Wilmot Blyden (1832-1912), figure planétaire, incessant voyageur, natif de Saint-Thomas (alors danoise), victime de la ségrégation américaine, pourfendeur du métissage, avocat d’une reconquista noire du Libéria et de la Sierra Leone, ambassadeur à Londres, professeur de lettres classiques, amateurs de pyramides et, selon Senghor, « précurseur de la négritude » 24. Au-delà de ce profil pour le moins éclectique, Blyden fut aussi défenseur du sionisme, notamment dans un ouvrage, The Jewish Question 25, qu’il consacra à ce sujet. Cet intérêt est d’abord personnel puisqu’il faisait remonter sa propre généalogie à une communauté igbo d’origine juive 26. Plus fondamentalement, toutefois, la réflexion que mène Blyden sur l’avènement, dans le dernier quart du dix-neuvième siècle, d’une identité nationale juive, est motivée par un désir de rapprocher deux configurations diasporiques qui, jusqu’aujourd’hui, continuent à façonner notre paysage géopolitique 27. Quelques ouvrages et prises de position récents indiquent – pour conclure – que ce terrain n’a pas été laissé en friche. Patrice Nganang, dans Manifeste d’une nouvelle littérature 28, affirme qu’il convient, dans le contexte post-génocidaire que vit l’Afrique depuis 1994, de redonner à l’Holocauste, au-delà de sa dimension ethnique, son coefficient d’exemplarité pour saisir l’entrée de l’Afrique sub-saharienne dans le règne d’une humanité post-victimaire. Le génocide marquerait, selon Nganang, la fin de l’innocence africaine : Le génocide rend pleinement humain l’Africain, voilà le tragique paradoxe. C’est que, rupture paradigmatique avec deux cents ans de pensée africaine, africaniste et africanisante qui longtemps ont entendu « l’Africain » comme quelqu’un de particulier, d’extraordinaire, il est l’entrée fracassante de celui-ci dans l’humanité simple, c’est-à-dire fautive 29. Quoique résolument post-sartrien et post-fanonien 30, le propos que tient Nganang dans cet important ouvrage se lit aussi comme une tentative d’engendrer, par ce « chemin négatif » que traça naguère Theodor Adorno maintes fois évoqué ici, un décloisonnement des mémoires. Dans The Black Atlantic 31, Paul Gilroy avait insisté sur la nécessité de battre en brèche, au nom d’une modernité transatlantique placée sous le signe du trinôme Traite-Colonialisme-Holocauste, la tendance qui consiste à hiérarchiser les traumatismes historiques de ces trois derniers siècles 32. Michael Rothberg, dans son ouvrage Multidirectional Memory : Remembering the Holocaust in the Age of Decolonization 33, inscrit sa réflexion dans un sillage analogue et tente, à partir d’un corpus éclectique (Hannah Arendt, W.E.B. Du Bois, Aimé Césaire, Marguerite Duras, Jean Rouch, Michael Haneke), de sonder la convergence de plusieurs mémoires 34. Ces tentatives « multidirectionnelles », qui n’excluent pas l’érudition et les lectures historiques fines, ont le mérite de mettre un terme au statut d’exception de l’Afrique et de redire, avec ou sans Fanon dont on célèbre de part et d’autre de l’Atlantique et de la Méditerranée le décès prématuré il y a cinquante ans, la coprésence de l’Afrique, des Antilles et du monde.  Pierre-Philippe Fraiture Libérer le Noir en psychanalysant l’écrivain ? Sur le paradoxal antiracisme de Fanon Chaque fois que la dignité et la liberté de l’homme sont en question, nous sommes concernés, Blancs, Noirs ou Jaunes, et chaque fois qu’elles seront menacées en quelque lieu que ce soit, je m’engagerai sans retour 35. Le ton de cette phrase prononcée par le jeune Fanon semble bien prophétique, et le fait est qu’elle pourrait résumer à elle seule ce que sera son engagement existentiel. En effet, son entrée en dissidence contre les autorités pétainistes à 18 ans le conduit à s’engager comme volontaire auprès des Forces françaises libres au Maroc et en Algérie. C’est là qu’il est confronté au racisme alors qu’il est pris pour un tirailleur sénégalais. Dans la lettre qu’il envoie à ses parents au début de l’année 1945, il témoigne de son désenchantement. Le jeune homme sait qu’il fait la guerre « pour un idéal obsolète », une « fausse idéologie, bouclier des laïciens et des politiciens imbéciles » et avoue : « Je me suis trompé ! » 36. Pour autant, cette prise de conscience du fossé entre les valeurs antiracistes pour lesquelles il se bat, au point même d’en être blessé, et la persistance des pratiques chauvines auxquelles il est confronté pendant la guerre qui ravage l’Europe, le déçoit sans le mener au renoncement. C’est son même refus d’une interprétation mécaniciste du monde humain qui le pousse de la médecine à la psychiatrie. Ennuyé par la soi-disant objectivité des « anatomistes » 37, il renouvelle par ce choix professionnel son engagement personnel contre une définition biologique de l’être humain. En choisissant la psychanalyse pour libérer l’« homme noir », Fanon a d’abord affirmé son rejet de toutes déterminations raciales des actions humaines. Mais c’est en même temps à partir d’une psycho-analyse de l’homme noir qu’il fonde sa théorie de l’aliénation, théorie qui consacre un sujet absent à lui-même. Étrange paradoxe qui paraît amplifié par le fait que les soins psychiatriques qu’il apporte aux Algériens l’amènent à de tout autres résultats. Exerçant à l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie à partir de 1955, il voit en effet, dans les pathologies qu’il observe, la marque de la résistance algérienne à l’oppression coloniale, résistance à laquelle il choisit de s’identifier en s’engageant aux côtés du FLN. À tout prendre, je saisis mon narcissisme à pleines mains et je repousse l’abjection de ceux qui veulent faire de l’homme une mécanique. Si le débat ne peut pas s’ouvrir sur le plan philosophique, c’est-à-dire de l’exigence fondamentale de la réalité humaine, je consens à le ramener sur celui de la psychanalyse, c’est-à-dire des « ratés », au sens où l’on dit qu’un moteur a des ratés (PNMB, p. 18). C’est dans Peau noire, masques blancs que Fanon s’attache à une description de la psychologie du Noir, qu’il analyse dans les termes d’une dépossession de soi. Sa théorie, il l’illustre notamment à partir du roman de René Maran, Un homme pareil aux autres, paru en 1947, auquel il consacre le chapitre 3 de son ouvrage. Dans Un homme…, Maran met en scène un administrateur colonial antillais de couleur, en fonction en Afrique équatoriale Française, Jean Veneuse. Toute l’intrigue est centrée sur les sentiments amoureux qu’il éprouve pour Andrée Marielle, une jeune femme blanche métropolitaine. Quoique leur amour soit réciproque, Veneuse s’interdit d’aimer et d’épouser Andrée de peur de reproduire les pratiques « complexuelles » de sa « race », basées sur un obsessionnel désir de se venger de la domination blanche, désir qui s’exprime par l’appétit de la femme blanche. Bien que le dénouement de l’histoire n’y soit pas réductible, c’est cette partie du récit qui intéresse plus particulièrement Fanon pour sa propre étude analytique du Noir. Fanon, qui postule la nature autobiographique du texte, propose une psychanalyse de l’écrivain basée sur les propos de son personnage, psychanalyse qui fonde en même temps la théorie fanonienne de l’aliénation de l’homme noir. Laissons de côté les problèmes méthodologiques posés par son travail d’analyse – il disqualifie ce genre d’objection dès son introduction : « Nous laissons les méthodes aux botanistes et aux mathématiciens » – pour nous intéresser à son apport essentiel, à savoir la proposition de dépassement de la pensée raciale au profit d’un recentrage sur l’individu qu’il souhaite émancipé de l’aliénation raciale. S’appuyant sur les travaux de la psychiatre lacanienne Germaine Guex qui a publié en 1950 La Névrose d’abandon 38, Fanon montre que Maran reproduirait inconsciemment l’abandon dont il aurait lui-même été victime pendant l’enfance. Placé très jeune en internat à Bordeaux, loin de ses parents restés en Afrique, Veneuse ne voit que très peu sa famille et passe le plus souvent les vacances scolaires esseulé dans l’institution vidée de ses camarades. C’est ce sentiment d’abandon qui déterminerait ses relations affectives d’adulte. La peur de subir un nouvel abandon conduirait inconsciemment Veneuse à rejeter Andrée. Il se prémunirait ainsi contre le risque de revivre le traumatisme de l’enfance tout en le rejouant, mais en sens inverse, puisqu’il fait souffrir celle qui l’aime, comme ses parents l’ont fait souffrir. Autrement dit, sa névrose d’abandon pervertirait d’avance la relation amoureuse en masochisme : aimer, c’est souffrir, ne pas aimer c’est ne pas être abandonné, et être aimé, c’est abandonner pour s’assurer de ne pas être aimé. L’ambivalence amoureuse de Maran/Veneuse n’est donc pas, pour Fanon, déterminée par sa couleur de peau, contrairement à ce qu’explique le personnage du roman. Ce recours à la race n’est en fait, pour le psychiatre, qu’une rationalisation formulée par le moi, et nécessairement inspirée par le milieu dans lequel il évolue, à savoir le milieu colonial. Placé ailleurs, il aurait trouvé un autre motif à sa fuite pour se masquer à lui-même son abandonnisme. Fanon individualise donc ici ce qui, dans le roman de Maran, est racialisé. Il propose de renoncer à l’usage des catégories raciales pour comprendre les relations interindividuelles entre personnes de couleurs différentes. Selon lui, le Noir antillais qui utilise la race pour expliquer ses comportements est doublement aliéné : d’une part, il manifeste son adhésion au racialisme européen, tout en s’empêchant, d’autre part, de comprendre sa propre intériorité psychique. Non seulement Maran ne prend pas conscience de sa névrose abandonnique, mais en plus il fait siennes les catégories raciales imposées par le colonisateur pour expliquer son propre comportement individuel. Cette compréhension racialisée de soi n’est ainsi qu’une marque supplémentaire de l’acceptation, par les Noirs eux-mêmes, des catégories dans lesquelles les Blancs les objectalisent. Finalement, les rêves de possession du colonisé et son envie de prendre la place du colon s’expriment, non pas tant dans le désir de la femme blanche, mais dans l’appropriation des cadres de pensée du colon pour se penser soi. Il faut en convenir : sur le plan de la psychanalyse comme sur celui de la philosophie, la constitution n’est mythe que pour celui qui la dépasse. Si d’un point de vue heuristique on doit dénier toute existence à la constitution, il demeure […] que les individus s’efforcent d’entrer dans des cadres préétablis (PNMB, p. 64). En choisissant la psychanalyse pour libérer l’homme noir, Frantz Fanon affirme donc bien son rejet de toutes les déterminations raciales des actions humaines. Mais s’il opère un recentrage sur l’individu, le rendant maître de son histoire personnelle, il appuie en même temps l’idée d’un sujet absent à lui-même. De plus, il n’abolit pas complètement les déterminations raciales. Certes, il leur nie un caractère constitutionnel, mécanique et universel, mais il leur concède en même temps une dimension structurelle, propre cette fois-ci à l’homme noir. Ses « cadres préétablis », sa « structure psychique », le Noir s’y aliène dans une forme de servitude volontaire. Il est prisonnier de la représentation sociale construite par les anciens et nouveaux « maîtres » qui l’enferment dans une condition d’inférieur, au point qu’il est lui-même convaincu de son infériorité ontologique, tout en n’ayant pas conscience, dans un premier temps, de sa différence raciale. Réfugié dans ce que Fanon appelle des « tares, séquelles de la période enfantine » (PNMB, p. 8), le Noir ne parvient pas ici à dépasser le stade du miroir conceptualisé par Jacques Lacan. Comme l’enfant au plus jeune âge se projette dans le regard de sa mère pour compenser son incoordination constitutive et s’y aliène au point de n’exister que par ce regard, le Noir s’aliène dans le « regard blanc ». Il est donc « primordialement » aliéné dans le regard de l’Autre : il n’existe que par et pour ce regard, d’abord par identification complète, puisqu’au cours de ses premières années, « le jeune Noir adopte subjectivement une attitude de Blanc » (PNMB, p. 120), puis par différenciation brutale et rabaissante : une fois confronté « au premier regard blanc, il ressent le poids de sa mélanine » (PNMB, p. 122). La question que pose ici le psychiatre est donc de savoir si le Noir peut ou non s’émanciper de sa condition historique d’homme racialisé, et donc infériorisé, par le Blanc. Déconstruire « l’arsenal complexuel qui a germé au sein de la situation coloniale » (PNMB, p. 24) est en effet la condition fondamentale de l’affranchissement du Noir, autrement dit de son humanisation par auto-dé-racialisation, dans la mesure où elle conditionne la compréhension de sa propre psychologie au niveau individuel : « Il serait facile de montrer que le nègre, irréflexivement, se choisit objet susceptible de porter le péché originel. Pour ce rôle, le Blanc choisit le Noir, et le Noir qui est un Blanc choisit aussi le Noir. Le Noir antillais est esclave de cette imposition culturelle. Après avoir été esclave du Blanc, il s’auto-esclavagise » (PNMB, p. 155). Autrement dit, le « Noir n’est pas un homme » (PNMB, p. 6) : il n’est que représentation de soi pour l’Autre. Je rêve que je saute, que je nage, que je cours, que je grimpe. Je rêve que j’éclate de rire, que je franchis le fleuve d’une enjam-bée, que je suis poursuivi par des émeutes de voitures qui ne me rattrapent jamais. Pendant la colonisation, le colonisé n’arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin 39. Peut-être un retour sur la conception hégélienne de la folie permet-il de comprendre le pessimisme d’une telle analyse de la condition de l’homme noir. Dans ses textes sur la folie (L’Encyclopédie, La Philosophie de l’esprit), Hegel inaugure en effet une conception du sujet au sein de laquelle cohabitent deux personnes psychiques. Comme le montre Gladys Swain 40, celle-ci résulte, chez Hegel, d’un clivage entre une part aliénée de l’individualité et une autre partie restée consciente, qui, elle, n’est pas atteinte pas la folie. L’aliéné sait, intuitivement, que sa conscience est divisée en deux formes contradictoires. Tiraillé, il cherche à résoudre cette contradiction, ce qu’exprime sa violence. Cette violence est donc moins la manifestation de la folie elle-même que la preuve de la conscience qu’a l’aliéné de sa propre folie. Or cet état de conscience, Fanon l’identifie lorsqu’il traite des pathologies algériennes : les rêves des Algériens, les tensions physiques qui les animent, leur violence, sont autant d’expressions de leur résistance à la domination coloniale. À l’opposé, le Noir martiniquais n’exprime aucun signe de cet antagonisme entre folie et conscience, au point que Fanon semble considérer qu’il ne peut s’appuyer sur aucune base psychique saine pour le soigner. À l’aliénation des Algériens comme preuve de leur conscience de la domination coloniale, il oppose donc l’aliénation incurable du Noir. On voit bien ici l’apport essentiel du travail de Fanon en Algérie, qui remet en cause les interprétations mécanicistes de ses prédécesseurs primitivistes tel qu’Antoine Porot 41. Fondateur de l’hôpital de Blida et de l’école psychiatrique d’Alger, Porot avait recours à la notion d’« impulsivité constitutionnelle » 42 pour expliquer la criminalité algérienne. Parce qu’il la naturalisait, il considérait cette criminalité comme un fait biologiquement normal. Il ne s’agissait donc plus de soigner des pathologies, mais d’éduquer des indigènes, dans la mesure où ce qui relevait du biologiquement normal devenait culturellement pathologique du point de vue de la civilisation européenne. Cette distinction entre normal biologisé et pathologique socialement constitué sera remise en cause en 1943, on le sait, par la thèse de Georges Canguilhem qui, comme le rappelle Robert Berthelier, rapporte alors le normal et le pathologique au point de vue subjectif du malade 43. Au normal comme normativité, c’est-à-dire capacité à s’adapter à l’évolution de son milieu, il oppose le pathologique, sentiment subjectif de ne pas supporter ce changement et de se sentir autre. Il n’y a donc de normal et de pathologique que pour-soi. Fanon, convaincu comme tout praticien que la psychanalyse peut aider l’individu à sortir de son aliénation primordiale grâce à la parole, ne pousse pas aussi loin la relativisation du pathologique. Par contre, il approfondit son approche culturaliste de l’aliénation, allant jusqu’à justifier la radicalisation du FLN, en laquelle il voit une repossession de soi contre l’imposition de son modèle culturel par le colonisateur français. Ici encore, la différence de traitement qu’il opère entre culturalisme algérien et culturalisme antillais est frappante. Les pages qu’il consacre à la critique de la Négritude dans Peau noire, masques blancs sont sans appel. Il y dénonce un racisme inversé, construit sur les mêmes présupposés racistes que ceux qui ont été élaborés par les Européens pour justifier leur domination à l’égard des Noirs ; le fait majeur n’est donc pas que ces présupposés soient inversés, le stigmate devenant qualité, mais plutôt qu’ils aient été préalablement intériorisés par les fondateurs de la Négritude. La désaliénation de l’homme noir, qu’il s’était pourtant donnée comme tâche, reste donc encore lettre morte, tout comme, – et ce n’est sans doute pas une coïncidence –, la demande qu’il avait adressée au président Senghor en 1953 en vue de venir travailler comme psychiatre à Dakar n’a jamais reçu de réponse.  Elsa Geneste 44 1. Fanon (F.), Oeuvres. Avant-propos de la Fondation Frantz Fanon. Préface d’Achille Mbembe. Introduction de Magali Bessone. Paris : La Découverte, 2011, 884 p. ; p. 251. Les références à cette édition récente seront abrégées par les initiales PN pour Peau noire, masques blancs et DT pour Les Damnés de la terre. Les références à l’édition de poche de Peau noire, masques blancs (1952) – Paris : Seuil, coll. Points Essais n°26, 1971, 188 p. –, seront indiquées par l’abréviation PNMB. Les italiques sont toujours de l’auteur cité. 2. Dans Spinoza le poème de la pensée. Paris : Maisonneuve et Larose, 2002, 194 p. Voir le compte rendu de cet ouvrage par Serge Martin dans le n°880-881 d’Europe (août-septembre 2002). 3. Macey (D.), Frantz Fanon, une vie. Traduit de l’anglais par Christophe Jaquet et Marc Saint-Upéry. Paris : La Découverte, 2011, 600 p. 4. « Cet ouvrage est une étude clinique » (PN, p. 67). 5. Macey (D.), Frantz Fanon, une vie, op. cit., p. 178. 6. Macey (D.), Frantz Fanon, une vie, op. cit., p. 424. 7. Alice Cherki, préface à l’édition de 2002 des Damnés de la terre (DT, p. 426). 8. François Maspero, cité dans Macey (D.), Frantz Fanon, une vie, op. cit., p. 480. 9. Voir Cherki (A.), préface citée (DT, p. 427). 10. Fanon (F.), Oeuvres, op. cit., p. 10. 11. Surtout, bien entendu, dans les chapitres 2 et 3, intitulés respectivement « Grandeurs et faiblesses de la spontanéité » et « Mésaventures de la conscience nationale ». 12. Postface à l’édition de 2002 (DT, p. 680). 13. Voir notamment : Caute (David), Fanon. London : Fontana/Collins, 1970, 106 p. ; Geismar (Peter), Fanon. New York : Dial Press, 1971, 214 p. ; Grendzier (Irene L.), Frantz Fanon : a Critical Study. London : Wildwood House, 1973, 300 p. ; Jinadu (Adele), Fanon : in Search of an African Revolution. London : K.P.I., 1986, 262 p. ; Gordon (Lewis Ricardo), Fanon and the Crisis of European Man : an Essay on Philosophy and the Human Sciences. New York-London : Routledge, 1995, 137 p. ; Sekyi-Otu (Ato), Fanon’s Dialectic of Experience. Cambridge (MA) : Harvard UP, 1996, 276 p. ; Cherki (Alice), Frantz Fanon. Portrait. Paris : Seuil, 2000, 313 p. ; Macey (David), Frantz Fanon : a Life. London : Granta, 2000, 640 p. ; Gibson (Nigel C.), Fanon : the Postcolonial Imagination. Cambridge : Polity Press in association with Blackwell, 2003, 252 p. ; Gibson (Nigel C.), ed., Living Fanon : Global Perspective. New York-Basingstoke : Palgrave Macmillan, series Contemporary Black History, 2011, 266 p. ; Renault (Matthieu), Frantz Fanon. De l’anticolonialisme à la question postcoloniale. Paris : Éditions d’Amsterdam, 2011, 224 p. 14. Sartre (J.-P.), Réflexions sur la question juive. Paris : Paul Morihien, 1946, 198 p. (en abrégé désormais : RQ). 15. Sartre (J.-P.), L’Être et le néant. Essai d’ontologie phénoménologique. Édition corrigée avec index par Arlette Elkaïm-Sartre. Paris : Gallimard, 2003 [1943], 697 p. ; p. 292-341. 16. Mannoni (Octave), Psychologie de la colonisation. Paris : Seuil, 1950, 227 p. 17. Lamouchi (N.), Jean-Paul Sartre et le Tiers Monde. Rhétorique d’un discours anticolonialiste. Avant-propos de Jack Cornazi. Préface de Geneviève Idt. Paris : L’Harmattan, 1996, 346 p. 18. Voir notamment : Sartre (J.-P.), « Le Colonialisme est un système », Les Temps Modernes, n°123, mars-avril 1956, p. 1371-1386. 19. Sartre (J.-P.), « Ouragan sur le sucre », France Soir, à partir du 30 juin 1960. Reproduit dans : Contat (Michel) & Rybalka (Michel), Les Écrits de Sartre. Chronologie. Bibliographie commentée. Paris : Gallimard, 1970, 788 p. ; p. 347-351. 20. Voir La Pensée politique de Patrice Lumumba. Avec une préface de J.-P. Sartre. Textes recueillis et présentés par Jean Van Lierde. Paris : Présence africaine, 1963, I-XLV-401 p. 21. Fanon (F.), Les Damnés de la terre. Préface de Jean-Paul Sartre. Paris : Maspero, 1961, 244 p. ; p. 239. 22. Mbembe (A.), Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée. Paris : La Découverte, 2010, p. 246. 23. Sartre (J.-P.), « Orphée noir », dans Senghor (L.S.), Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. Paris : PUF, 1948, p. ix-xliv ; p. xli. 24. Senghor (L.S.), « Edward Wilmot Blyden, Précurseur de la Négritude », Selected Letters of Edward Wilmot Blyden. Edited and introduced by Hollis Ralph Lynch. Foreword by Léopold Sédar Senghor. Millwood (NY) : KTO Press, 1978, xxii-530 p. ; p. xv-xvii. 25. Blyden (E.W.), The Jewish Question. Liverpool : Lionel Hart & C°, 1898, 23 p. 26. Voir Echeruo (Michael J.C.), « Edward W. Blyden, “The Jewish Question,” and the Diaspora : Theory and Practice », Journal of Black Studies, t. 40, n°4, mars 2010, p. 544-565. 27. Sur la notion de diaspora dans les communautés juive et africaine, voir : Orrells (D.), Bhambra (G.K.) & Roynon (T.), dir., African Athena : New Agendas. Oxford : Oxford UP, 2011, xiv-469 p. 28. Nganang (P.), Manifeste d’une nouvelle littérature. Pour une écriture préemptive. Paris: Éditions Homnisphères, 2007, 311 p. 29. Nganang (P.), Manifeste…, op. cit., p. 30. 30. Voir le chapitre « À l’ombre de Sartre », p. 57-82. 31. Gilroy (Paul), The Black Atlantic : Modernity and Double Consciousness. Cambridge (MA) : Harvard UP, 1993, xi-261 p. 32. Voir aussi, à cet égard : Mbembe (A.), « À propos des écritures africaines de soi », Politique Africaine, n°77, mars 2000, p. 16-43 ; p. 32. 33. Rothberg (Michael), Multidirectional Memory : Remembering the Holocaust in the Age of Decolonization. Stanford (CA) : Stanford UP, 2009, xvii-379 p. 34. Voir aussi : Attias (Gabriel), Effa (Gaston-Paul), Le Juif et l’Africain : double offrande. Préface d’Armand Abécassis. Monaco : Éd. du Rocher, coll. Documents, 2003, 180 p. 35. Fanon, cité par Marcel Manville, dans Cherki (Alice), Frantz Fanon. Portrait. Paris : Seuil, 2000, 313 p. ; p. 22. 36. Cherki (A.), Frantz Fanon. Portrait, op. cit., p. 25. En italique dans le texte. 37. Macey (David), Frantz Fanon, a Life. London : Granta Books, 2000, p. 123. 38. Guex (G.), La Névrose d’abandon. Paris : PUF, coll. Bibliothèque de psychanalyse et de psychologie clinique, 1950, 147 p. 39. Fanon (F.), Les Damnés de la terre. Préface de Jean-Paul Sartre [1961], préface d’Alice Cherki et postface de Mohammed Harbi. Paris : La Découverte, 2002, 311 p. ; p. 53. 40. Swain (G.), Dialogue avec l’insensé. Essais d’histoire de la psychiatrie. Précédé de « À la recherche d’une autre histoire de la folie » par Marcel Gauchet. Paris : Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, 1994, lviii-281 p. 41. Professeur à la Faculté de Médecine d’Alger, auteur de nombreuses publications dont, avec le Dr Jean Sutter : « [Le] “Primitivisme” des indigènes nord-africains, ses incidences en pathologie mentale », tiré-à-part du Sud médical et chirurgical, (Marseille), 15 avril 1939, 18 p. 42. Berthelier (R.), L’Homme maghrébin dans la littérature psychiatrique. Préface de Rachid Bennegadi. Paris : L’Harmattan, coll. Santé, sociétés et cultures, 1994, 207 p. ; p. 80. 43. Canguilhem (G.), Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique. Publications de la Faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, Fasc. 100, 1943, 160 p. 44. Doctorante EHESS, CNRS-CIRESC-CRPLC.
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Bienvenue à « Homerica » (Politique et Sociétés)

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            Département de science politique, Université du Québec à Montréal
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        </affiliation>
        <courriel>
          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls1" xlink:href="mailto:gagnon.frederick@uqam.ca" xlink:type="simple">gagnon.frederick@uqam.ca</liensimple>
        </courriel>
      </auteur>
      <auteur id="au2">
        <nompers>
          <prenom>Julie</prenom>
          <nomfamille>Dufort</nomfamille>
        </nompers>
        <affiliation>
          <alinea>
            Département de science politique, Université du Québec à Montréal
          </alinea>
        </affiliation>
        <courriel>
          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls2" xlink:href="mailto:dufort.julie@uqam.ca" xlink:type="simple">dufort.julie@uqam.ca</liensimple>
        </courriel>
      </auteur>
    </grauteur>
    <resume typeresume="resume" lang="fr">
      <alinea>
        Cet article démontre que quatre dessins animés satiriques américains,
        <marquage typemarq="italique">The Simpsons, South Park, American Dad !</marquage>
        et
        <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
        , sont plus que de simples objets de divertissement et contiennent des discours éminemment politiques sur l’immigration non documentée et la construction d’un mur à la frontière des États-Unis et du Mexique. Nous inspirant d’une catégorisation des courants de pensée sur les politiques d’immigration développée par Daniel Tichenor, nous procédons à l’analyse qualitative de contenu et de discours d’un corpus d’épisodes des dessins animés étudiés pour illustrer comment ils offrent un espace discursif aux principaux courants de pensée sur les enjeux susmentionnés. Nous démontrons aussi que
        <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
        ,
        <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
        et
        <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
        contiennent un discours satirique dirigé contre les positions conservatrices et qui valorise les positions progressistes sur ces mêmes enjeux, mais que
        <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
        n’inclut pas un biais aussi évident pour l’un ou l’autre des courants de pensée sur l’immigration et la construction du mur américano-mexicain.
      </alinea>
    </resume>
    <resume typeresume="resume" lang="en">
      <alinea>
        This article shows that four American animated television series,
        <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
        ,
        <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
        ,
        <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
        and
        <marquage typemarq="italique">American Dad!</marquage>
        , are more than mere entertainment and contain political discourses on undocumented immigration and the building of a fence along the US-Mexico border. Relying on Daniel Tichenor’s categorization of the main US currents of thought on immigration, we proceed to a qualitative content and discourse analysis of a selected corpus of episodes of the aforementioned animated television series to show that they offer a discursive space to each of the main currents of thought identified by Tichenor. The article also shows that
        <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
        ,
        <marquage typemarq="italique">American Dad!</marquage>
        and
        <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
        contain a satirical discourse that aims to discredit conservative positions and valorize liberal views on immigration, but that
        <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
        does not include a similar bias nor a bias for any of the currents of thought on immigration or the building of a fence between the US and Mexico.
      </alinea>
    </resume>
  </liminaire>
  <corps>
    <epigraphe>
      <alinea>
        <marquage typemarq="italique">There are too many minorities (minorities)</marquage>
      </alinea>
      <alinea>
        <marquage typemarq="italique">At my water park (my water park).</marquage>
      </alinea>
      <alinea>
        <marquage typemarq="italique">This was our land, our dream (our dream),</marquage>
      </alinea>
      <alinea>
        <marquage typemarq="italique">and they’ve taken it all away</marquage>
        […]
      </alinea>
      <alinea>
        <marquage typemarq="italique">There are Mexicans all around me</marquage>
        […]
      </alinea>
      <alinea>
        <marquage typemarq="italique">
          And the instructions are in Spanish on the Zip Line ride !
        </marquage>
      </alinea>
      <source>
        – Eric Cartman dans l’épisode « Pee » de
        <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
      </source>
    </epigraphe>
    <epigraphe>
      <alinea>
        Homer Simpson :
        <marquage typemarq="italique">
          What can we do to keep a group of people away from another group of people ?
        </marquage>
      </alinea>
      <alinea>[…]</alinea>
      <alinea>
        Maire Quimby :
        <marquage typemarq="italique">That’s it. We’ll build a fence !</marquage>
      </alinea>
      <alinea>
        Habitants de Springfield, à l’unisson :
        <marquage typemarq="italique">Fence ! Fence ! Fence !</marquage>
      </alinea>
      <source>
        – Épisode « Coming to Homerica » de
        <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
      </source>
    </epigraphe>
    <section1 id="s1n1">
      <no>1</no>
      <para id="pa1">
        <no>1</no>
        <alinea>
          Alors que l’on fêtait en 2009 le 20
          <exposant>e</exposant>
          anniversaire de la chute du mur de Berlin, l’émission culte américaine
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          célébrait elle aussi ses deux décennies d’existence. Que ce soit par hasard ou calcul précis, les auteurs de
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ont terminé leur 20
          <exposant>e</exposant>
          saison le 17 mai 2009 avec un épisode sur la construction du mur de séparation à la frontière américano-mexicaine. Véritable icône de la culture populaire américaine
          <renvoi id="re1no1" idref="no1" typeref="note">1</renvoi>
          , cette émission a entre autres été nommée la meilleure série télévisée du siècle dernier par le
          <marquage typemarq="italique">Time Magazine</marquage>
          et la définition du patois préféré d’Homer – le légendaire « D’oh » – a été ajoutée au dictionnaire Oxford en 2001.
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          a aussi été étudiée par plusieurs politologues, sociologues et philosophes intéressés par la manière dont l’émission dépeint les Américains et les enjeux qui les animent. Certains se sont ainsi penchés sur la représentation, dans
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          , de l’homosexualité, des stéréotypes ethniques, de l’anti-intellectualisme ou encore de l’institution familiale (Cantor, 2001 : 160-178 ; Skoble, 2001 : 25-33 ; Beard, 2004 : 273-291 ; Henry, 2004 : 255-243), alors que d’autres ont expliqué comment les créateurs de l’émission s’appuient sur l’humour, en particulier la satire et la parodie, pour véhiculer des messages politiques (Matheson, 2001 : 108-125 ; Gray, 2006 : 202 ; Gray
          <marquage typemarq="italique">et al.</marquage>
          , 2009).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa2">
        <no>2</no>
        <alinea>
          Malgré ces contributions, on ne s’est pas encore intéressé à la manière dont
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          a dépeint les problématiques de l’immigration non documentée aux États-Unis et de la sécurité à la frontière américano-mexicaine. Cet enjeu a pourtant été l’une des priorités des Américains ces dernières années, et ce, surtout depuis le 11 septembre 2001. Durant la présidence de George W. Bush, les difficultés économiques ainsi que les préoccupations sécuritaires des Américains ont, par exemple, contribué à la popularité de discours conservateurs sur cet enjeu. Ainsi, des journalistes comme Lou Dobbs, ancien animateur vedette de
          <marquage typemarq="italique">CNN</marquage>
          , ou encore des hommes politiques comme l’ancien législateur Tom Tancredo (R-Colorado) et le représentant James Sensenbrenner (R-Wisconsin), ont milité avec succès pour un renforcement des mesures de contrôle à la frontière américano-mexicaine.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa3">
        <no>3</no>
        <alinea>
          Établissant des ponts entre les champs d’études de la politique américaine (
          <marquage typemarq="italique">American politics</marquage>
          ) et des études américaines (
          <marquage typemarq="italique">American studies</marquage>
          ) et prolongeant l’analyse des chercheurs intéressés à la représentation du politique dans la culture populaire, cet article vise à contribuer à la connaissance du débat sur la construction du mur à la frontière sud des États-Unis et sur l’immigration non documentée latino-américaine grâce à une étude de leur représentation dans les dessins animés américains. Notre but est de démontrer que des émissions populaires comme
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          (1989–) sont plus que de simples objets de divertissement. En effet, il s’agit d’illustrer comment
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ainsi que trois autres dessins animés satiriques destinés à un auditoire adulte, c’est-à-dire
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          (2005–),
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          (1999–) et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          (1997–), véhiculent des idées éminemment politiques à propos des grands enjeux de l’heure aux États-Unis. Dans la foulée des travaux de Rachel Rubin et Jeffrey Melnick sur les liens entre l’immigration et la culture populaire, nous nous demandons donc de quelles manières le phénomène de l’immigration « illégale » est dépeint dans ces dessins animés (2007).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa4">
        <no>4</no>
        <alinea>
          Pour atteindre les objectifs de cet article, nous employons la méthode de l’étude de cas, c’est-à-dire que nous avons consulté les listes complètes des épisodes de
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          pour identifier ceux qui avaient pour thème principal l’immigration non documentée et la question du mur à la frontière américano-mexicaine. Deux critères ont guidé notre sélection d’épisodes. Premièrement, nous avons écarté les épisodes dont la trame narrative ne portait pas principalement sur les enjeux susmentionnés. Par exemple, plusieurs épisodes contiennent
          <marquage typemarq="italique">quelques</marquage>
          répliques ou scènes de quelques secondes à propos de la frontière des États-Unis et du Mexique, des Mexicains vivant aux États-Unis, de l’influence de la culture latino-américaine sur les États-Unis ou encore de l’immigration non documentée en provenance des pays latino-américains. C’est notamment le cas de l’épisode « It’s Chrismas in Canada » de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , qui porte sur la décision des parents biologiques de Ike, le frère de Kyle Broflovski, de le reprendre et de le ramener au Canada. Dans une scène de cet épisode, on peut voir Herbert Garrison y aller du commentaire suivant à propos des immigrants mexicains : « How about, we get rid of all the Mexicans ? » Si cette réplique illustre comment
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          dépeint les courants de pensée conservateurs sur la question de l’immigration, nous avons décidé d’écarter de tels épisodes pour nous concentrer uniquement sur ceux qui avaient pour thème principal l’immigration non documentée ou la frontière américano-mexicaine. La raison qui explique notre décision est simple : les quelques répliques retrouvées ici et là dans les épisodes non retenus ne contredisaient pas notre propos et n’ajoutaient généralement rien de plus à l’analyse que nous pouvions déjà faire des épisodes choisis
          <renvoi id="re1no2" idref="no2" typeref="note">2</renvoi>
          . Le deuxième critère qui a guidé notre sélection d’épisodes est le suivant : nous jugions utile de retenir les épisodes qui abordent l’enjeu de l’immigration latino-américaine ou du mur entre les États-Unis et le Mexique de manière indirecte et par analogie. Comme on le sait, les histoires racontées dans les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          sont basées à la fois sur des éléments calqués sur la réalité et des éléments fictifs. À titre indicatif, des personnalités publiques ou politiques sont souvent dépeintes dans ces dessins animés (Saddam Hussein dans
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , le groupe rock
          <marquage typemarq="italique">The Who</marquage>
          dans les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          , la commentatrice conservatrice Ann Coulter dans
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          , Barack Obama dans
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          , etc.). Cependant, les histoires qu’on y raconte n’ont pas toujours de lien net avec la réalité. En sélectionnant les épisodes étudiés, nous en avons donc retenu quelques-uns qui, même s’ils n’abordent pas de manière évidente les enjeux qui nous intéressent, racontent des histoires fictives qui s’apparentent au « vrai » débat sur l’immigration latino-américaine et le mur entre les États-Unis et le Mexique. À titre indicatif, les épisodes « A Tale of Two Sprinfields » des
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          et « Child Abduction Is Not Funny » de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          racontent la construction de murs
          <marquage typemarq="italique">à l’intérieur</marquage>
          des villes américaines et non entre les États-Unis et le Mexique. Cela dit, on retrouve dans ces épisodes des discours qui ressemblent à maints égards à ceux qui animent les acteurs du débat sur le mur entre les États-Unis et le Mexique, d’où l’intérêt de les retenir. En somme, nos critères de sélection ont permis de constituer un corpus de recherche bien défini qui inclut onze épisodes (voir tableau 1).
        </alinea>
      </para>
      <tableau id="ta1">
        <no>Tableau 1</no>
        <legende lang="fr">
          <titre>Corpus de recherche</titre>
        </legende>
        <objetmedia flot="bloc">
          <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im1" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
          <texte>
            Dessin animéÉpisodeSaison et dateThe SimpsonsMuch Apu About NothingSaison 7, mai 1996The SimpsonsA Tale of Two SprinfieldsSaison 12, novembre 2000The SimpsonsComing to HomericaSaison 20, mai 2009Family GuyPadre De FamiliaSaison 6, novembre 2007American Dad !American Dream FactorySaison 2, janvier 2007South ParkChild Abduction Is Not FunnySaison 6, juillet 2002South ParkGoobacksSaison 8, avril 2004South ParkD-YikesSaison 11, avril 2007South ParkPandemic 1Saison 12, octobre 2008South ParkPandemic 2 : The StartlingSaison 12, octobre 2008South ParkPeeSaison 13, novembre 2009
          </texte>
        </objetmedia>
      </tableau>
      <para id="pa5">
        <no>5</no>
        <alinea>
          Une fois ce corpus constitué, nous avons recouru à la méthode de l’analyse qualitative de contenu et de discours de Vit Sisler (2008 : 206)
          <renvoi id="re1no3" idref="no3" typeref="note">3</renvoi>
          : nous avons visionné les épisodes en relevant les éléments visuels importants aux fins de notre démonstration et en analysant les idées, les valeurs et les discours qui y sont véhiculés. Par exemple, nous nous sommes intéressés à la manière dont des personnages comme Lisa Simpson (
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ), Peter Griffin (
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ) ou encore Stan Smith (
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          ) définissent la problématique du mur et de l’immigration non documentée.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          Alors que les deux premières parties de cet article servent respectivement à situer nos recherches dans la littérature théorique pertinente et à décrire brièvement les récents débats sur l’immigration « illégale » aux États-Unis, les troisième et quatrième permettent d’étayer nos deux principales thèses. D’une part, à l’aide d’un cadre d’analyse emprunté à Daniel Tichenor (2002), politologue américain et spécialiste des politiques d’immigration aux États-Unis, nous démontrons que les dessins animés étudiés tendent à refléter les discussions qui animent la société américaine à propos de la problématique de l’immigration et du mur. Ainsi, les principaux courants de pensée sur cette question sont tous représentés dans
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , qui sont en quelque sorte un miroir de la société américaine et de ses préoccupations ; un microcosme des débats qui animent les Américains. D’autre part, notre article démontre néanmoins que ces dessins animés sont loin d’offrir un discours neutre sur la problématique du mur et de l’immigration latino-américaine. Comme l’illustre la partie quatre, à l’exception de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , les trois autres émissions,
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          , invitent clairement les téléspectateurs à choisir leur camp dans le débat. On y décèle, entre autres, un discours satirique qui valorise les idées progressistes et discrédite le programme conservateur sur les questions de sécurité frontalière et d’immigration.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n2">
      <no>2</no>
      <titre>
        Première partie : Les dessins animés, quelle importance ?
      </titre>
      <para id="pa7">
        <no>7</no>
        <alinea>
          Pour plusieurs spécialistes des États-Unis, il peut paraître futile d’étudier les dessins animés ou, de manière générale, la culture populaire, pour comprendre les débats politiques qui animent les Américains. Plusieurs arguments permettent pourtant de croire à la pertinence de réaliser de telles analyses. D’entrée de jeu, même s’il ne s’agit pas ici de faire une analyse de réception des dessins animés étudiés
          <renvoi id="re1no4" idref="no4" typeref="note">4</renvoi>
          , il peut être utile de noter que les discours véhiculés dans des émissions comme
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          sont souvent entendus par un plus grand nombre d’Américains que ceux des principaux acteurs politiques (membres du Congrès, activistes des groupes d’intérêts, etc.). Par exemple,
          <marquage typemarq="italique">Meet the Press</marquage>
          , une émission d’information hebdomadaire diffusée sur le réseau MSNBC le dimanche matin, permet aux Américains de prendre connaissance des positions des politiciens de l’heure (représentants, sénateurs, président, etc.), mais elle est regardée par seulement 4 millions de téléspectateurs chaque semaine (Shea, 2009). De leur côté,
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          comptent chacune sur deux fois plus de fidèles hebdomadairement : par exemple, le 27 septembre 2009, 8,21 millions ont regardé l’épisode de
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          , 10,17 millions celui de
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et 7,12 celui d’
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          (Sans auteur, 2009). Moins regardée que ces trois premières émissions,
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          comptait tout de même sur 3,7 millions de téléspectateurs lors du premier épisode de la saison 2010 (Hibberd, 2010). Ces chiffres sont toutefois loin d’être exhaustifs puisque
          <marquage typemarq="italique">Comedy Central</marquage>
          , le réseau qui diffuse
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , offre également la possibilité de visionner gratuitement en ligne les seize saisons de l’émission aux États-Unis. Bien entendu, les dessins animés étudiés ne sont pas regardés par le même type d’individus que les émissions d’affaires publiques comme
          <marquage typemarq="italique">Meet the Press</marquage>
          . Alors que cette émission vise un auditoire instruit et fortement intéressé par l’actualité politique et les enjeux de l’heure à Washington (DC), les dessins animés à l’étude sont destinés à un auditoire beaucoup plus large. Par exemple, leur caractère ludique attire l’attention des adolescents et même des enfants dans le cas de
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          , qui ne contient pas la même vulgarité que les trois autres dessins animés analysés (blasphèmes, scènes de sexualité, etc.). Cela dit, le principal auditoire visé par ces dessins animés est bel et bien les adultes. D’abord, les producteurs de
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          ont choisi de diffuser en soirée et non en matinée ou en après-midi, ce qui révèle leur sentiment que les émissions correspondent moins aux attentes des enfants que les dessins animés habituels. Ensuite, même si la nature politique des dessins animés n’est pas aussi palpable que celle d’une émission comme
          <marquage typemarq="italique">Meet the Press</marquage>
          , leurs créateurs traitent volontairement de thèmes politiques et d’enjeux de société qui interpellent avant tout les adultes. Dan Korte écrit d’ailleurs ceci à propos de Matt Groening, créateur des
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            One of Matt Groening’s intentions in creating The Simpsons was to make the audience forget they are watching a cartoon by portraying a fuller range of human emotion than that presented in most live-action sit-coms, emphasizing individual responses to moral dilemmas and specific character traits. In doing so, he is able to convey his own politics through the Simpsons’ daily activities.
          </alinea>
          <source>Korte, 1997</source>
        </bloccitation>
      </para>
      <para id="pa8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          La volonté des créateurs de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , Trey Parker et Matt Stone, ainsi que de celui de
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          , Seth Macfarlane, de véhiculer des messages politiques est tout aussi évidente. Pour Parker et Stone,
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          vise à se moquer de tous ceux qui le méritent, qu’ils soient conservateurs ou libéraux (Leo, 2010). Macfarlane est pour sa part un démocrate convaincu qui a appuyé Barack Obama lors de la présidentielle de 2008 et qui ridiculise souvent le Parti républicain dans ses dessins animés. À titre indicatif, dans un épisode de
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          diffusé quelques semaines avant l’élection de 2008, il n’hésitait pas à discréditer le ticket John McCain / Sarah Palin en suggérant que les nazis des années 1930 et 1940 auraient voté pour eux (Barnes, 2008).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa9">
        <no>9</no>
        <alinea>
          Ainsi, même si le principal objectif de cet article n’est pas de procéder à une analyse de production des dessins animés étudiés, c’est-à-dire une étude qui consisterait par exemple à évaluer si les valeurs véhiculées dans les dessins animés sont le reflet des valeurs de leurs créateurs
          <renvoi id="re1no5" idref="no5" typeref="note">5</renvoi>
          , il apparaît pertinent de choisir les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          comme cas d’études, car il s’agit bien là de produits de la culture populaire qui ont pour but de divertir, mais aussi d’inciter les consommateurs à réfléchir sur les grands enjeux sociaux et politiques
          <renvoi id="re1no6" idref="no6" typeref="note">6</renvoi>
          .
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa10">
        <no>10</no>
        <alinea>
          Le but de cet article est donc d’illustrer de quelles manières ces dessins animés peuvent contribuer à la « compétition d’idées » à propos de l’immigration non documentée et du mur à la frontière américano-mexicaine. Notre conception de la « compétition d’idées » rejoint celle du « marché des idées » de Donald Abelson (2006 : 111), qui explique que les acteurs politiques américains – les
          <marquage typemarq="italique">think tanks</marquage>
          dans son étude – sont en éternelle concurrence pour « capturer l’imaginaire politique » et influencer l’opinion des Américains
          <renvoi id="re1no7" idref="no7" typeref="note">7</renvoi>
          . Notre but dans ce texte n’est évidemment pas d’affirmer que les dessins animés ont une influence aussi directe sur les politiques américaines que les membres du Congrès ou le président des États-Unis. En effet, Lisa Simpson ne peut introduire une loi à la Chambre des représentants ou encore déployer 40 000 nouvelles troupes en Afghanistan. Mais, nous inspirant d’auteurs poststructuralistes comme David Campbell (1998 : 9), nous postulons que le sens donné aux enjeux politiques est en partie construit à travers les discours véhiculés par divers acteurs sociaux et politiques ou à l’intérieur de produits culturels comme ceux qui nous intéressent ici
          <renvoi id="re1no8" idref="no8" typeref="note">8</renvoi>
          . En lien avec cette idée, nous portons donc une attention aux discours véhiculés dans
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          en cherchant à relier ceux-ci aux principaux courants de pensée sur l’immigration au sein de la société américaine, mais aussi en tentant de voir s’ils prescrivent aux Américains un certain code de conduite. Dès lors, après avoir brossé un portrait du débat sur l’immigration latino-américaine et la construction du mur à la frontière américano-mexicaine dans la partie qui suit, la troisième partie illustrera que
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          offrent un espace discursif à la plupart des principaux courants de pensée que l’on retrouve aux États-Unis sur ces enjeux. Cela dit, nous démontrerons par la suite que les dessins animés invitent les Américains à croire que certains de ces courants de pensée sont moralement plus acceptables que d’autres.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n3">
      <no>3</no>
      <titre>
        Deuxième partie : Le débat aux États-Unis sur l’immigration et la construction du mur à la frontière américano-mexicaine
      </titre>
      <para id="pa11">
        <no>11</no>
        <alinea>
          L’histoire américaine abonde de débats sur les nouvelles vagues d’immigration et leurs potentielles conséquences économiques, sociales, culturelles et sécuritaires. De Benjamin Franklin, inquiet de l’immigration allemande, en passant par Calvin Coolidge, qui signe la loi d’immigration Johnson-Reed imposant des quotas sévères sur la nationalité des nouveaux arrivants, l’enjeu de l’immigration a souvent marqué l’actualité politique américaine. D’un côté, des Américains célèbrent haut et fort le fait de faire partie d’une « nation d’immigrants
          <renvoi id="re1no9" idref="no9" typeref="note">9</renvoi>
          » alors que, de l’autre, certains craignent de devenir les « réceptacles » du monde (
          <marquage typemarq="italique">sugar daddies</marquage>
          ) en matière d’immigration
          <renvoi id="re1no10" idref="no10" typeref="note">10</renvoi>
          . En raison de cette ambivalence constante, il a souvent été difficile pour les décideurs politiques de forger des consensus sur les questions d’immigration.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa12">
        <no>12</no>
        <alinea>
          George W. Bush a pu le constater durant sa présidence, qui a été marquée par l’une des plus virulentes confrontations sur les politiques d’immigration depuis l’adoption de l’
          <marquage typemarq="italique">Immigration Reform and Control Act</marquage>
          en 1986 (Vagnoux, 2007 : 44). Aux yeux de plusieurs élus à Washington (DC), il était urgent d’adopter une réforme de l’immigration, car le nombre d’immigrants clandestins aux États-Unis était passé de cinq à douze millions en dix ans (Sans auteur, 2006 : 84). Provenant en grande majorité du Mexique et des autres pays d’Amérique latine, les immigrants clandestins sont, tout spécialement depuis les attentats du 11 septembre 2001, au coeur d’un débat qui entremêle les questions de migration, de terrorisme et de crime organisé. Aux yeux de plusieurs, la frontière américano-mexicaine devient l’espace géopolitique à sécuriser et il est nécessaire de construire une barrière de séparation entre les États-Unis et le Mexique pour contrer cette « invasion ».
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa13">
        <no>13</no>
        <alinea>
          Même si George W. Bush était partisan d’une réforme complète de l’immigration et a émis des réserves quant à la construction du mur, il s’est rapidement heurté à un Congrès divisé sur la question
          <renvoi id="re1no11" idref="no11" typeref="note">11</renvoi>
          . En effet, à partir de 2003 et particulièrement durant son deuxième mandat à la présidence, les membres du Congrès ont proposé l’adoption de plusieurs projets de loi différents, mais sans succès
          <renvoi id="re1no12" idref="no12" typeref="note">12</renvoi>
          . En plus des querelles entre les partis démocrate et républicain sur cet enjeu, il existait des désaccords sur les modalités de la réforme entre la Chambre des représentants et le Sénat. Le Sénat souhaitait une réforme complète de l’immigration incluant notamment le renforcement de la sécurité aux frontières et l’accès à la citoyenneté américaine pour de nombreux immigrants non documentés. À l’opposé, la Chambre des représentants proposait des politiques de contrôle plus strictes (
          <marquage typemarq="italique">Enforcement first</marquage>
          ) telle la construction d’une barrière de séparation à la frontière des États-Unis et du Mexique. À l’image du Congrès, la population américaine était également préoccupée, mais déchirée quant à la marche à suivre : d’un côté, les sondages indiquaient que l’immigration non documentée figurait au deuxième rang des priorités après la guerre en Irak (Saad, 2007) ; de l’autre, les Américains étaient indécis quant à l’adoption de nouvelles lois. En effet, 46 % des personnes sondées souhaitaient faire respecter plus sévèrement les présentes lois sur l’immigration alors que 50 % désiraient en adopter de nouvelles (Caroll, 2007).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa14">
        <no>14</no>
        <alinea>
          Avec un Congrès et un public divisés, les mouvements sociaux et les groupes d’intérêts s’activèrent pour influencer les discussions. Les craintes liées au phénomène de l’immigration non documentée et les tentatives infructueuses de George W. Bush de garantir l’adoption d’une réforme incitèrent plusieurs organisations à mener des campagnes pour des politiques d’immigration progressistes (ex. :
          <marquage typemarq="italique">We Are America Alliance</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">National Immigration Project</marquage>
          ) ou conservatrices (
          <marquage typemarq="italique">
            Federation for American Immigration Reform
          </marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Number USA</marquage>
          ). Le fossé entre les différentes visions était tel qu’une réconciliation entre les partis démocrate et républicain était difficilement envisageable. Néanmoins, les pourparlers ont finalement mené à une entente à quelques jours des élections législatives de novembre 2006. Il s’agissait de la signature du
          <marquage typemarq="italique">Secure Fence Act of 2006</marquage>
          (H.R.6061), une loi autorisant la construction de 1100 kilomètres de barrières doubles additionnelles et une augmentation des patrouilles frontalières et des installations sécuritaires technologiques à la frontière des États-Unis et du Mexique.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n4">
      <no>4</no>
      <titre>
        Les courants de pensée sur les politiques d’immigration
      </titre>
      <para id="pa15">
        <no>15</no>
        <alinea>
          Cet affrontement politique révélait une fois de plus la pluralité des acteurs intéressés par l’enjeu de l’immigration. Le politologue Daniel Tichenor a longuement décrit cette pluralité ainsi que la diversité des points de vue des Américains sur l’immigration dans son ouvrage
          <marquage typemarq="italique">
            Dividing Lines : The Politics of Immigration Control in America
          </marquage>
          (2002). Pour illustrer cette pluralité, Tichenor a tenté de catégoriser les principaux courants de pensée sur les politiques d’immigration. Il conclut que, depuis la fin du dix-neuvième siècle, chaque tentative de réforme a opposé au moins quatre grandes coalitions politiques : cosmopolite, expansionniste de libre marché, nationaliste égalitariste et restrictive classique. Ces idéaux types sont basés sur les valeurs et les intérêts politiques liés à deux dimensions : l’admission des étrangers et les droits des étrangers (voir le tableau 2). Comme toute catégorisation, celle-ci n’est pas parfaite et passe sous silence d’autres positions, notamment la position anarchiste qui consisterait à affirmer que les frontières devraient tout simplement être abolies. Cela dit, le modèle de Tichenor permet de mettre en lumière les positions les plus répandues aux États-Unis. Qui plus est, la clarté et la précision du modèle sont utiles pour guider le recueil de données qualitatives à propos des discours véhiculés dans les dessins animés choisis.
        </alinea>
      </para>
      <tableau id="ta2">
        <no>Tableau 2</no>
        <legende lang="fr">
          <titre>
            Les principaux courants de pensée sur les politiques d’immigration aux États-Unis
          </titre>
          <alinea>
            À noter que nous avons ajouté les noms de certains acteurs dans les cases pour donner plus d’exemples des tenants de ces courants de pensée. Par ailleurs, nous avons pris la liberté d’utiliser l’expression « position restrictive classique » pour nommer la catégorie
            <marquage typemarq="italique">classic exclusionists</marquage>
            identifiée par Tichenor, puisque le mot
            <marquage typemarq="italique">exclusionist</marquage>
            ne se traduit pas littéralement en français.
          </alinea>
        </legende>
        <objetmedia flot="bloc">
          <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im2" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
          <texte>
            L’admission des étrangersLes droits des étrangersExpansion ou statu quoRestrictionExpansion oustatu quoPosition cosmopoliteEdward Kennedy (D-MA)Christopher Dodd (D-CT)National Immigration ForumPosition nationaliste égalitaristeRichard Lamm (D-CO)Barbara Jordan (D-TX)RestrictionPosition expansionniste de libre marchéRonald ReaganGeorge W. BushCato InstituteWall Street JournalAssociation of ManufacturersPosition restrictive classiqueTom Tancredo (R-CO)Jim Gilchrist (Minuteman Project)Lou DobbsPat BuchananSamuel HuntingtonFederation for Immigration Reform
          </texte>
        </objetmedia>
        <source>Tiré de Daniel Tichenor (2002)</source>
      </tableau>
      <section2 id="s2n1">
        <no>4. 1</no>
        <titre>Position cosmopolite</titre>
        <para id="pa16">
          <no>16</no>
          <alinea>
            Comme l’explique Tichenor, les tenants de la position cosmopolite militent pour l’augmentation du nombre d’immigrants et souhaitent donner à ces derniers les mêmes droits qu’aux citoyens américains. Ce groupe célèbre la tradition pluraliste des États-Unis et partage l’idée selon laquelle les immigrants contribuent positivement au sort de la société américaine. De manière générale, ils appuient la régularisation du statut des immigrants non documentés, s’opposent aux programmes de travailleurs étrangers temporaires et s’indignent contre la construction d’un mur à la frontière américano-mexicaine. Le défunt législateur Edward Kennedy (D-Massachussetts) représente bien l’essence de la position cosmopolite. Responsable de plusieurs projets de loi favorisant une réforme complète de l’immigration, il fut notamment un des leaders de l’
            <marquage typemarq="italique">Immigration and Nationality Act</marquage>
            , une loi adoptée en 1965 pour abolir le système de quotas basés sur la nationalité.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n2">
        <no>4. 2</no>
        <titre>Position nationaliste égalitariste</titre>
        <para id="pa17">
          <no>17</no>
          <alinea>
            Tout en respectant les droits des immigrants déjà admis, les tenants de la position nationaliste égalitariste désirent restreindre l’arrivée de nouveaux étrangers aux États-Unis. Selon eux, des frontières perméables portent atteinte aux droits des citoyens et minent la justice sociale, économique et politique. Les partisans de cette position s’opposent donc viscéralement à toute forme d’immigration non documentée puisqu’elle contrevient à la primauté du droit. Ils appuient également des politiques strictes de sécurité frontalière telle la construction de la barrière de séparation. L’ancienne représentante du Texas, Barbara Jordan (D-Texas), incarne cette position, car elle prônait la réduction de l’immigration pour améliorer les opportunités économiques de la classe américaine la plus pauvre, et ce, tout en défendant la diversité culturelle et les droits des immigrants déjà admis.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n3">
        <no>4. 3</no>
        <titre>Position expansionniste de libre marché</titre>
        <para id="pa18">
          <no>18</no>
          <alinea>
            Les tenants de la position expansionniste de libre marché sont en faveur de l’augmentation du nombre d’immigrants, mais contre l’augmentation de leurs droits. Cette position consiste à affirmer que l’immigration est la clé de la prospérité économique et que les politiques s’y rattachant devraient être conçues en fonction du principe de l’offre et de la demande. La plupart des expansionnistes de libre marché
            <marquage typemarq="italique">–</marquage>
            dont la ligne éditoriale du
            <marquage typemarq="italique">Wall Street Journal –</marquage>
            encouragent les programmes à l’intention des travailleurs étrangers temporaires et le droit des compagnies américaines d’avoir un accès illimité aux travailleurs étrangers. Les origines de cette position remontent aux écrits d’Alexander Hamilton en 1791 qui, dans un document intitulé
            <marquage typemarq="italique">Report on Manufactures</marquage>
            , décrivait les bienfaits de l’immigration massive pour la prospérité économique des États-Unis.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n4">
        <no>4. 4</no>
        <titre>Position restrictive classique</titre>
        <para id="pa19">
          <no>19</no>
          <alinea>
            Probablement la plus conservatrice des positions décrites par Tichenor, la position restrictive classique consiste à condamner toute politique prévoyant une augmentation du nombre d’immigrants et à refuser de donner davantage de droits aux nouveaux étrangers. Voyant l’immigration comme une menace pour la société américaine, les membres de ce groupe soutiennent cette position pour des raisons culturelles, raciales, religieuses, éthiques ou encore environnementales. Ils militent pour des politiques d’immigration strictes, dont le développement d’infrastructures de sécurité et le déploiement de patrouilles frontalières additionnelles à la frontière. Le
            <marquage typemarq="italique">Minuteman Project</marquage>
            est une véritable icône du mouvement restrictif classique. Cette patrouille civile frontalière suggère l’envoi des militaires à la frontière américano-mexicaine et l’érection d’une barrière entre les États-Unis et le Mexique. Ils recommandent également l’ajout de 35 000 nouveaux agents frontaliers et la sécurisation des ports et de la frontière avec le Canada (Gilchrist et Corsi, 2006).
          </alinea>
        </para>
      </section2>
    </section1>
    <section1 id="s1n5">
      <no>5</no>
      <titre>
        Troisième partie : Les dessins animés comme miroir de la société américaine
      </titre>
      <para id="pa20">
        <no>20</no>
        <alinea>
          En analysant le contenu des dessins animés à l’étude à la lumière du cadre d’analyse développé par Tichenor, nous pouvons conclure qu’ils sont le reflet de la diversité des courants de pensée sur les politiques d’immigration. En effet, les positions cosmopolite, nationaliste égalitariste, expansionniste de libre marché et restrictive classique y sont toutes représentées par divers personnages (voir le tableau 3). Ainsi, au-delà des qualificatifs que l’on utilise parfois pour décrire l’idéologie de ces dessins animés, ceux-ci exposent la complexité des débats sociaux actuels aux États-Unis et offrent un espace discursif aux principaux points de vue des Américains. Les prochains paragraphes reprennent les quatre positions décrites précédemment pour illustrer la diversité et la présence des courants de pensée dans les dessins animés de notre étude. Notons au passage que les points de vue des personnages, au même titre que ceux des différents acteurs du débat sur les politiques d’immigration, se situent parfois à mi-chemin entre deux ou plusieurs catégories et peuvent évoluer dans le temps (ou, ici, en cours d’épisode). Dans cette section, nous faisons état des positions initiales des principaux personnages, c’est-à-dire celles qu’ils défendent au début des épisodes.
        </alinea>
      </para>
      <tableau id="ta3">
        <no>Tableau 3</no>
        <legende lang="fr">
          <titre>
            La représentation et la personnification des courants de pensée sur l’immigration dans les dessins animés (positions des personnages au début des épisodes)
          </titre>
        </legende>
        <objetmedia flot="bloc">
          <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im3" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
          <texte>
            L’admission des étrangersLes droits des étrangersExpansion ou statu quoRestrictionExpansion oustatu quoPosition cosmopolitePosition nationaliste égalitaristeRestrictionPosition expansionniste de libre marchéPosition restrictive classique
          </texte>
        </objetmedia>
      </tableau>
      <section2 id="s2n5">
        <no>5. 1</no>
        <titre>Position cosmopolite</titre>
        <para id="pa21">
          <no>21</no>
          <alinea>
            La position cosmopolite est incarnée par Lisa et Marge Simpson (
            <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
            ), Brian Griffin (
            <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
            ), Randy Marsh (
            <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
            ), ainsi que Hayley Smith (
            <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
            ). Fiers de la diversité culturelle des États-Unis, ces personnages croient que l’immigration contribue positivement à la société. Par exemple, dans l’épisode « Coming to Homerica », Lisa Simpson, reconnue pour ses positions progressistes sur divers enjeux sociaux (elle est pour la défense des animaux, de l’environnement, du droit des femmes et est partisane du mouvement d’indépendance tibétain), rappelle que l’immigration est l’une des pierres angulaires de la société américaine et que tout Américain a un jour été « immigrant ». Par ailleurs, le premier réflexe de Marge est de remettre en question son mari, Homer, lorsqu’il lui apprend que Springfield construira un mur de séparation à sa frontière avec Ogdenville. Elle lui demande : « Homie, I don’t think we should build a fence. Haven’t we always taught the children to make friends with those who are a little different ? » Dans
            <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
            , Randy Marsh est généralement reconnu comme un personnage progressiste en raison de sa position sur plusieurs enjeux politiques, dont la guerre en Irak et l’élection du président Obama. Sur la question de l’immigration, ses propos peuvent paraître contradictoires, puisqu’il est cosmopolite dans un épisode et nationaliste égalitariste dans l’autre (ce qui explique qu’il se positionne entre les deux catégories dans le tableau 3). Dans l’épisode « Goobacks », il personnifie le courant de pensée cosmopolite alors qu’il accuse son fils Stan d’être intolérant à l’égard des immigrants. Quant au chien Brian dans
            <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
            , il explique à son maître Peter Griffin que les immigrants sont un aspect vital de la société américaine. Fréquentant un Mexicain non documenté, Hayley est également très ouverte sur la question dans
            <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
            et juge que ces individus ont le droit d’être aux États-Unis.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n6">
        <no>5. 2</no>
        <titre>Position nationaliste égalitariste</titre>
        <para id="pa22">
          <no>22</no>
          <alinea>
            La position nationaliste égalitariste est représentée par l’ensemble des parents de South Park dans « Child Abduction Is Not Funny ». Cet épisode se moque de ce que Stanley Cohen appelle les « paniques morales », c’est-à-dire des périodes de frayeur et d’angoisse qui surviennent quand un événement ou encore des personnes menacent les valeurs et les intérêts d’une société (2002). Alors que les médias exagèrent la menace que représentent les ravisseurs d’enfants pour la ville de South Park, les parents s’inquiètent de la sécurité de leur progéniture. Afin de contrer « l’invasion » des kidnappeurs, Sheila, la mère de confession juive, propose de construire une barrière de sécurité autour de la ville.
            <marquage typemarq="italique">A priori</marquage>
            , cet épisode n’est pas directement en lien avec la problématique de l’immigration latino-américaine aux États-Unis. Néanmoins, il a pour sous-thème la construction d’un mur de sécurité comme moyen de se protéger des « autres ». Qui plus est, les parents de South Park y défendent la position nationaliste égalitariste dans la mesure où ils ne souhaitent chasser personne de la ville, mais désirent tout de même empêcher l’arrivée de tout nouvel étranger en construisant une barrière de sécurité autour de South Park.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n7">
        <no>5. 3</no>
        <titre>Position expansionniste de libre marché</titre>
        <para id="pa23">
          <no>23</no>
          <alinea>
            La position expansionniste de libre marché est partagée par Homer Simpson (
            <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
            ), Stan et Francine Smith (
            <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
            ) et Eric Cartman, Stan Marsh et Kyle Broflovski (surtout dans l’épisode « D-Yikes » de
            <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
            ). Motivés par l’appât du gain économique, ces personnages apprécient les immigrants non documentés parce qu’ils peuvent les aider à prospérer ou à réaliser des tâches ingrates, et ce, à moindre coût. Dans l’épisode « Coming to Homerica », Homer embauche des immigrants non documentés pour réparer le toit de sa demeure familiale, leur offre gentiment une limonade et les remercie d’exister. Francine Smith suit une logique similaire dans
            <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
            et embauche des ménagères pour pouvoir se reposer, alors que Cartman et ses amis de South Park trouvent utile d’employer des Mexicains pour faire les devoirs scolaires à leur place dans « D-Yikes ». Pour sa part, après avoir qualifié les immigrants illégaux de « parasites », Stan Smith d’
            <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
            prend conscience de leur utilité et en embauche plusieurs à bas salaire pour travailler à la confection d’ours en peluche qui connaissent un retentissant succès sur le marché et qui lui permettent de faire fortune. En somme, ces personnages constatent les bienfaits économiques de l’immigration, mais ne jugent pas nécessaire d’offrir aux immigrants les mêmes bénéfices ou les mêmes droits qu’aux citoyens américains. Dans « Coming to America », Homer dénonce par exemple le fait que les immigrants engorgent le système de santé de Springfield.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n8">
        <no>5. 4</no>
        <titre>Position restrictive classique</titre>
        <para id="pa24">
          <no>24</no>
          <alinea>
            La position restrictive classique est incarnée par Stan Smith (
            <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
            ), Peter Griffin (
            <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
            ), Eric Cartman, Stan Marsh et Kyle Broflovski (dans les épisodes de
            <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
            « Pee », « Goobacks », « Pandemic 1 » et « Pandemic 2 : The Startling ») et Homer Simpson (
            <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
            ). Ces personnages représentent les Américains moyens adhérant à des valeurs conservatrices. Souvent patriotes et mus par une passion sans borne pour les États-Unis, ils véhiculent l’idée selon laquelle les immigrants non documentés imposent un fardeau économique et culturel à la société américaine. Par exemple, Stan Marsh devient un restrictif classique parce qu’il voit sa petite entreprise de déneigement affectée par l’arrivée massive d’immigrants du futur dans la ville de South Park. Dans l’épisode « Goobacks », des hommes venus de l’an 3045 débarquent effectivement dans la ville pour trouver un emploi. Leur époque étant surpeuplée, ils reviennent dans le passé pour travailler à des salaires dérisoires et épargner assez d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille dans le futur. Convaincu comme plusieurs que les immigrants du futur « volent les emplois », Stan est considéré comme un
            <marquage typemarq="italique">time-cist</marquage>
            , c’est-à-dire qu’il fait preuve de racisme envers les immigrants du futur. Stan ira même jusqu’à qualifier les nouveaux arrivants de
            <marquage typemarq="italique">Goobacks</marquage>
            en raison de la matière gluante qui se loge sur leur peau lorsqu’ils traversent le temps. L’expression
            <marquage typemarq="italique">Goobacks</marquage>
            rappelle celle de
            <marquage typemarq="italique">Wetbacks</marquage>
            , un terme péjoratif parfois employé dans le jargon américain pour décrire les immigrants mexicains à leur arrivée aux États-Unis après la traversée du Rio Grande. Dans les épisodes « Pandemic 1 » et « Pee », Stan et ses amis Eric et Kyle dénoncent cette fois la trop grande présence d’immigrants latino-américains aux États-Unis sous prétexte qu’ils engorgent leurs parcs d’attractions préférés ou encore parce qu’ils jouent de la musique agressante partout dans South Park pour recueillir de l’argent.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa25">
          <no>25</no>
          <alinea>
            Homer Simpson incarne également cette position dans l’épisode « Much Apu About Nothing ». Afin de diminuer les taxes municipales, le maire Quimby suggère l’adoption de la proposition 24, un projet de loi pour déporter tous les immigrants illégaux de la ville de Springfield. Partisan de cette loi, Homer défendra cette position jusqu’au jour où son ami Apu Nahasapeemapetilon lui avouera qu’il est un immigrant non documenté. Diffusé en mai 1996, cet épisode fait référence à la proposition 187 en Californie, qui visait à empêcher les immigrants illégaux d’avoir accès à divers services publics, dont les soins de santé et l’éducation. Finalement, Peter Griffin (
            <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
            ) et Stan Smith (
            <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
            ) sont si patriotes qu’ils voient tout ce qui est étranger comme une menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Stan refuse que sa fille fréquente un immigrant mexicain non documenté qu’il traite ouvertement de parasite. Quant à Griffin, il confisque la vidéocassette préférée de Stewie,
            <marquage typemarq="italique">Speedy Gonzales</marquage>
            , et patrouille à la frontière pour prévenir l’arrivée d’immigrants illégaux.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa26">
          <no>26</no>
          <alinea>
            Que nous soyons transportés dans l’univers de South Park, Springfield, Quahog ou Langley Falls, ces villes peuvent toutes être vues comme des microcosmes de la société américaine. Bien sûr, la nature clownesque et le style d’animation rudimentaire de ces dessins animés permettent de brosser avec simplicité, voire avec simplisme, les querelles sur les politiques d’immigration aux États-Unis. Cela dit, les quatre principaux courants de pensée identifiés par Tichenor y sont bien représentés.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
    </section1>
    <section1 id="s1n6">
      <no>6</no>
      <titre>
        Quatrième partie : Les dessins animés comme critiques du programme conservateur
      </titre>
      <para id="pa27">
        <no>27</no>
        <alinea>
          Les dessins animés étudiés ne sont pourtant pas le véhicule de discours totalement neutres. En effet, au fur et à mesure que les épisodes progressent, la majorité des personnages changent d’opinion et finissent par se rallier à la position cosmopolite. En l’espace de vingt minutes, un même personnage peut donc facilement défendre une ou deux positions avant d’être convaincu de la pertinence de la pensée cosmopolite. Qui plus est, la morale de la plupart des histoires racontées dans les épisodes étudiés est que la société américaine se porte mieux lorsque la position cosmopolite guide le comportement des Américains et des gouvernements. Ces observations s’appliquent à trois des quatre dessins animés à l’étude. Comme le démontre le tableau 4, tous les personnages principaux finissent par se rallier à la position cosmopolite en cours de route, sauf Stan et Randy Marsh ainsi que Kyle Broflovski, qui, dans l’épisode « Goobacks », conserveront avec plusieurs autres résidents de South Park la position restrictive classique. Eric Cartman fait également exception à la règle, lui qui ne démord jamais de la position restrictive classique dans « Goobacks », mais aussi dans « Pee ». Ce premier constat nous porte donc à croire qu’
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          tendent à valoriser les idées progressistes sur les questions de sécurité frontalière et d’immigration. Par exemple, dans l’épisode « Coming to Homerica », les habitants de Springfield viennent à peine de terminer la construction du mur entre leur ville et celle d’Ogdenville lorsqu’ils constatent que les immigrants leur manquent. L’histoire se termine sur une scène glorifiant la position cosmopolite, les habitants de Springfield et d’Ogdenville se réunissant sur le territoire de Springfield pour chanter et danser ensemble sur une musique populaire d’Ogdenville. Ce biais des
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          , d’
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et de
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          pour la position cosmopolite devient encore plus évident lorsque l’on fait les deux autres constats suivants. D’une part, les discours contenus dans ces trois dessins animés tendent à valoriser cette position en la faisant véhiculer par des personnages à l’intelligence supérieure. D’autre part, ces mêmes dessins animés contiennent un discours satirique qui consiste à discréditer les trois autres positions décrites par Tichenor, tout particulièrement la position restrictive classique. Comme on le verra plus bas, certains épisodes de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , dont « Goobacks », représentent des contre-exemples qui illustrent le parti pris moins catégorique de ce dessin animé par rapport aux trois autres.
        </alinea>
      </para>
      <tableau id="ta4">
        <no>Tableau 4</no>
        <legende lang="fr">
          <titre>
            La représentation et la personnification des courants de pensée sur l’immigration dans les dessins animés (positions des personnages à la fin des épisodes)
          </titre>
          <alinea>
            Note : Dans ce tableau, les personnages de Stan Marsh et de Kyle Broflovski apparaissent deux fois par souci de clarté. Ils devraient se retrouver entre la case « Position cosmopolite » (leur position à la fin des épisodes « D-Yikes » et « Pandemic 2 : The Startling ») et la case « Position restrictive classique » (leur position à la fin de l’épisode « Goobacks »). Or, nous avons préféré les insérer dans les deux cases pour simplifier la lecture du tableau.
          </alinea>
        </legende>
        <objetmedia flot="bloc">
          <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im4" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
          <texte>
            L’admission des étrangersLes droits des étrangersExpansion ou statu quoRestrictionExpansion oustatu quoPosition cosmopolitePosition nationaliste égalitaristeRestrictionPosition expansionniste de libre marchéPosition restrictive classique
          </texte>
        </objetmedia>
      </tableau>
    </section1>
    <section1 id="s1n7">
      <no>7</no>
      <titre>
        La hiérarchisation morale des discours sur l’immigration et le mur
      </titre>
      <para id="pa28">
        <no>28</no>
        <alinea>
          Le visionnement des épisodes étudiés, d’une part, permet de constater que les discours véhiculés dans les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          visent à créer une hiérarchie morale entre le discours cosmopolite et les autres positions sur l’immigration et le mur. D’autre part, nous observons dans ces dessins animés diverses stratégies visant à marginaliser les positions nationaliste égalitariste, expansionniste de libre marché et restrictive classique et à les faire paraître comme absurdes et immorales. À l’opposé, les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          tentent de convaincre du caractère louable de la position cosmopolite. L’exemple le plus probant à cet égard est qu’il incombe aux personnages les plus « intelligents » de véhiculer la position cosmopolite. Par exemple, dans
          <marquage typemarq="italique">The</marquage>
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          , c’est à Lisa que revient cette mission. Reconnue pour son intelligence supérieure et infiniment plus grande que celle de pratiquement tous les autres personnages de l’émission, Lisa a un quotient intellectuel de 156 et une culture générale qui lui permettent de disserter sur pratiquement tous les sujets (astronomie, zoologie, politique, etc.) (Gross, 2003). Cette intelligence ne lui est pas toujours d’une grande utilité, car à maintes reprises les personnages des
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          se moquent d’elle, l’ignorent ou ne sont pas assez brillants pour entretenir des discussions très profondes avec elle (Skoble, 2001 : 26). Cela dit, dans les discours des
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          , l’intelligence de Lisa permet de mettre en évidence l’ignorance d’autres personnages comme Bart et Homer. Plus important encore, elle permet de créer une hiérarchie morale entre les comportements de Lisa et ceux des autres membres de sa famille et des autres résidents de Springfield. Même si Lisa est parfois dépeinte comme une jeune fille étrange puisque préoccupée par des causes qui intéressent plutôt les adultes (protéger l’environnement, promouvoir les droits des animaux, etc.), sa volonté de conscientiser ses semblables et de faire des sacrifices personnels pour rendre le monde meilleur lui confère l’aura d’un personnage vertueux, responsable et lucide. Par rapport à elle, Bart et Homer apparaissent souvent comme des individus sots et superficiels, qui ne réfléchissent jamais réellement aux conséquences de leurs actes. Il se dégage ainsi de la mise en relation de Lisa et de personnages comme Bart et Homer une opposition binaire qui prend l’une ou l’autre des formes suivantes : Lisa intelligente / Bart et Homer idiots ; Lisa soucieuse de l’environnement, du droit des animaux, etc. / Bart et Homer insouciants de conséquences de leurs gestes ; Lisa conscientisée / Bart et Homer superficiels. En raison de cette opposition binaire, Lisa apparaît donc comme un personnage dont la clairvoyance, la lucidité et le jugement sont infiniment supérieurs à ceux de Bart et de Homer. Bien sûr, cela ne veut pas dire que les téléspectateurs préfèreront automatiquement Lisa, puisque plusieurs peuvent la trouver plus ennuyeuse que Bart et Homer, qui disent régulièrement des absurdités susceptibles de faire (sou)rire
          <renvoi id="re1no13" idref="no13" typeref="note">13</renvoi>
          (Turner, 2004 : 191). Cela dit, le fait que Lisa promeuve le courant de pensée cosmopolite révèle l’existence, dans les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          , d’un discours qui s’appuie sur les oppositions binaires qui existent déjà entre les personnages pour accoler des étiquettes semblables aux discours sur l’immigration et le mur. En effet, lorsque Lisa défend la position cosmopolite et Homer la position expansionniste de libre marché, on peut être tenté de conclure que la position cosmopolite est défendue par des individus doués de raison et pensants, et la position expansionniste par des idiots insouciants.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa29">
        <no>29</no>
        <alinea>
          Nous décelons un discours analogue dans
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          . Ici encore, la position cosmopolite est défendue par des personnages plus intelligents que la moyenne, comme Hayley Smith (
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          ), qui est présentée comme une fille plus intelligente que son père Stan. Dans
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          , la position cosmopolite est défendue par Brian Griffin, le chien de la famille, alors que Peter Griffin, le père, véhicule la position restrictive classique. Un peu à l’image de Lisa, Brian est dépeint comme un personnage sophistiqué et d’une intelligence supérieure à la moyenne. Ses aptitudes généralement réservées aux humains (il parle, écrit des romans, etc.) témoignent de ses incroyables attributs cérébraux. Plus important encore, l’intelligence de Brian n’a d’égal que l’ignorance et l’imbécillité légendaires de Peter, qui, d’un épisode à l’autre, n’hésite pas à avaler des centaines de pièces de monnaie dans l’espoir de voir son nom apparaître dans le livre
          <marquage typemarq="italique">Guinness</marquage>
          <marquage typemarq="italique">des records</marquage>
          , à affirmer que l’on peut avorter un bébé même après la naissance ou encore à croire que le simple fait de porter une moustache permet de parler parfaitement italien. Encore une fois ici, les dessins animés contiennent un discours qui tend à ébranler la crédibilité de certaines positions sur l’immigration en les attribuant à des personnages niais comme Peter Griffin.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n8">
      <no>8</no>
      <titre>
        La satire pour discréditer le discours conservateur
      </titre>
      <para id="pa30">
        <no>30</no>
        <alinea>
          En plus de suggérer l’existence de hiérarchies morales entre les courants de pensée identifiés par Tichenor, les dessins animés étudiés contiennent un discours satirique dirigé contre les conservateurs sur les questions d’immigration et du mur entre les États-Unis et le Mexique. Comme le soulignent plusieurs auteurs qui se sont intéressés à l’humour, dont Sigmund Freud (1960) et Mikhail Bakhtine (1984), des formes d’humour comme la satire, l’ironie, le cynisme ou la parodie permettent de susciter la réflexion, l’analyse et la critique à l’égard des discours dominants ou de certaines normes.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa31">
        <no>31</no>
        <alinea>
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          sont des cas d’étude intéressants à cet égard, car on s’y moque régulièrement des positions de divers acteurs politiques, du caractère prétendument ridicule de leurs positions ou encore de l’absurdité de certains débats de société. Dans un ouvrage sur la satire politique dans des produits de la culture populaire comme
          <marquage typemarq="italique">The Daily Show</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">The Colbert Report</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Saturday Night Live</marquage>
          , Jonathan Gray, Jeffrey Jones et Ethan Thompson expliquent qu’elle est une forme d’humour et de communication qui permet de se confronter au pouvoir et de le remettre en question. Nous inspirant de leurs travaux, nous définissons la satire politique comme une forme d’agression verbale ou visuelle servant à exposer le caractère ridicule d’une réalité sociale ou d’un acteur politique, à porter un jugement sur ceux-ci et à promouvoir certaines normes sociales ou politiques (Gray
          <marquage typemarq="italique">et al.</marquage>
          , 2009 : 12).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa32">
        <no>32</no>
        <alinea>
          En étudiant les discours véhiculés dans les dessins animés étudiés, nous constatons que la satire y sert principalement à discréditer les courants de pensée autres que la position cosmopolite. Les positions restrictive classique et expansionniste de libre marché sont particulièrement ciblées dans ces discours, comme en témoignent par exemple les épisodes « Coming to Homerica » de
          <marquage typemarq="italique">The</marquage>
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          et « Padre de Familia » de
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          .
        </alinea>
      </para>
      <section2 id="s2n9">
        <no>8. 1</no>
        <titre>Xylophobie, multinationales et immigrants</titre>
        <para id="pa33">
          <no>33</no>
          <alinea>
            Dans « Coming to Homerica », les résidents de Springfield, devenus en grande majorité des partisans du mouvement restrictif classique, organisent une assemblée extraordinaire à l’hôtel de ville pour trouver une solution au problème de l’immigration massive en provenance de leur ville voisine, Ogdenville.
            <marquage typemarq="italique">A priori</marquage>
            , les habitants de Springfield étaient favorables à l’immigration, mais ils se sont vite rétractés lorsqu’ils ont constaté l’impact négatif de l’immigration sur leur société. À cette assemblée de citoyens, l’avocat aux cheveux bleus propose de fermer les frontières de la ville aux résidents d’Ogdenville. Homer se rallie à cette solution et affirme ouvertement partager sa « xylophobie ». Lisa reprend son père en lui apprenant qu’il confond les termes « xylophone » et « xénophobe ». En mêlant ces deux termes, Homer expose au grand jour son ignorance. Or, au final, le maire Quimby et les résidents de Springfield seront aussi ignares puisqu’ils banniront de leur ville les immigrants ET les xylophones ! Dans cette scène,
            <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
            se moque donc des tenants des idées restrictives classiques, qui sont dépeints comme des êtres dogmatiques qui prennent des décisions rapides et irrationnelles, des individus qui ne réfléchissent pas aux conséquences de leurs gestes. La scène suivante va encore plus loin : Clancy Wiggum, un chef de police dont l’incompétence et la stupidité sont les principaux traits de caractère, tente, sans succès, d’empêcher les immigrants de traverser la frontière en direction de Springfield. On peut ainsi voir un immigrant ramper lentement entre les jambes du policier sans que celui-ci s’en aperçoive, ce qui suggère que toute mesure de sécurité est finalement illusoire puisque possible à contourner. Ici encore, la position restrictive classique est la cible du discours satirique.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa34">
          <no>34</no>
          <alinea>
            Dans l’épisode « Padre de Familia » de
            <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
            , le discours satirique est cette fois mobilisé pour critiquer la position expansionniste de libre marché dans une scène mettant en vedette Peter Griffin et Fuad, un collègue de travail. Lorsque Fuad lui offre un café, Griffin confie à Angela, une autre collègue de travail, qu’il craint que Fuad soit un immigrant illégal. Haussant le ton, Peter s’insurge contre le fait que la compagnie pour laquelle il travaille embauche des illégaux. Il ajoute que sa compagnie devrait suivre l’exemple d’autres sociétés américaines, comme Nike, Microsoft, General Motors, Ford, Boeing, Coca-Cola ou Kellogg’s, qui ne profitent pas de la main-d’oeuvre non américaine. En entendant cette déclaration de Griffin, Fuad, à l’arrière-plan, éclate de rire, puisqu’il sait que ce que Peter dit est loin d’être vrai. Ici, le personnage de Fuad sert non seulement à mettre l’ignorance de Peter en relief, mais aussi à attaquer les multinationales qui emploient de la main-d’oeuvre étrangère à bon marché et qui n’a pas droit aux mêmes bénéfices que les travailleurs américains.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
    </section1>
    <section1 id="s1n9">
      <no>9</no>
      <titre>
        Cinquième partie : South Park, un dessin animé promouvant les valeurs conservatrices ?
      </titre>
      <para id="pa35">
        <no>35</no>
        <alinea>
          En comparaison aux
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          , à
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et à
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          , le parti pris de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          pour la position cosmopolite n’est pas aussi évident. Bien entendu, les épisodes « Pandemic 2 : The Startling » et « D-Yikes » ressemblent à certains épisodes des trois autres dessins animés étudiés, car les principaux personnages qu’on peut y voir (Stan Marsh et Kyle Broflovski notamment) se rallient à la position cosmopolite à mesure que l’histoire progresse. Cependant, l’épisode « Goobacks » illustre que
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , ridiculisant à la fois les positions restrictive classique et cosmopolite, n’inclut pas un biais idéologique aussi évident qu’
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          .
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n10">
      <no>10</no>
      <titre>
        Ridiculiser la position restrictive classique – éliminer le futur grâce à l’homosexualité
      </titre>
      <para id="pa36">
        <no>36</no>
        <alinea>
          « Goobacks » illustre que
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          caricature le mouvement restrictif classique. Alors que la députée locale juge « inhumaine » l’option de « tuer tous les immigrants du futur qui traversent la frontière du temps », les partisans des politiques d’immigration strictes organisent une assemblée générale afin de trouver une autre solution au problème de l’immigration. Ils s’entendent sur le fait qu’ils doivent à tout prix détruire le futur de l’humanité. Pour ce faire, ils décident de changer leur orientation sexuelle pour devenir une communauté exclusivement homosexuelle. En devenant gaie, la race humaine ne pourra se reproduire et, conséquemment, cessera d’exister. En signe de protestation et dans le but d’attirer l’attention des médias et des décideurs politiques, les hommes de South Park organisent des orgies directement à la frontière du temps. Dans cet épisode,
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          se moque de l’irrationalité des acteurs du mouvement restrictif classique, qui sont dépeints comme des citoyens racistes, dénués de jugement et prêts à tout pour leur cause.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n11">
      <no>11</no>
      <titre>
        Ridiculiser la position cosmopolite – vouloir le bien de l’humanité est gai !
      </titre>
      <para id="pa37">
        <no>37</no>
        <alinea>
          Les discours contenus dans « Goobacks » démontrent cependant que
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          se moque aussi de la position cosmopolite. Dégoûté par les orgies protestataires des restrictifs classiques, Stan Marsh devient cosmopolite en cours d’épisode et souligne que, d’un point de vue moral, les résidents de South Park ne devraient pas utiliser le terme péjoratif
          <marquage typemarq="italique">Goobacks</marquage>
          pour décrire les immigrants du futur. Il affirme que ces immigrants cherchent une meilleure qualité de vie et devraient être respectés dans cette quête. Il suggère aussi de bâtir un monde meilleur dès à présent, ce qui améliorera les conditions de vie des gens du futur et, partant, leur permettra de prospérer chez eux au lieu de les forcer à immigrer vers South Park. Les résidents se laissent donc convaincre et décident d’adopter des comportements prétendument vertueux tout en chantant : « We got to work hard for the future, we got to join hands for tomorrow, recycle that can and plant that tree ’cause the future begins with you and me. » Même si la stratégie de Stan fonctionne à merveille, Kyle, Eric et lui somment rapidement les habitants de South Park d’arrêter de travailler, au prétexte que planter des arbres et recycler tout en fredonnant des chansons sereines est encore plus « gai » que de participer aux orgies homosexuelles organisées par les restrictifs classiques. Il s’excuse donc et ordonne à tout le monde de regagner le lieu où se déroulent les orgies et, par la même occasion, de rejoindre le camp des restrictifs classiques.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa38">
        <no>38</no>
        <alinea>
          Cet épisode démontre clairement que
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          contient un double discours et se moque à la fois des positions cosmopolite et restrictive classique. Dans son livre
          <marquage typemarq="italique">
            South Park Conservatives : The Revolt Against Liberal Media Bias
          </marquage>
          , Brian C. Anderson (2005) estime que la tendance de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          à ridiculiser la gauche prouve que ce dessin animé fait la promotion d’idées conservatrices. Nos observations permettent cependant de nuancer cette thèse. En effet,
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          s’en prend peut-être aux idées de gauche, mais critique aussi la droite sur les questions d’immigration. Si, par souci de cohérence méthodologique, nous nous sommes limités à une analyse de discours des dessins animés étudiés, seule l’analyse de production de ces mêmes dessins animés permet de comprendre pourquoi
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          a plus tendance que les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          à critiquer autant les cosmopolites que la position restrictive classique. À cet égard, l’une des principales différences qui existent entre les créateurs de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          (Trey Parker et Matt Stone) et ceux des autres dessins animés étudiés ici (Matt Groening pour les
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          et Seth Macfarlane pour
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          ) est que Parker et Stone désirent ouvertement s’en prendre à n’importe quel acteur politique, peu importe son idéologie. Comme l’explique Stone dans un entretien accordé au magazine
          <marquage typemarq="italique">Times</marquage>
          , « you could […] easily write a book called
          <marquage typemarq="italique">South Park Liberals</marquage>
          , because we’ve attacked a lot of funny stuff that conservative people and institutions do in America. But we’re the only show that rips on Rob Reiner and antismoking laws and hippies, so we get that label [conservative] » (Poniewozik, 2006 : 8). Parker va dans le même sens que Stone quand il décrit ainsi l’inclination politique de
          <marquage typemarq="italique">South Park :</marquage>
          « We find just as many things to rip on the left as we do on the right. People on the far-left and the far-right are the same exact person to us. » (Jacobs, 2011) Pour Parker et Stone, le but est donc de dénoncer à la fois le « jusqu’au-boutisme » de la droite et de la gauche et non, comme Groening et Macfarlane, d’inciter les Américains à choisir leur camp
          <renvoi id="re1no14" idref="no14" typeref="note">14</renvoi>
          .
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n12">
      <no>12</no>
      <titre>Conclusion</titre>
      <para id="pa39">
        <no>39</no>
        <alinea>
          En somme, cette analyse visait à démontrer que
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons, South Park, American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          sont plus que de simples objets de divertissement et qu’ils contiennent des discours éminemment politiques sur l’immigration non documentée et la construction d’un mur à la frontière des États-Unis et du Mexique. Nous inspirant d’une catégorisation des courants de pensée sur les politiques d’immigration développée par Daniel Tichenor, nous avons démontré que les dessins animés étudiés offrent un espace discursif aux principaux courants de pensée sur les enjeux susmentionnés. Nous avons aussi fait la preuve que
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          comportent un biais pour la position cosmopolite, tandis que
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          contient un discours différent qui consiste à cibler autant la position cosmopolite que les positions plus conservatrices comme la position restrictive classique.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa40">
        <no>40</no>
        <alinea>
          Même s’ils tendent à véhiculer un discours plus progressiste que celui retrouvé dans
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , les trois autres dessins animés (
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          ) pourraient tout de même faire l’objet de critiques de la part de ceux et celles qui, aux États-Unis, valorisent le multiculturalisme et déplorent les inégalités qui existent entre les Blancs et les représentants des autres communautés ethniques. En effet, ces trois dessins animés font peut-être l’apologie de la position cosmopolite, mais les villes qui y sont dépeintes (Springfield, Quahog et Langley Falls) ne sont pas toujours représentatives de la diversité culturelle que l’on retrouve aujourd’hui dans plusieurs villes américaines. Bien entendu, tout comme les « vraies » villes américaines, celles des dessins animés sont caractérisées par la prépondérance des Américains blancs (jaunes dans le cas de
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ). Cela dit, les minorités ethniques y sont moins bien représentées que dans la réalité. Par exemple, dans le cas de
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          , les Latino-Américains et les Afro-Américains sont seulement représentés par une poignée de personnages secondaires, comme Julius Hibbert (un médecin afro-américain), Carl Carlson (un Afro-Américain qui travaille à la même usine que Homer) et Pedro (l’homme abeille d’origine latino-américaine que la famille Simpson regarde régulièrement à la télévision). Il est pourtant connu que les minorités latino-américaine et afro-américaine comptent respectivement pour 16 % et 12 % de la population américaine (US Census Bureau, 2010) et que plusieurs Américains issus de ces groupes occupent une place prépondérante dans la société américaine, notamment Barack Obama (élu à présidence des États-Unis en 2008) et Marco Rubio (élu au Sénat des États-Unis en 2010). Ainsi, même si les dessins animés étudiés incluent souvent une critique des positions conservatrices sur l’immigration non documentée et le mur entre les États-Unis et le Mexique, on peut se demander s’ils ne cautionnent et ne reproduisent pas, dans une certaine mesure, le discours consistant à minimiser l’importance des minorités ethniques aux États-Unis et leur contribution au dynamisme de la société américaine.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa41">
        <no>41</no>
        <alinea>
          Paradoxalement,
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          se démarque encore une fois à cet égard, car cette émission tend davantage à souligner les nombreux apports des minorités à la société américaine que
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          . Par exemple, le personnage afro-américain connu sous le nom de « Chef » joue un rôle primordial dans les neuf premières saisons, en servant de mentor à Kyle, Kenny, Stan et Cartman et en les conseillant sur pratiquement tous les sujets. Par ailleurs, plusieurs épisodes ainsi que le long métrage de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          (intitulé
          <marquage typemarq="italique">Bigger, Longer and Uncut</marquage>
          ) comportent de vives critiques à l’égard de la discrimination des Noirs dans l’histoire des États-Unis. À titre indicatif,
          <marquage typemarq="italique">Bigger, Longer and Uncut</marquage>
          critique la surreprésentation des Noirs dans l’armée américaine à l’aide d’une scène dans laquelle on apprend que le premier bataillon déployé par les États-Unis pour déclencher une guerre contre le Canada (!) sera uniquement composé d’hommes afro-américains !
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa42">
        <no>42</no>
        <alinea>
          Ainsi truffés de nombreux commentaires à propos des enjeux politiques de l’heure, des dessins animés comme
          <marquage typemarq="italique">The Simpsons</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">American Dad !</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Family Guy</marquage>
          occupent donc un double statut au sein de la société américaine. D’une part, ils sont le reflet des préoccupations des Américains et des principales positions politiques qu’ils défendent. D’autre part, ils tendent à prescrire aux Américains certaines lignes de conduite en les incitant à embrasser (ou à rejeter) certaines positions politiques. Dans une recherche ultérieure, il serait bienvenu de recourir à la méthode de l’analyse de réception pour évaluer la réelle influence de ces dessins animés sur l’opinion et les comportements politiques des Américains. Renforcent-ils les croyances des téléspectateurs ou les font-ils changer d’opinion sur des questions comme l’immigration et le mur ? Ou, plus important encore, les incitent-ils à s’intéresser davantage à ces enjeux, à se politiser ou à se mobiliser pour certaines causes ? Car si les épisodes étudiés ici ont bel et bien un contenu politique, cet article n’aura pas permis de savoir si les téléspectateurs décèlent effectivement les messages que nous avons mis en relief dans ces pages ou s’ils regardent avant tout les dessins animés pour se divertir. En d’autres termes, sont-ils davantage des Lisa Simpson, c’est-à-dire des individus fortement intéressés par la chose politique, ou des Bart Simpson, qui, contrairement à sa soeur, a peu d’appétit pour les grands débats de société et cherche avant tout à s’amuser ?
        </alinea>
      </para>
    </section1>
  </corps>
  <partiesann lang="fr">
    <grnotebio>
      <notebio id="nb1" idrefs="au1" lang="fr">
        <alinea>
          <marquage typemarq="gras">Frédérick Gagnon</marquage>
          est professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal. Directeur de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, il a été chercheur invité au Woodrow Wilson International Center for Scholars, à l’Université du Maryland et à l’Université Western Washington. Ses recherches portent sur la politique et la société aux États-Unis (élections, institutions politiques, conservatismes, culture populaire, etc.). Il est l’auteur, avec Claude Corbo, de l’ouvrage
          <marquage typemarq="italique">
            Les États-Unis d’Amérique. Les institutions politiques
          </marquage>
          (Québec, Septentrion, 2011) et a publié l’un des rares ouvrages en français sur le Congrès des États-Unis (Le Congrès des États-Unis, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2006). Ses récents travaux sont parus dans
          <marquage typemarq="italique">Politique américaine</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Études internationales</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">European Journal of American Studies</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Canadian Review of American Studies.</marquage>
        </alinea>
      </notebio>
      <notebio id="nb2" idrefs="au2" lang="fr">
        <alinea>
          <marquage typemarq="gras">Julie Dufort</marquage>
          est doctorante en science politique à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur les représentations du politique dans la culture populaire américaine et plus précisément sur la façon dont l’humour est utilisé pour véhiculer des idées politiques. Chercheure à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand et au sein du Groupe de recherche sur la caricature et la satire graphique à Montréal, ses publications récentes incluent un chapitre de livre sur le film Big Lebowski et l’ironie kierkegaardienne intitulé « In The Dude, I Abide : Being an Achiever at Lebowski Fest » (avec Roseline Lemire-Cadieux, dans
          <marquage typemarq="italique">The Big Lebowski and Philosophy</marquage>
          , Malden, Blackwell Publishing, 2012).
        </alinea>
      </notebio>
    </grnotebio>
    <grbiblio>
      <biblio>
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          Abelson, Donald, 2006,
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            A Capitol Idea : Think Thanks and US Foreign Policy
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          Anderson, Brian C., 2005,
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            South Park Conservatives : The Revolt against Liberal Media Bias
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          Barnes, Brooks, 2008, « Fox Family Feud Over ‘Family Guy’ », dans
          <marquage typemarq="italique">The Caucus</marquage>
          (blogue sur le site du
          <marquage typemarq="italique">New York Times</marquage>
          ), 20 octobre, consulté sur Internet (
          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls3" xlink:href="http://thecaucus.blogs.nytimes.com/2008/10/20/fox-family-feud-over-family-guy/" xlink:type="simple" xlink:show="replace" xlink:actuate="onRequest">
            http://thecaucus.blogs.nytimes.com/2008/10/20/fox-family-feud-over-family-guy/
          </liensimple>
          ) le 25 octobre 2010.
        </refbiblio>
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          Nous définissons la culture populaire comme une forme de culture produite en masse et appréciée par un grand nombre, à l’opposé d’une culture qualifiée d’élitiste ou d’avant-gardiste qui ne toucherait qu’une partie aisée et instruite de la population. Aux États-Unis comme dans plusieurs autres démocraties occidentales, les principaux objets/véhicules de la culture populaire sont les films, les séries télévisées, les dessins animés, les jeux vidéo, etc. (Storey, 2006). Cette définition rejoint celles de David Manning White (1978 : 18) et de Bennett M. Berger (1978 : 22), qui écrivent respectivement : « it is mass entertainment – entertainment produced for a mass audience – that is a major factor in distinguishing modern popular culture from other […] forms of […] culture » ; « Popular culture embraces far more than the TV shows, movies, magazines, books, newspapers, recordings, sports, and other theatrical events that engage our time and attention. It also includes the games we play, the pictures on our walls, the clothes on our backs, the furniture in our homes, and the food we consume, from McDonald’s hamburgers to organically grown rice ».
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          Outre l’épisode « It’s Chrismas in Canada » de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , ce premier critère de sélection explique pourquoi nous n’avons pas retenu les épisodes suivants aux fins de notre analyse : 1) de
          <marquage typemarq="italique">South Park :</marquage>
          « Casa Bonita » (Eric Cartman rêve d’aller dans un restaurant mexicain près de la ville de South Park, la
          <marquage typemarq="italique">Casa Bonita</marquage>
          , mais ne se prononce jamais réellement sur l’immigration mexicaine aux États-Unis) ; « W.T.F. » (Eric Cartman et ses amis créent une fédération de catch (lutte professionnelle) et Kenny personnifie un lutteur mexicain sans toutefois que l’épisode aborde la question qui nous intéresse ici) ; « Cartman’s Silly Hate Crime » (Kenny et Eric Cartman, en tentant d’échapper aux forces policières de la ville de South Park, se rendent à la frontière du Mexique sans toutefois que l’épisode traite du débat sur cette frontière) ; « Fishsticks » (on se moque pendant quelques secondes de Carlos Mencia, l’humoriste américaine d’origine mexicaine, sans toutefois aborder le débat qui nous intéresse ici) ; « Free Willzyx » (Stan et Graig se rendent à la Mexicano Aeronáutica y Spacial Administración (MASA) au Mexique, l’équivalent de la NASA aux États-Unis, pour envoyer une orque sur la lune. On dit ici que le coût de la vie est moins élevé au Mexique qu’aux États-Unis sans toutefois aborder le débat sur l’immigration) ; « Pinewood Derby » (on se moque du président mexicain Philippe Calderón, sans toutefois aborder les enjeux qui retiennent notre attention) ; « Tsst » (on se moque de l’Américain d’origine mexicaine Cesar Millan, un expert de l’éducation des chiens qui a sa propre émission de télévision dans la réalité, sans jamais traiter des questions de l’immigration ou du mur) ; « Probably » (une courte scène de cet épisode se déroule au Mexique. Qui plus est, dans une réplique, Eric Cartman dévoile son dégoût pour l’espagnol en répandant la rumeur selon laquelle il s’agit de la langue que l’on parle en enfer. Or, l’épisode ne va pas plus loin sur cette question) ; 2) de
          <marquage typemarq="italique">Family Guy :</marquage>
          « No Meals on Wheels » (cet épisode contient une courte scène dans laquelle on constate que la version mexicaine de
          <marquage typemarq="italique">Superman</marquage>
          a loué un appartement aux États-Unis et invité des dizaines de superhéros mexicains – dont la version mexicaine de Batman – à loger chez lui) ; « Lois Kill Stewie » (on se moque du comédien et humoriste Rob Schneider en disant qu’il kidnappe et assassine des travailleurs mexicains) ; « Back to the Woods » (dans une courte scène, on peut voir un personnage nommé G.I. Jose, la version mexicaine du célèbre G.I. Joe, un soldat américain de fiction que l’on retrouve dans plusieurs bandes dessinées et dessins animés ou sous forme de figurines aux États-Unis) ; 3) d’
          <marquage typemarq="italique">American Dad ! :</marquage>
          « I Can’t Stand You » (dans une courte scène de quelques secondes, on peut entendre Stan Smith dire qu’il a exigé la déportation d’immigrants illégaux) ; « Deacon Stan, Jesus Man » (Stan se rend au Mexique avec sa famille pour que son fils, qui porte un enfant, puisse se faire avorter) ; « Roy Rogers McFreely » (Rogers embauche des travailleurs mexicains pour détruire les bosquets de roses de Greg et Terry, mais la question de l’immigration n’est pas centrale dans cet épisode) ; 4) dans
          <marquage typemarq="italique">The</marquage>
          <marquage typemarq="italique">Simpsons :</marquage>
          « Kamp Krusty » (Krusty explique aux enfants déçus de son parc d’amusement que Tijuana au Mexique est l’endroit le plus merveilleux du monde) ; « The Bob Next Door » (Homer et sa famille se retrouvent au Mexique par erreur dans une courte scène qui ne traite pas de l’enjeu qui retient notre attention) ; « The Strong Arms of the Ma » (une amie de Marge explique qu’on la surnommait « Miss Mexican Mafia » lorsqu’elle était en prison) ; « Maximum Homerdrive » (à la fin de l’épisode, dans une courte scène, un superhéro d’origine mexicaine répare la sonnette de porte de la famille Simpson, mais a lui-même des problèmes avec son camion qui ne démarre pas).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no3">
        <no>3</no>
        <alinea>
          Précisons que nous avons déjà recouru à cette méthode pour étudier la culture populaire américaine (Gagnon, 2010).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no4">
        <no>4</no>
        <alinea>
          Comme l’explique T.V. Reed, l’analyse de réception de la culture populaire consiste à étudier comment un auditoire consomme cette culture populaire ou encore interprète les messages véhiculés dans celle-ci. Les analyses de réception de la culture populaire peuvent s’appuyer sur les sondages, les groupes de discussion (
          <marquage typemarq="italique">focus groups</marquage>
          ) ou encore l’observation participante. Elles permettent par exemple d’évaluer comment le genre, l’âge, l’appartenance religieuse, la race et autres influencent la consommation ou l’interprétation de la culture populaire. Pour plus de détails, lire Reed (2011).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no5">
        <no>5</no>
        <alinea>
          Pour des détails sur l’analyse de production de la culture populaire, lire Reed (2011).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          En mettant l’accent sur le caractère politique des dessins animés et les considérations politiques qui sous-tendent les histoires qu’on y raconte, notre but n’est pas d’affirmer que leurs créateurs sont uniquement motivés par des objectifs politiques. En effet, les considérations commerciales et la course aux cotes d’écoute poussent par exemple les créateurs à tenter de répondre aux attentes de leur auditoire. Cela dit, le but de notre article étant d’illustrer le caractère politique des dessins animés étudiés, il semble incontournable de souligner que leurs créateurs poursuivent entre autres l’objectif d’inciter les Américains à réfléchir sur les grands enjeux politiques.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no7">
        <no>7</no>
        <alinea>
          Précisons que nous avons déjà recouru à l’idée d’Abelson pour étudier la culture populaire (Gagnon, 2010).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          Nous avons déjà recouru à l’idée de Campbell pour étudier la culture populaire (Gagnon, 2010).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no9">
        <no>9</no>
        <alinea>
          L’expression « nation d’immigrants » a été rendue célèbre par John F. Kennedy (1958) dans son ouvrage du même titre.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no10">
        <no>10</no>
        <alinea>
          L’expression
          <marquage typemarq="italique">sugar daddies</marquage>
          a été employée dans la
          <marquage typemarq="italique">
            Select Commission on Immigration and Refugee Policy
          </marquage>
          (1981) pour qualifier les politiques d’immigration aux États-Unis (Tichenor, 2002 : 243).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no11">
        <no>11</no>
        <alinea>
          George W. Bush était parfaitement conscient de l’importance économique des échanges avec le Mexique et sensible au poids politique croissant de la communauté hispanique. Sa proposition de réforme incluait les quatre éléments suivants : 1) un nouveau programme pour les travailleurs étrangers temporaires, 2) une augmentation annuelle du nombre de visas, 3) des incitatifs économiques pour les travailleurs étrangers temporaires afin qu’ils retournent dans leur pays d’origine et 4) un renforcement des lois sur l’immigration, notamment sur les lieux de travail (voir de Castro et Rangel 2008 : 151).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no12">
        <no>12</no>
        <alinea>
          Citons notamment les projets de loi suivants :
          <marquage typemarq="italique">
            Border Protection, Antiterrorism, and Illegal Immigration Control Act
          </marquage>
          de 2005 (H.R.4437),
          <marquage typemarq="italique">
            Secure America and Orderly Immigration Act
          </marquage>
          de 2005 (S.1033, H.R. 2330),
          <marquage typemarq="italique">
            Comprehensive Enforcement and Immigration Reform Act
          </marquage>
          de 2005 (S.1438) et
          <marquage typemarq="italique">Agricultural Jobs, Opportunities and Benefits Act</marquage>
          de 2005 (S.359, H.R.884).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no13">
        <no>13</no>
        <alinea>
          Plusieurs sondages ont démontré que les téléspectateurs préfèrent souvent Homer et Bart à Lisa. Dans son ouvrage intitulé
          <marquage typemarq="italique">
            Planet Simpson : How a Cartoon Masterpiece Defined a Generation
          </marquage>
          , Chris Turner cite l’exemple d’un sondage de 1998 qui illustre que Lisa est le quatrième personnage préféré des amateurs des
          <marquage typemarq="italique">Simpsons</marquage>
          , derrière Homer, Bart et Ralph Wiggum. Tout comme Homer et Bart, Ralph Wiggum est reconnu pour son intelligence inférieure par rapport à celle de Lisa.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no14">
        <no>14</no>
        <alinea>
          Sur les intentions des créateurs de
          <marquage typemarq="italique">South Park</marquage>
          , lire Ott (2008), Samuels (2008) et Thompson (2009).
        </alinea>
      </note>
    </grnote>
  </partiesann>
</article>

L’image est bonheur : Le cinéma de Léos Carax (Ciné-Bulles)

html / PDF : https://www.erudit.org/fr/revues/cb/2012-v30-n4-cb0318/67495ac/

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      <titrerev>Ciné-Bulles</titrerev>
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      <idissnnum>1923-3221</idissnnum>
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        <date typedate="publication">2012-09-13</date>
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      Tous droits réservés ©
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      , 2012
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      Le cinéma de Léos Carax PERSPECTIVE L’image est bonheur JEAN-FRANÇOIS HAMEL Léos Carax sur le tournage de Holy Motors Léos Carax. Pour les uns, ce nom est inconnu ou encore obscur. Plusieurs n’ont pas vu ses films ou en ont simplement entendu parler; d’autres ont été indignés, perdus par les propositions de ce cinéaste résolument singulier. Pour d’autres encore, il évoque à lui seul, en à peine une poignée de films, tout un pan du cinéma français contemporain depuis les années 1980. Il porte sur ses épaules, avec Philippe Garrel, l’héritage de la Nouvelle Vague, en particulier celui de Jean-Luc Godard, dont il partage le goût de l’audace — il a même joué dans son King Lear (1987). Entre 1984 et 1991, en trois longs métrages — Boy Meets Girl (1984), Mauvais Sang (1986) et Les Amants du Pont-Neuf (1991), tous avec son acteur fétiche, Denis Lavant —, Carax bouleverse de manière fulgurante les codes cinématographiques, proposant un univers à la fois beau et poétique, ancré dans une certaine conception romantique de l’art. Puis, à l’exception d’un court métrage sensationnel, Sans titre (1997), il se fait discret jusqu’en 1999, année de la sortie de Pola X, sans Lavant, une adaptation épatante d’un roman d’Herman Melville. Replongeant dans le silence pour une autre décennie, il collabore au collectif Tokyo! en 2008 avec le segment Merde, qui réunit à nouveau Carax et Lavant dans une proposition complètement décoiffante. Lavant y interprète M. Merde, une créature débauchée, qui met Tokyo à sang avant qu’un procès déchaîne les passions et attire l’attention sur cet être dont on ne sait presque rien. Puis, au plus récent Festival de Cannes, Carax revient avec un cinquième long métrage, Holy Motors, présenté en compétition officielle. Malgré des critiques plutôt élogieuses, le film n’a gagné aucun prix. Force est de constater que le vent de fraîcheur distillant une modernité inclassable proposé par Carax n’a pas convaincu le jury qui a perdu là une chance de célébrer un cinéma iconoclaste marqué d’une juvénilité irrésistible. Car c’est cela qui caractérise le cinéma de ce réalisateur extrêmement discret : la jeunesse et la nouveauté transpirent de chacune de ses images, tout comme la confiance en ses capacités d’émerveiller, de toucher et de transformer les spectateurs. Après avoir vu Holy Motors, ce sont ces sensations amalgamées qu’on garde à l’esprit en repensant aux extraordinaires séquences, comme sorties d’un rêve, qui le composent. La scène d’ouverture annonce ce « réveil » : c’est Carax lui-même qui, se levant de son lit après avoir été réveillé par des bruits ambiants, quitte sa chambre pour se retrouver dans une salle de cinéma, où se tient un jeune enfant. Il y aurait là le symbole d’une renaissance d’outre-tombe, qui extirperait l’artiste de son sommeil pour le placer au sein de sa nouvelle création. Et à travers cette apparition se trouverait l’incarnation du spectateur idéal que l’auteur convoque : en l’occurrence, cet enfant symbolisant la virginité d’un regard dénué de préjugés, pouvant absorber en toute innocence le monde imaginaire de Holy Motors. Cette séquence inaugurale porte la charge d’une histoire du cinéma que le cinéaste se permet d’interpeller par l’entremise de la projection d’une des premières captations du mouvement humain par le cinématographe au tournant du XXe siècle. Ainsi, le ton est donné par cette mise en abyme du médium cinéma où se bousculent nombre d’idées autour d’un thème central : le cinéma et ses variations, mais un cinéma revenu à un état originel, pur, auquel il faut réapprendre à croire. Denis Lavant, dans une multitude de performances inoubliables, y incarne dans un premier temps un richissime banquier : M. Oscar. Quittant sa demeure à bord d’une limousine conduite par sa chauffeuse, Céline, il est informé des nombreux rendez-vous qui scanderont sa journée. Après une conversation téléphonique, il profite du trajet pour se transformer en une vieille mendiante étrangère avant de sortir sur le trottoir demander l’aumône aux passants. Une fois ce premier « rendez-vous » achevé, il remonte à bord et se métamorphose pour sa prochaine « incarnation ». Jusqu’à la tombée du jour, il traversera Paris en empruntant avec conviction diverses identités. Il sera tour à tour contorsionniste, père de famille, tueur, vieil homme mourant, etc. Rapidement, Holy Motors se fait hommage au métier d’acteur, au don de soi qu’un tel dénuement exige. C’est une splendide célébration du pouvoir du jeu auquel se livrent les artisans du cinéma, du comédien au metteur en scène, tous entièrement impliqués dans la fabrication d’un univers irréel, mais ô combien poignant et bouleversant. Le second rendez-vous de M. Oscar accentue l’importance du corps dans la pensée de Carax : Lavant, affublé d’un uniforme noir, est dans une salle de Motion Picture où il entame une chorégraphie avec une partenaire féminine. L’attention de la caméra aux déplacements des deux personnages dans l’espace accorde une valeur centrale à la présence physique au sein du plan. Celle-ci devient, par la grâce qu’elle génère, une source d’accomplissement artistique. En même temps, le réalisateur joint à cette patience devant ces corps en pleine action la fonction originelle du cinéma, celle d’enregistrer et de découper le mouvement (pensons aux images captées par le chronophotographe Eadweard Muybridge à la fin du XIXe siècle). La réflexion de Carax s’incarne clairement ici par un retour aux origines du septième art, mis en relation avec les nouvelles technologies qu’il exploite pour tenter de voir de quoi est fait son présent et comment il s’inscrit dans la continuité d’un passé qu’on ne peut renier. En filigrane, Holy Motors ne serait-il pas justement une méditation sur le temps qui passe, sur la nécessité de regarder derrière pour éclairer le présent, l’ici et maintenant? La rencontre, tard en soirée, de M. Oscar et d’une actrice serait à interpréter comme cette question : ayant déjà travaillé ensemble dans le passé, les deux anciens collègues entament une conversation sur la vie, le travail, le vieillissement, les chances ratées, les amours vaincues. Joué par la chanteuse Kylie Minogue, ce personnage, qui se déplace aussi en limousine, entonne, au fil du dialogue, l’air de Who Were We?, réaffirmant la tonalité mélancolique, et pas simplement nostalgique, dont est investie cette séquence et le film en entier. De cette séquence en particulier se dégage l’impression d’un temps suspendu qui aurait réuni ces âmes longtemps séparées dans un cadre intemporel, comme pour les faire réfléchir à ce qui reste, les yeux tournés vers leurs souvenirs. Faisant écho à ces retrouvailles, un des épisodes les plus émouvants du film montre M. Oscar sous les traits d’un vieil homme alité, sur le point de mourir, recevant la visite d’une nièce pleurant son imminente disparition. Créant une charge émotionnelle vive à partir de cette fin proche, Carax explore la notion de mort inhérente au passage du temps. Car Holy Motors est constamment tiraillé entre la vérité de ce qu’il met en images — l’acteur en performance, la création — et le sentiment qu’il y a de moins en moins de gens pour croire et pour apprécier cette vérité. Dans une séquence, le personnage de Lavant, de retour à bord de sa limousine, est visité par quelqu’un qui semble être son employeur. Venu s’enquérir de son état mental, il affirme : « On dit que la beauté est dans l’oeil de celui qui regarde. » M. Oscar, perplexe, se questionne : « Et s’il n’y a plus personne pour regarder? » En effet, à quoi servirait le cinéma s’il n’y avait plus de spectateurs? Le cinéaste semble se demander s’il n’y pas, dans ce monde effréné, envahi de milliards d’images, une perte de sensibilité, ou même d’intérêt, une incapacité à voir distinctement et calmement cette « beauté du geste » qui est la raison même poussant M. Oscar à continuer son travail. À certains égards, on peut affirmer que Holy Motors tente d’observer et de rendre visible cette « beauté » captée dans le dédoublement de la réalité, en une seconde imaginée : les histoires qu’il raconte ne diraient finalement que cela. Bien qu’il explore diverses avenues, le film de Carax revient constamment vers son point de départ : la puissance de la fiction. Dans l’épilogue, Céline ramène la limousine dans un garage où sont déjà garées d’autres voitures, qui se mettent à discuter entre elles, se plaignant de leur état d’objet anachronique dans un monde où l’homme dédaigne chaque jour davantage tout ce qui est motorisé ou activé, qu’il s’agisse de caméras (dont les formats ne cessent de réduire) ou de voitures. Ainsi, le film (celui-là en propre, mais également tous les films) appartiendrait lui aussi à une période révolue, puisque plus personne ne saurait ni ne voudrait le désirer. Ce constat est d’une lucidité implacable, d’autant qu’on voit se profiler à l’horizon le moment où les films de Carax apparaîtront comme les derniers vestiges d’un monde passé. D’ici là, Holy Motors permet de se laisser persuader du contraire, à savoir que l’art, exposé dans tous ses mécanismes, est encore bien visible et nécessaire. L’amour dans tous ses états Il y a maintenant près de 30 ans que le visage de Denis Lavant, alter ego du cinéaste, se laisse filmer dans toute sa fragilité, incarnant avec une incomparable intensité les destins malheureux des écartelés presque fous qu’il personnifie, tel ce M. Merde qui réapparaît dans Holy Motors sous les traits de M. Oscar. Kidnappant une vedette qui se fait photographier dans l’un des rendez-vous, il la traîne dans sa caverne; puis, après s’être déshabillé, il se recroqueville auprès d’elle, tel un nouveau-né, pour s’assoupir. Il y a dans ce personnage énigmatique et hideux l’un des exemples les plus concrets de la poésie ambivalente que creuse Carax. Dans l’esprit des grands vers baudelairiens sur la laideur, qui explorent ses atouts séducteurs, l’oeuvre caraxienne plonge dans les méandres de l’étrangeté à la recherche de sa valeur et de son éclat. Si l’on voulait résumer ce qui se dégage de cette immersion dans des décors aussi excentriques que désenchantés, on pourrait écrire « être est souffrant ». Cet être étiolé, c’est Denis Lavant lui-même qui lui donne sa chair, et cela, dès Boy Meets Girl. Alex est un apprenti réalisateur voué à être malheureux. Jusqu’aux Amants du Pont-Neuf au moins, Carax explore à travers son chétif héros l’amour dans ce qu’il a de plus insensé, aussi exaltant que tragique. Dans Boy Meets Girl, Alex, sur le point de partir au service militaire, est largué par sa copine. Dans sa détresse, il fait la rencontre d’une inconnue qui l’attire. Lors d’une fête, ils décident de se confier leurs peines et leurs misères. Cette soudaine proximité confirme la dérive amoureuse dont chacun fait l’expérience, sans pour autant que le bonheur ne parvienne à les atteindre. Pour Alex, abandonné dans un monde où il ne se sent pas le bienvenu, le destin frappe sans prévenir; fatigué de se battre contre une fatalité qui le poussera inévitablement vers la mort, il préfère attendre celle-ci. Boy Meets Girl raconte l’histoire d’une jeunesse égarée dans la nuit parisienne, prise dans un noir et blanc taciturne qui succède au Paris lumineux et éclatant de la Nouvelle Vague. Là où sont parvenus les amoureux déchus de Carax, après ceux encore enjoués de Godard, c’est dans la pleine noirceur de leur vie incolore. Plus qu’autre chose, c’est la conscience d’un temps perdu qui donne à ce premier film toute son ampleur. Dans Mauvais Sang, les mêmes thèmes sont traités avec autant de force et touchent au sublime. Lavant est encore là, toujours aussi secret et romantique, guetté par la mort. Il joue à nouveau un Alex engagé cette fois par une bande de truands pour réaliser le vol d’un vaccin dans un laboratoire pharmaceutique. Il tombe alors sous le charme de la maîtresse de l’un des malfrats, Anna. Évidemment, le cinéaste ne se limite pas à cette trame narrative sommaire, il l’amplifie, l’amène dans les hautes sphères de l’amour fou et incontrôlable, jusqu’à son point de non-retour. Ses images prennent la mesure de cette agitation : elles alternent à un rythme fulgurant, prises dans un tourbillon de couleurs, d’effets d’accélération et de ralentissement, de ruptures de tons et de musique. Carax garde les mêmes états d’esprit, la même langueur chavirée par une présence féminine que dans Boy Meets Girl, mais il bouscule la mise en scène en intensifiant tous les éléments visuels et sonores qu’il utilise. On pourrait là encore voir un legs godardien : cette façon de déconstruire le film noir en y adjoignant une poétique existentielle, une sorte de jeu du hasard désinvolte, rappelle Bande à part (1963) et son trio de jeunes adultes s’essayant bêtement au crime pour n’en récolter au final que désillusions sur la vie et l’amour. Force est d’admettre que Carax, malgré l’influence de Godard (et de plusieurs autres réalisateurs et films) sur son oeuvre, est de son temps, ancré dans la réalité de son époque. Mauvais Sang, par exemple, s’approprie certains éléments des années 1960 en les actualisant, pour en faire une matière éminemment contemporaine. Tous les poncifs des années 1980 sont identifiés : le début de l’ère du vidéoclip, l’effervescence de la culture populaire, le règne de l’image surfaite et de la télévision. Comme le fera Holy Motors en questionnant sa place (s’il en a encore une) en ce début du XXIe siècle, Mauvais Sang est traversé par une envie de s’inscrire dans une période donnée, tout en étant paradoxalement intemporel et presque abstrait dans ses ambiances et sa structure. D’une certaine manière, la méthode de Carax allie un contenu de tradition romantique — l’intimisme, le héros tourmenté, l’amour plus grand que nature — à une forme qui le positionne dans un présent auquel le film est intrinsèquement lié. Dans un tel contexte, Mauvais Sang devient l’objet pop que la réalité qui le met au jour le contraint à être, sous peine de sombrer dans le statut de pâle copie des réalisations passées. D’amants à exilés C’est ainsi que, plus explicitement, la toile de fond des Amants du Pont-Neuf est imprégnée des commémorations du bicentenaire de la Révolution française, qui sont advenues pendant le tournage. Les feux d’artifice, l’euphorie, la joie et la danse se manifestent à l’écran comme les traces d’un événement concret (un instant du présent que la caméra vient immortaliser) auquel Carax adjoint sa fiction. Un soir, Alex et Michèle, deux itinérants amoureux vivant sous le pont du titre, participent à une fête, buvant et rigolant sous l’impulsion des lumières qui jaillissent dans le ciel. Cette scène admirable unifie la grande histoire (le début de la démocratie en France) à la petite (celle de ces sans-abris qui goûtent au bonheur de s’être trouvés), dessinant une trajectoire par laquelle ces temporalités disjointes se répondent. C’est souvent par de telles liaisons, pas toujours nettes ou claires, sur le rapport qu’entretient le cinéma au temps que les films de Carax émeuvent et envoutent le spectateur. Comme Mauvais Sang, Les Amants du Pont-Neuf vibre au son d’une fureur extrême qui survolte les personnages comme des flèches tirées dans tous les sens. Rien ne peut les arrêter : quoi qu’il arrive, ils iront au bout de leur destinée. Ironiquement, au moment où Michèle s’embarque dans une aventure avec Alex, sa vue se met à décliner de plus en plus. Et c’est un peu ce que raconte ce film merveilleux : comment se rendre aveugle à force d’aimer. Lorsque le jeune homme, complètement épris de celle qui lui est apparue presque divinement, apprend qu’une opération pourrait sauver la vue de Michèle, il garde le secret pour lui, de peur de la perdre. Et quand il sent que le nouveau départ de cette femme maintenant guérie pourrait leur être fatal, Alex l’empoigne et se jette à l’eau avec elle, la forçant à accepter une fois pour toutes un désir qu’elle avait refoulé après être parvenue à s’extirper de la rue. Par ce geste déraisonnable, dans cette attitude profondément égoïste de son protagoniste, Carax condense ce qui anime et fait respirer tous ces récits : l’émotion traversant l’esprit (et le corps) de ses personnages, les pousse vers la démesure, les conduisant soit à leur perte (Boy Meets Girl), soit au triomphe de leur détermination (la conclusion des Amants du Pont-Neuf, montrant Alex et Michèle, récupérés par un bateau après leur chute, voguer au loin, ensemble). Ce que ces films expriment, c’est une méditation sur l’angoisse de la solitude et l’obligation d’exister lorsque rien ne parvient à chasser l’ennui. Avec Pola X, réalisé à la fin des années 1990, Carax fait encore une fois la démonstration de l’originalité de sa démarche d’auteur, où se profile un « je » aussi identifiable que celui d’un écrivain ou d’un peintre romantique. Bien qu’il adapte un roman de Melville, le cinéaste aboutit à un résultat résolument personnel. Il transpose ainsi dans un cadre contemporain (le sien) l’intrigue initiale, montrant son refus de l’adaptation banale et sans sa personnalité qui ne pourrait que donner lieu à un film en costumes sans intérêt, platement fidèle à sa source. Et même si le héros, Pierre, appartient à une fiction préexistante au film, sa fuite, telle que filmée par Carax, a la texture languissante et parfois désespérée de ses précédents récits. La façon abrupte avec laquelle Pierre abandonne son milieu bourgeois en compagnie d’une soeur dont il vient d’apprendre l’existence a quelque chose de franchement godardien qui fait échos à l’escapade de Ferdinand et de Marianne dans Pierrot le fou (1965). Il y a là une envie de tout plaquer pour recommencer à zéro, de partir au loin. Laissant derrière sa mère et sa fiancée, Pierre se jette dans le vide. Accompagné d’Isabelle, il embrasse un quotidien plus rude, moins privilégié; comme chez Godard, la désillusion de l’après-coup, une fois la routine installée, laisse entrevoir le pire, que la finale confirmera fatalement — ce qui était déjà le cas dans Boy Meets Girl. Pierre, comme tous les Alex à qui il succède, est un personnage profondément instable, porté par une incapacité à se fixer. Mais surtout, et c’est là une constance chez Carax, il fait partie de ceux dont le monde ne veut pas, rejeté par tous, certes, mais rejetant tout en retour. Et comme si cela était une condition à la récurrence de cette marginalité ou le miroir du rapport du réalisateur au monde qui l’entoure, chacun de ces personnages est un artiste, que ce soit l’apprenti cinéaste ténébreux de Boy Meets Girl, le prestidigitateur de Mauvais Sang, l’acrobate et cracheur de feu des Amants du Pont-Neuf, auxquels Lavant prête ses traits, ou encore l’écrivain éternellement insatisfait de Pola X, joué par Guillaume Depardieu. Chez ce dernier, le récit est entièrement porté par le doute de l’écriture, par l’isolement que celle-ci impose, élevant le film vers les contrées impénétrables de la quête de l’idéal par la création, création d’une oeuvre en même temps que de soi-même, et la déception qui l’accompagne presque toujours. Pola X pousse à son paroxysme la figure de l’artiste maudit. Aussi n’est-il pas étonnant que le titre Mauvais Sang renvoie à un poème de Rimbaud, poète maudit par excellence, exilé et éternel adolescent. Dans cette image, il y a quelque chose de Carax et de ses héros dont il filme les dérivations agoniques. En repensant aux images de ce brillant esthète pour qui la forme porte chaque fable sur ses épaules, une phrase de Saint-Augustin vient à l’esprit, justement citée par Godard (ce n’est pas un hasard) dans Éloge de l’amour (2001) : « La mesure de l’amour, c’est aimer sans mesure. » Il n’y aurait pas meilleure formule pour résumer le mouvement qui parcourt tout l’oeuvre de Carax : l’amour du cinéma, ressenti par les liens qu’il tisse avec une panoplie de référents, et en particulier avec la Nouvelle Vague, grande observatrice des tourments amoureux (suffit de mentionner Jules et Jim de Truffaut pour le comprendre). Mais aussi l’amour avec lequel les êtres se regardent une première fois, se déchirent, se retrouvent, s’embrassent, s’isolent. Tout cela jusqu’à l’épuisement, dans une course à vive allure. Ultimement, vers l’amour à mort, pour reprendre à Alain Resnais le titre de l’un de ses films. Plusieurs n’ont pas vu ses films ou en ont simplement entendu parler; d’autres ont été indignés, perdus par les propositions de ce cinéaste résolument singulier. Pour d’autres encore, il évoque à lui seul, en à peine une poignée de films, tout un pan du cinéma français contemporain depuis les années 1980. Holy Motors Boy Meets Girl et Mauvais Sang Le cinéma de Léos Carax Les Amants du Pont-Neuf France / 2012 / 115 min Réal. et scén. Léos Carax Image Yves Cape et Caroline Champetier Son Emmanuel Croset et Erwan Kerzanet Mont. Nelly Quettier Prod. Martine Marignac, Albert Prévost et Maurice Tinchant Int. Denis Lavant, Édith Scob, Eva Mendes, Kylie Minogue, Michel Picoli, Jeanne Disson Dist. Métropole Films
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Rutilance et intensité intérieure (Spirale)

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      quelques mois après la première rencontre, en passant par celle de la professeure V, historienne des peuples amérindiens, accablée par la tristesse et la cruauté de l’histoire qu’elle découvre, jusqu’à celle de Mahler qui hante le livre en entier. Le caractère extrêmement réservé du narrateur fait que nous connaissons peu de choses sur lui — à l’exception d’un épisode qui rappelle un moment difficile de son enfance au Nigeria. Lorsqu’il voyage en Belgique, c’est apparemment pour prendre contact avec une grand-mère qu’il n’a pas vue depuis des années. Cependant, il ne fait qu’un effort dérisoire pour la trouver. On sait qu’il est en brouille avec sa mère, et un coup de théâtre vers la fin du livre suggère qu’il aurait pu être l’auteur de gestes violents à l’endroit d’une amie. Autant de mystères qui planent sur le roman, pour suggérer sans doute que l’oeil qui observe n’est pas nécessairement neutre ni vertueux. Mais ce qui frappe surtout, c’est combien les rencontres dans la ville peuvent apaiser la solitude. Le contact établi n’est pas superficiel, et certaines relations vont durer, par exemple l’amitié que le narrateur noue avec un jeune Palestinien rencontré en Belgique et avec qui il a eu des discussions politiques. Il y a un respect civique qui émerge de ces pages, l’idée que l’errance dans la ville et ses quartiers peut mener à des liens substantiels. Open City est un premier roman. Il est rare d’ouvrir un livre et de se sentir immédiatement en confiance, entre bonnes mains, mené avec intelligence le long d’un parcours totalement imprévisible. Julius marche lentement et nous ralentissons le pas pour prendre son rythme et admirer, éblouis, ce qu’il voit. Rutilance et intensité intérieure par Hervé Guay LE FUSIL DE CHASSE d’après le roman de Yasushi Inoué Adaptation de Serge Lamothe, mise en scène de François Girard, Production de Parco Theater (Japon) et de l’Usine C, À l’Usine C, du 7 au 10 septembre 2011. EMILY DICKINSON d’après des textes d’Emily Dickinson Adaptation et mise en scène d’Oleg Kisseliov. Production de La Demeure, Au Théâtre La Chapelle, du 21 septembre au 1er octobre 2011. La duplicité et l’épaisseur des secrets qui sont au coeur du Fusil de chasse de l’écrivain japonais Yasushi Inoué (1907-1991) font de ce roman un objet doté d’une théâtralité certaine. Derrière le rideau des apparences, ces pages exposent à la vue de tous le double-fond d’existences demeurées opaques jusqu’à la fin, même pour les proches des êtres tourmentés qui s’y confessent. Pareillement, le secret s’avère le ferment de bien des intrigues théâtrales. Nombreuses sont les pièces, en effet, qui reposent sur d’habiles mensonges et de voyants travestissements jusqu’à ce que ce manège soit démasqué pour le plus grand plaisir des spectateurs. Bref, si ce n’était que de sa propension au secret, Le fusil de chasse n’offrirait aucune résistance à la représentation. Mais ce roman comporte une autre dimension avec laquelle la scène a plus de mal à composer : la forme épistolaire dans ce qu’elle a d’intime et de littéraire à la fois. Tel est donc le défi qu’a dû relever François Girard comme metteur en scène en portant ce livre d’une cruelle beauté à la scène. Or par certains côtés, les trois récits au féminin ne manquent pas de s’y épanouir et, par d’autres, ils ne cessent de revendiquer leur appartenance à la littérature dans ce qu’elle a de plus irréductible à un plateau de théâtre. L’adaptation de Serge Lamothe conserve d’ailleurs l’élégant subterfuge trouvé par Inoué pour authentifier la fiction aux yeux du lecteur. Un poème paraît dans une revue de type Chasse et pêche. Un lecteur se reconnaît dans la description qui y est faite d’un homme portant un fusil de chasse. Pour des raisons obscures, il écrit au poète et lui transmet trois lettres que lui ont fait parvenir des femmes en lui demandant de les lire, puis de les brûler. L’une est de la fille de sa maîtresse, la seconde, de sa femme, la troisième, de cette maîtresse qui lui inspiré une ardente passion. On comprend que ces lettres ont détruit le sens qu’il donnait à son existence, qu’il en est resté comme terrassé et qu’il veut partager les aveux qu’elles contiennent avec quelqu’un. La version que j’ai vue du Fusil de chasse, dans la mise en scène de François Girard, est la seconde qu’il a réalisée. Il a alors repris la production créée le printemps précédent et proposé à l’actrice japonaise Miki Nakatani de jouer dans sa langue maternelle tous les rôles féminins. Le public montréalais, bien entendu, ne comprend pas un mot de ce que dit Nakatani, mais doit plutôt se fier, pour la suivre, aux surtitres projetés à vitesse grand V au-dessus du très beau dispositif scénique imaginé par François Séguin. Girard résout ainsi le problème de la trop grande littérarité du texte en faisant accéder le public directement à la lecture du roman tout en lui assurant l’accès à la voix, aux gestes et à la beauté de Nakatani. Il résulte de cette division de l’attention du spectateur entre le texte et le jeu scénique, qu’accuse encore la présence spectrale au second plan de Rodrigue Proteau dans le rôle du chasseur, une mise à distance d’une grande justesse face à ces personnages qui cachent au monde extérieur (et à eux-mêmes) ce qu’ils ressentent tout en éprouvant — ultimement — le besoin d’en faire l’aveu à l’élu de leur choix, en l’occurrence, ce chasseur à qui ces trois lettres ont été communiquées. La scénographie de François Séguin et les costumes de Renée April illustrent très bien cette tension entre le désir profondément humain de se voiler et de se dévoiler. La scénographie se déploie sur deux plans : l’avant-scène se situe à hauteur de plateau et demeure tout au long de la représentation dans une certaine pénombre, tandis que l’arrière-scène est surélevée et baigne dans une lumière dorée. Les deux espaces sont reliés par un rideau de mots (des caractères japonais dont je présume qu’ils reproduisent des extraits du roman d’Inoué), rideau à travers lequel on voit se mouvoir le chasseur. Cet étrange voile, toujours présent à nos yeux de spectateur, évoque, dans un double mouvement, la propension humaine à dissimuler et à divulguer, quoique parfois ces aveux puissent survenir tardivement et n’être destinés qu’à une seule personne. En outre, la confession de chacune des femmes est associée à un élément : l’eau, la pierre et le bois. Le sol se métamorphose ainsi en cours de représentation, sous les pas de l’actrice, pourrait-on dire. Cette métamorphose touche de même les costumes qui se révèlent d’une ambivalence similaire : lunettes et vêtements de collège qui la couvrent de la tête aux pieds pour la fillette à qui sa mère n’a jamais dit la vérité ; épaules nues et chemise en soie rouge pour l’extravagante épouse qui tente de faire oublier sa souffrance en éblouissant les hommes avec qui elle trompe son mari ; kimono orné de fleurs bleues qu’elle enfile longuement pour cette maîtresse et mère que nul n’a vu telle qu’en elle-même elle se découvre dans les dernières minutes de sa vie. Comme dans les films de Girard (Trente-deux films brefs sur Glenn Gould, Le violon rouge, Soie), l’esthétique de son Fusil de chasse est extrêmement soignée. Ce raffinement formel atténue en un sens l’âpreté du roman d’Inoué auquel seuls les mots prêtent forme. À moins que ce vernis, comme le rideau de mots du décor le laisse entendre, ne soit justement égratigné par ces mots qui possèdent un mélange de cruauté et de beauté allant de pair avec un univers d’amours déçues et de mensonges envahissants. On est loin cependant de Baudelaire qui se proposait d’explorer l’abject, et des surréalistes qui rêvaient d’une « beauté convulsive ». Avec ce Fusil de chasse, le cinéaste agit plutôt en romantique en quête de sublime. L’interprétation de Miki Nakatani vient-elle pallier cette tendance à l’esthétisation ? Autant que je puisse en juger, non. Son jeu, dans l’ensemble, reste dans les limites du représentable. Il faut souligner cependant qu’elle sait bien marquer l’écart entre les trois personnages tant sur le plan gestuel que vocal. Sa beauté concourt à celle d’un spectacle qui offre avant tout cela : de la beauté qui détonne un peu sur ce fond de tristesse et de trahison. Et c’est là le plaisir qu’offre ce Fusil de chasse : les mensonges s’y ornent de chatoiements dans une pénombre minutieusement dessinée. *** À l’inverse, l’Emily Dickinson du metteur en scène Oleg Kisseliov baigne presque continuellement dans un éclat qui n’est pas sans rappeler la nature solaire de la poétesse. Celle-ci, on le sait, a mené à Amherst, dans le Massachussetts, une existence sédentaire qui lui a permis de développer une vie intérieure d’une grande richesse, principalement au contact de la nature, bien à l’abri qu’elle était des mondanités, ce qui la protégeait d’influences extérieures inquisitrices. C’est d’ailleurs ce rapport conflictuel avec l’extérieur qu’exploite dans son plus récent spectacle la compagnie La Demeure, nouvellement formée, dont les animateurs veulent se vouer à la transmission « des oeuvres poétiques de répertoire et inédites ». Si l’on en juge par ce premier opus qui fait découvrir une interprète de talent, il faut se réjouir de la venue de ce nouveau joueur dans le paysage théâtral montréalais. Larissa Corriveau offre en effet une Emily Dickinson dont le corps et la voix s’allient pour incarner une femme vibrante que les nouvelles du dehors ne parviennent jamais à ébranler tout à fait. Ni les frasques de son frère, ni celles de sa belle-soeur, ni les tractations autour de ses poèmes, ni les commentaires blessants d’un certain « Mister Higginson » avec qui elle correspond ne brouillent le ciel d’Emily qui se concentre davantage sur ce que la nature a à lui offrir que sur ce que ses frères humains ont à lui enlever. En effet, le bruit de la mare est plus précieux que les échanges verbaux pour cette femme qui s’efforce de vivre dans le présent. Sagesse qu’elle exprime dans une maxime d’une concision redoutable : « Aujourd’hui rend hier inutile. » Très bavarde, cette Emily s’adresse aussi bien à elle-même qu’à de rares correspondants. On aurait plutôt envie d’écrire à des « condescendants », tant ils traitent la poète de manière cavalière. Par exemple, l’ineffable Mr Higginson paraît nettement plus intéressé par sa photo que par ses écrits qu’il corrige de manière scolaire. À d’autres moments, une voix hors champ surgit pour narrer les démêlés familiaux susceptibles de troubler cette vie rangée. Ces ennuis paraissent uniquement l’enfermer encore davantage en elle-même, dans sa propension à voir du divin et de l’éternité partout. Sensibilité que met en elle la moindre brindille et que rend visible Larissa Corriveau en campant une Emily fébrile, dont la vie intense passe par un corps en perpétuel mouvement. La danse est passée par là. Jusqu’aux orteils de l’interprète qui frétillent ; et même si c’est assumé et cohérent, on aurait eu envie qu’elle nous laisse davantage sur notre appétit. Heureusement, cette actrice possède aussi une voix dont les modulations confèrent une grande musicalité aux fragments réunis dans ce portrait d’artiste un brin romantique. Je veux dire que la persécution et la folie y apparaissent trop volontiers à mon goût. Cependant, là n’est pas l’essentiel. La substantifique moelle vient de la singularité de cette femme unie au cosmos dans un tel élan qu’elle doit absolument en déverser le trop-plein dans ses cahiers sous peine d’éclater. D’où la fonction précieuse du théâtre qui permet ici d’exprimer avec élégance cette surexcitation. Artaud aurait écrit cette « surrection du corps ». Car, de même que le roman, l’art dramatique sait parfois, comme l’écrivaient les Goncourt, « pratiquer un judas dans le cerveau et regarder dedans ». Sculptant le corps de son interprète au fil des fragments rassemblés, celui qui signe ce portrait, Oleg Kisseliov, propose autrement une mise en scène dépouillée. Il ménage néanmoins au spectateur quelques instants plus visuels, c’est-à-dire où son actrice est muette et presque immobile. Mais ceux-ci demeurent, à mon avis, trop rares, la musique de Miles Davis prenant souvent la relève lorsqu’un peu de quiétude aurait été permis. Il semble que, à l’instar de ses mises en scène précédentes (Le songe d’une nuit d’été, Elizaveta Bam), Kisseliov a voulu créer un tourbillon onirique enveloppant le spectateur d’un bout à l’autre de la représentation. Toutefois, comme Larissa Corriveau est seule en scène et qu’elle incarne une femme dont on peut penser qu’elle a vécu une grande partie de sa vie en silence, la tranquillité et l’immobilité nous manquent à l’occasion. Cela n’empêche pas de goûter la rencontre avec Emily ni d’être inspiré par la vastitude de sa vie intérieure qui serait demeurée secrète si ses poèmes n’avaient jamais été publiés. Mais enfin, ils le furent et le monde s’en porte mieux. Il est douteux cependant qu’il en aille de même pour les personnages torturés d’Inoué dont les confessions, pareillement abyssales, laissent un parfum de soufre qui met bien longtemps à s’évaporer. Spirale 239 | hiver | 2012 théâtre Le fusil de chasse ; production de Parco Theater (Japon) et de l’Usine C ; Miki Nakatani et Rodrigue Proteau. Crédits phioto : Jean Bernier. Spirale 239 | hiver | 2012 Emily Dickinson ; production de La Demeure ; Larrissa Corriveau. Crédits photo : Zied Touati Spirale 239 | hiver | 2012
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L’édition critique d’un texte fondateur (Port Acadie)

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          Actes du colloque sur l’édition critique et le développement du patrimoine littéraire en Acadie et dans les petites littératures tenu les 27 et 28 août 2010 à l’Université de Moncton
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        L’édition critique d’un texte fondateur :
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        Si l’impact de
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        sur la littérature, la culture et la société acadiennes est aujourd’hui reconnu tant par la critique savante que populaire, il reste notamment, grâce aux manuscrits et aux différentes éditions de l’oeuvre, à en découvrir le processus de création. Car de manuscrits en tapuscrits, elle s’est entre autres faite lecture radiophonique, scénarios de théâtre puis de vidéo et, bien sûr, éditions. À travers ce dynamisme intergénérique, l’auteure a modifié son texte, parfois par des ajouts substantiels, ou encore, au fil des éditions, par une acadianisation de l’orthographe et de la syntaxe. Cet aspect de l’oeuvre est encore méconnu et, en ce sens, en établir l’édition critique permettra de raffiner l’analyse de son processus de création, notamment de ce jeu sur l’écriture. Cet article vise à présenter le projet de recherche envisagé.
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      Introduction Oeuvre1 incontournable de la littérature acadienne, La Sagouine d’Antonine Maillet2 demeure un classique dont plusieurs chercheurs disent aujourd’hui qu’il a contribué à fonder le théâtre acadien contemporain au début des années 19703, si ce n’est la littérature acadienne moderne elle-même4. Avec La Sagouine, Maillet donne en effet à l’Acadie un texte théâtral qui aura un impact majeur tant sur la production d’une nouvelle dramaturgie en Acadie que sur la perception ultérieure qu’aura d’elle-même la société acadienne. L’auteure a su composer « la formule quasi universelle de l’émergence des littératures », c’est-à-dire la réunion de trois éléments fondamentaux : « le recours à la tradition populaire, […] le recours à la langue populaire [et le recours au] théâtre, […] qui a permis l’immense succès de La Sagouine et a révélé à la francophonie canadienne et mondiale un nouvel auteur »5. Rejetant résolument la vision mythique d’une Acadie pure et martyre popularisée par l’Evangeline de Longfellow6 et reprise jusque dans les années 1960 par différentes élites pour mieux faire sens de leur passé et orienter leur avenir, Maillet, la première, propose une nouvelle définition du vécu acadien qui marquera l’ensemble de son oeuvre. À l’angélique Évangéline, elle oppose la Sagouine, personnage né avec Les Crasseux7, mais qui prendra toute son envergure dans la pièce éponyme. Vieille femme de ménage « guénillouse »8 s’exprimant dans une langue vernaculaire teintée d’un humour rabelaisien, elle confie à qui est présent pour l’écouter des réflexions d’une perspicacité naïve au sujet de son monde et de sa vie, celle des gens d’En-bas, et par ricochet, celle de l’humanité entière. Avec la création de cette anti-héroïne, Maillet renouvelle du coup les thématiques et les personnages traditionnels de la littérature acadienne officielle. Ainsi, « Évangéline […] ne sera désormais plus seule dans la galerie des héroïnes acadiennes. Maillet imagine effectivement toute une gamme d’héroïnes marginales diverses [dont] la femme de ménage acadienne de Bouctouche la Sagouine… »9. Première prise de parole publique et affirmée d’une société dont la langue avait jusque-là été reléguée à la sphère privée10, La Sagouine connaîtra un succès populaire retentissant. Presque instantanément, Maillet a revalorisé une langue et une culture associées à la fois à un manque d’instruction chronique et au folklore — dans son sens péjoratif —, notamment en faisant ressortir la filiation directe entre le parler de Rabelais et celui toujours utilisé en Acadie, ancienne colonie française. L’arrivée de la Sagouine sur la scène socioculturelle acadienne a cependant aussi soulevé bien des débats11, notamment sur la stigmatisation qui pourrait résulter de l’utilisation « folklorisante » de la tradition et du parler populaire, débats qui ont toutefois contribué à modeler une institution littéraire acadienne naissante. Si l’impact de La Sagouine sur la littérature, la culture et la société acadiennes est aujourd’hui reconnu, personne, jusqu’à présent, ne s’est sérieusement penché sur l’oeuvre pour en découvrir le processus de création. Or la genèse de cette oeuvre est à la fois très riche et complexe. Car de manuscrits en tapuscrits, elle s’est faite lecture radiophonique, scénarios de théâtre puis de vidéo et, bien sûr éditions. À travers ce dynamisme intergénérique, le texte s’est modifié sensiblement, parfois par des ajouts substantiels (visibles en comparant les textes de 1971 et de 1974), ou encore, au fil des éditions, par une acadianisation de l’orthographe et de la syntaxe. C’est une étude de la genèse de La Sagouine dans le but de mieux en faire ressortir le mouvement textuel et de mettre en évidence la construction de ses multiples sens que proposera cette édition critique. Méthodologie Cette édition critique est réalisée dans le cadre plus large des recherches menées par le Groupe de recherche en édition critique (Gréc) du département d’études françaises de l’Université de Moncton. Ce groupe s’est donné pour mandat de rassembler les textes fondamentaux de la littérature acadienne, depuis les premiers écrits du xviie siècle jusqu’aux romans postmodernes contemporains, afin de préserver le patrimoine littéraire acadien et d’en faire redécouvrir au public et à la critique toute l’actualité et la pertinence. La Sagouine d’Antonine Maillet fait partie des textes ciblés par le Gréc et le manuscrit de l’oeuvre nous a été rendu disponible par l’auteure et son éditeur12. La méthodologie qui encadrera la rédaction de cette édition critique est celle adoptée par le Gréc, soit celle de la textologie littéraire, formulée de façon pratique dans le protocole de rédaction établi par Yvan Lepage pour le comité de rédaction du corpus d’éditions critiques des ouvrages de la Bibliothèque du Nouveau Monde13. L’édition critique constitue la collation de différentes versions d’une oeuvre avec son texte de base, qui aura été défini au préalable, afin d’en faire ressortir les variantes et les filiations14, ultimement pour reconstituer le texte le plus conforme possible à la volonté de son auteur. Sont ainsi comparés, selon un ensemble de normes établies, tous les états retrouvés d’un même texte, d’abord ceux provenant de l’auteur même, c’est-à-dire les différents brouillons, manuscrits et copies annotées pour la réédition de l’oeuvre; ensuite les différentes éditions publiées. Ceci permet à la fois de retracer la genèse de l’oeuvre et de mettre en relief son processus de création, que font ressortir les modifications volontaires ou involontaires qui y ont été apportées par l’auteur ou encore qui s’y sont glissées lors du travail accompagnant toute publication d’une oeuvre par son éditeur. Le travail d’édition critique sera complété par la rédaction d’une introduction substantielle et d’annotations précises et pertinentes, qui permettront de présenter l’oeuvre éditée dans ses différents contextes, qu’ils soient littéraires, linguistiques ou encore sociohistoriques. Le choix du texte de base Le choix du texte de base reste central en édition critique. Il dépend entre autres des différents états du texte qui sont retrouvés. Le tableau 1 ci-contre présente, dans le cas de La Sagouine, les différents états du texte qui ont été mis en évidence jusqu’à présent. En ce qui concerne le texte qui servirait de base à une édition critique de La Sagouine, nous avons éliminé d’emblée certains choix qui auraient pu sembler appropriés. Ainsi, le manuscrit original n’a pas été retenu, puisqu’une grande partie du travail d’oralisation de l’écriture sera poursuivie pour la première édition de l’oeuvre; l’édition originale de 1971 a elle aussi été écartée, puisque chacun des seize monologues qui la composent sera bonifié systématiquement de deux à trois feuilles manuscrites pour l’édition de 1974, ceci en préparation de la version télévisée de la pièce, minutage oblige; le texte de base ne peut pas non plus être celui qui correspond à la dernière révision effectuée par Maillet en 1993, puisque cette révision est faite à la main sur une photocopie d’une édition antérieure et que le tirage suivant ne respecte pas tout à fait le texte révisé de l’auteure. À notre sens, l’édition de La Sagouine qui est la plus complète et qui a autorité sur les autres reste la version publiée en 1974 chez Leméac : il s’agit de la première édition complète du texte, puisqu’elle présente les monologues dans leur version finale. Un travail mineur visant à uniformiser l’oralisation de l’écriture et à corriger les coquilles ou erreurs grammaticales se poursuivra cependant ultérieurement, au gré des rééditions et des réimpressions. Dans ce cas précis, le caractère d’autorité du texte de base relève d’un critère historique de sélection — l’oeuvre choisie relève de sa première apparition telle que voulue par l’auteur15. Le contenu de l’édition publiée chez Leméac en 1974 constitue en effet la version finale du texte voulue par Maillet, et c’est celle-là qui sera reprise par la suite dans les éditions subséquentes, sans que n’en soit modifiée l’essence. Mais il y a plus : d’abord, la très grande majorité de la critique savante portant sur La Sagouine se réfère à l’édition de 1974 pour étudier le texte. Si cette raison peut sembler incongrue, elle connaît des précédents. Pour justifier le texte de base de La Nausée, éditée du vivant de l’auteur à partir de l’édition de 1938, Michel Contat souligne « un principe que les textologues soviétiques ont dans plusieurs cas imposé pour les classiques russes qu’ils éditent : c’est l’édition la plus largement adoptée par le public du vivant de l’auteur qui doit servir de texte de base, et celui-ci n’est pas nécessairement le dernier revu par l’auteur »16 — ce serait notre cas. Ensuite, notons que l’autorité de la version de 1974 est confirmée par Maillet elle-même : lorsqu’elle effectue sa révision du texte de La Sagouine en 1993 en préparation des réimpressions des éditions de 1990 (Leméac Théâtre et BQ), c’est sur une photocopie de la version de 1974 qu’elle inscrit ses modifications, aidée de son manuscrit original17. Enfin, comme l’auteure est toujours active sur le plan littéraire, d’autres révisions de l’oeuvre sont encore possibles, ce qui rendrait désuète une édition basée sur le dernier texte revu par l’auteur — même si celui-ci devra nécessairement être étudié pour les variantes. Nous jugeons donc plus prudent de privilégier une édition « de base » du texte, forte de son droit d’aînesse, en quelque sorte. La Sagouine et ses manuscrits : regard préliminaire18 Les recherches initiales menées sur les manuscrits A et B de La Sagouine nous ont déjà permis de relever quelques éléments qui portent à réflexion, soit les périodes d’écriture, les ratures, l’ordre des monologues et l’abandon de l’un d’entre eux. Une écriture en deux temps Comme nous l’avons mentionné précédemment, il existe deux manuscrits « consécutifs » de La Sagouine. Ces manuscrits comptent 18 textes, soit 17 monologues et une préface. Ils ont été rédigés en au moins deux grandes périodes d’écriture, si l’on compte la première de 1970–1971 et la seconde de 1974, lesquelles ont été entrecoupées et suivies de campagnes d’écritures secondaires, au cours desquelles la relecture de ses textes a permis à l’auteure d’en peaufiner de façon mineure certains aspects. Rappelons que, à ses tout débuts, La Sagouine a été créée sur différents supports; le texte a ainsi fait l’objet de lectures radiophonique et publique avant d’être de nombreuses fois publié, mis en scène, enregistré sur disque, puis filmé pour la télévision. Il est probable que ces changements de genre ont contribué à le modifier quelque peu; ils ont notamment créé une conjoncture qui a permis la succession de deux périodes d’écriture principales au terme desquelles s’est fixé son contenu. Ainsi, la rédaction du manuscrit A — dont le titre général était Par-derrière chez mon père…19 — s’est faite entre la fin de l’année 1970 et le début de 1971, soit en un peu moins de 16 semaines20. Les textes, d’abord conçus pour la radio, ont été lus par tranches de 15 minutes par Maillet elle-même lors de l’émission hebdomadaire Sans maquillage, diffusée à l’époque par la Société Radio-Canada à Moncton21. Ce manuscrit sera publié en 1971 par Leméac, après quelques retouches à l’oralisation de la langue de la Sagouine. Le manuscrit B, qui date de 1974, est quant à lui constitué d’ajouts de l’équivalent de deux à trois feuilles manuscrites pour chaque monologue, ajouts qui seront intégrés au texte initial pour l’édition de 1974, toujours chez Leméac. Mais pourquoi des ajouts? Notons qu’à la même époque est produit un scénario qui allait servir à la série réalisée par Jean-Paul Fugère pour la télévision de Radio-Canada22; le minutage exigeait que les textes initiaux soient quelque peu augmentés23. Il est également intéressant de constater que la calligraphie du manuscrit de 1974 semble plus nerveuse et est plus raturée que celle du manuscrit de 1971, qui reste en général plus posée et méthodique, laissant croire que l’auteure aurait justement été pressée de terminer cette deuxième campagne d’écriture. Il faut dire que, pendant cette période, en plus de la La Sagouine, Maillet développe et peaufine le monde créé avec sa pièce Les Crasseux en 1968, publiant coup sur coup le roman Don l’Orignal et le recueil de contes Par-derrière chez mon père en 1972, le roman Mariaagélas et la pièce Gapi et Sullivan en 1973, ainsi qu’une réédition des Crasseux en 197424. Des ratures minimales À son habitude, Maillet a rédigé le texte de La Sagouine au crayon de plomb sur du papier quadrillé standard. Elle a utilisé une gomme pour corriger son texte pendant ses différentes campagnes d’écriture, ce qui réduit le nombre de ratures que pourra ultérieurement analyser le chercheur, rappelant en ce sens la moderne rédaction à l’ordinateur qui renvoie souvent au néant virtuel une partie de l’acte créatif25. Subsistent tout de même, dans ce manuscrit, certains passages qui sont biffés, soit de quelques mots ou de quelques lignes, parfois remplacés par un texte nouveau, placé en surcharge ou dans une marge. Quoi qu’il en soit, ni les passages effacés ni les ratures ne sont légion, ce qui laisse à penser que le premier jet était assez précis, et dans le contenu et dans la forme. C’est d’ailleurs ainsi que Maillet se remémore l’écriture de La Sagouine : « — […] Mais je n’ai pas raturé, je n’ai pas récrit, je n’ai pas corrigé. — Vous avez simplement relu, donc… — Oui, c’est cela. »26 De prime abord, ce type d’approche à l’écriture renvoie à ce que Louis Hay a défini comme étant une écriture « à programmation rédactionnelle »27, puisque le travail est fait sans notes préparatoires, sur le papier même. Dans le cas de la rédaction de La Sagouine, ce procédé s’est transposé en une « écriture automatique [ou] presque »28, qui permet d’observer en un même lieu une partie importante du mouvement textuel de création29. Ce procédé d’écriture aura des conséquences sur la forme et sur le fond de l’oeuvre. En effet, si l’on ajoute le fait qu’il n’existe qu’un manuscrit de La Sagouine (bien que produit en deux étapes), cette méthode de création nous semble se rapprocher de la technique des conteurs traditionnels, qui prennent connaissance d’un récit, le mémorisent en le mettant à leur main, puis le donnent à entendre à leur public30. Maillet elle-même indique qu’elle avait de mémoire la Sagouine en tête, à la suite de différentes rencontres faites des années auparavant, et que celle-ci sort du conte, elle sort de la tradition populaire. Elle sort de la littérature orale […]. Et finalement devenant théâtre, elle passe à l’oral, définitivement, mais elle a quand même passé par l’écrit, parce qu’entre La Sagouine monologue pour la radio et La Sagouine pour le théâtre, il y a eu La Sagouine […] « best-seller ».31 S’il ne reste d’autres traces écrites de l’élaboration du texte publié de La Sagouine, il faudra tout de même vérifier si sa préparation, tant dans la forme que dans le sujet, n’avait pas commencé bien avant que le crayon de Maillet ne noircisse ses feuilles quadrillées. Quelques pistes méritent d’être suivies en ce sens pour retracer la genèse de La Sagouine, son historicité textuelle et littéraire. L’intérêt de Maillet pour les conteurs et leurs contes, ses études en ethnologie32, qui ont pu préciser ses méthodes d’observation et d’annotation — entre autres du parler populaire —, ses oeuvres précédentes, enfin, l’oralité croissante de son oeuvre33, sont autant d’éléments qui viennent préparer le contexte d’écriture d’un texte tel que celui de La Sagouine. Des monologues dans le désordre Les monologues initiaux de La Sagouine tels que présentés dans le manuscrit A suivent une logique médiatique qui diffère de celle des versions publiées de la pièce. Évidemment, les textes de ce premier manuscrit avaient été lus par l’auteure à la radio de Radio-Canada Atlantique et suivaient donc le calendrier, la Sagouine semblant s’inspirer du quotidien pour orienter ses réflexions. Si le premier texte rédigé et lu à la radio était « La mort », les autres textes correspondaient souvent quant à eux à l’actualité saisonnière : « Nouël » a été diffusé le 22 décembre, « La boune ânnée », le 29 décembre, « Le printemps », le 23 mars, et ainsi de suite. Pour la version publiée en 1971, un travail éditorial a permis de remanier l’ordre des monologues de façon à ce que le texte dans son ensemble présente une logique littéraire plus évidente. Ainsi, dès la première publication, le texte initial « Le métier » présente d’emblée le personnage principal au lecteur; celui intitulé « La mort » vient quant à lui clore le récit. Cet ordre sera conservé lors des éditions subséquentes de l’oeuvre. Un texte fantôme Comme nous l’avons indiqué précédemment, les manuscrits A et B de La Sagouine comptent 18 textes dont une préface, c’est-à-dire que les manuscrits étaient à l’origine composés de 17 monologues. Pourtant, les versions publiées n’en comprennent que 16. Un des textes a effectivement été retiré avant publication. Septième de la série, ce texte a été lu à l’émission du 16 février 1971 et s’intitulait, dans le manuscrit A, « Portrait de la Sagouine » et, dans le manuscrit B, tout simplement « La Sagouine ». Ce monologue est conforme aux autres en ce sens qu’il comporte le même nombre de pages manuscrites et a été rédigé pour être lu à la radio de Radio-Canada par Maillet, comme le reste des textes. Cependant, au lieu d’être un monologue du personnage de la Sagouine, c’est l’auteure elle-même qui s’adresse à son public au sujet de son intrigante protagoniste. Elle lui explique en introduction que plusieurs auditeurs lui ont demandé un nom, un vrai, le nom de baptême de la Sagouine, celui qui a depuis si longtemps été oublié34. On semble la reconnaître et on veut savoir son nom. Ce texte de Maillet est en fait une présentation et une défense de son personnage. On retient surtout l’affirmation claire qu’il s’agit bien d’un personnage, personnage unique, soit, mais collectif à la fois. Comme elle l’explique : Nous sommes tous plus ou moins fourbisseurs de quelque chose […], comme elle, […]. C’est pour ça que vous l’avez si vite identifiée. Trop vite, parce que vous avez voulu coller un nom à son front. Elle est réelle, je ne le nie pas, mais elle est multiple…35 Maillet reprendra bien sûr une partie de cette présentation de son personnage dans la préface de son oeuvre, qui est constituée d’une fraction de ce texte, et dans différents entretiens donnés par la suite. Cependant, il s’agit du premier texte où elle précise non seulement le statut et la provenance de son « anti- »héroïne, mais aussi sa façon de travailler, qui est celle d’un ethnologue, qui écoute et examine le patrimoine collectif, ici pour mieux créer un personnage à la hauteur de la société qui lui a permis d’exister. Les leçons et variantes Souvent perçu comme un bloc à peu près monolithique, le texte de La Sagouine, par l’entremise de ses manuscrits et de ses nombreuses éditions, présente pourtant un mouvement scriptural intéressant, révélateur du processus de création de l’une des oeuvres fondatrices de la littérature acadienne moderne. Le collationnement des différents états de l’oeuvre n’est bien sûr pas encore terminé, mais il est entamé, surtout pour le monologue de « Nouël », pour lequel nous avons commencé à confronter le texte de base — c’est-à-dire la version éditée par Leméac en 1974 — aux versions manuscrites et à l’édition originale publiée chez Leméac en 1971. Partant de l’aveu de Maillet indiquant qu’elle n’avait pas pensé la Sagouine, mais qu’elle l’avait vécue, puis dite et racontée36 et cela, sans raturer37, il est étonnant de trouver autant de leçons et de variantes en examinant les manuscrits et les éditions de cette oeuvre. Les modifications apportées au texte, dont la présentation sommaire permettra de distinguer les tendances générales, peuvent être regroupées en trois grandes catégories : les coquilles, les ajouts et l’oralisation de l’écriture. Les coquilles Sous le terme de « coquille » ont été regroupées les erreurs grammaticales, orthographiques et typographiques retrouvées dans les différentes versions de la pièce. Si leur analyse donne des indices au chercheur quant aux possibles filiations entre les éditions d’une même oeuvre, il reste qu’elles n’ont pas une grande importance du point de vue du texte et n’en affectent pas le sens38. Il en va ainsi des majuscules accentuées : absentes du manuscrit A, elles ne seront rétablies que pour l’édition Leméac de 1974. Ainsi, on lira sous forme manuscrite et respectivement dans « Le métier » et « Nouël », « les Etats » (p. 29) et « A moins que » (p. 3), puis dans l’édition de 1974 « les États » (p. 52) et « À moins que » (p. 71). Erreur orthographique évidente, « les croissées-eucharistiques » n’apparaît quant à elle que dans l’édition Leméac de 1971 (p. 24). Les ajouts Comme nous l’avons indiqué précédemment, Maillet rédige en 1974 le manuscrit B, qui contient des ajouts de deux à trois feuilles pour chacun des monologues initiaux; ces ajouts seront intégrés à l’édition Leméac de 1974. Il s’agit des leçons les plus substantielles de l’oeuvre et il sera intéressant d’analyser leur contenu particulier ainsi que leur mécanisme d’intégration au reste du texte. Le monologue de « Nouël », par exemple, se voit adjoindre huit paragraphes qui en renouvellent la conclusion et au cours desquels la Sagouine réalise, sur le plan de l’imaginaire, le souhait qu’elle avait déjà énoncé en 1971 : et « si un beau Nouël la procession se trompait de boute et ressoudait icitte dans nos cabanes… »39. Notons par ailleurs que Maillet ne recourt pas uniquement à la rêverie pour intégrer les nouveaux paragraphes aux monologues et que chacun de ces ajouts, sauf exception, correspond à un texte entier qui est inséré soit en introduction, soit dans le corps du texte, soit en conclusion. L’oralisation de l’écriture Le processus d’oralisation de l’écriture auquel se livre Maillet entre la rédaction du manuscrit A en 1970–1971 et la publication par Leméac de l’édition de La Sagouine en 1974 est substantiel. Il vient d’ailleurs étayer le projet littéraire de l’auteure qui s’est confirmé au fil de ses oeuvres, celui d’une construction identitaire renouvelée dont les référents passeront d’une simple affirmation d’un vécu en Acadie pour les premières oeuvres à une mise en scène de l’écriture comme marqueur essentiel de cet imaginaire particulier40. Avec La Sagouine, ce projet est clairement en germe, non seulement par les thèmes abordés ou par la forme utilisée, mais également par la langue qui y est développée. Il faut souligner que, en ce sens, La Sagouine s’est révélée pour l’auteure un bon laboratoire. Cette série de monologues ne présente en effet qu’une seule voix directe, celle de la Sagouine, une femme « d’En-bas », une anti-Évangéline au langage populaire très prononcé. Comme l’indique Mária Marosvári : « Il s’agit d’un texte où le code oral constitue le corps même de l’écriture. »41 D’ailleurs, aucune autre pièce du répertoire mailletien ne sera aussi densément chargée d’oralité. En effet, les autres oeuvres qui le composent opposent souvent des personnages « d’En-bas » à ceux « d’En-haut », qui ont un langage plus châtié, ce qui contribue à rétablir un certain équilibre entre l’utilisation des français populaire — lire « acadianisé » — et standard. Cet équilibre permet par ailleurs d’accentuer la dichotomie « haut / bas » caractéristique de l’oeuvre théâtrale mailletienne42. Dans La Sagouine, cette dichotomie est plutôt énoncée par le personnage même ou vécue par sa relation avec le spectateur. Pour créer la langue de la Sagouine, Maillet puise à plusieurs sources, dont le point commun reste la tradition populaire. Est ainsi mis de l’avant un langage qui se veut une représentation littéraire d’un acadien traditionnel encore parlé dans la région de Bouctouche dans les années 1970. Cette langue conserve pour Maillet une filiation claire et essentielle à la France rabelaisienne, bien qu’elle soit teintée de quelques anglicismes et de néologismes révélateurs de la réalité sociale contemporaine du personnage. Maillet, cependant, ne retranscrit pas une langue entendue, « elle [la] transforme en art, en [la] taillant à sa façon, comme le fait le peuple en transformant son histoire en légende et en mythologie »43. Les marqueurs de l’acadianité du personnage passent de ce fait non seulement par le contenu du texte, mais par la fonction poétique même de son écriture. La création d’une langue : quelques exemples Ce travail sur l’écriture se décline selon plusieurs marqueurs dont nous ne donnerons que quelques exemples, le premier étant celui du verbe « ressourdre », qui illustre particulièrement bien le travail d’écriture effectué par Maillet pour oraliser le parler de son personnage. Ce terme est utilisé à quatre reprises dans le monologue de « Nouël », la première fois à la jonction du texte original et de l’ajout, les trois autres, à même cet ajout. Si on tient compte des manuscrits A et B, ainsi que des versions Leméac 1971 et 1974, le terme apparaît à dix occasions différentes, présentées dans le tableau 2 ci-dessous. Lors de la rédaction initiale du monologue pour l’émission diffusée à la radio de Radio-Canada le 22 décembre 1970, le verbe « ressoudre » n’est pas encore utilisé. On lit plutôt dans le manuscrit A : « […] Si un beau Nouël la procession se trompait de boute et aboutissait icitte dans nos cabanes… » (p. 7). Dès la première publication de La Sagouine par Leméac en 1971, Maillet lui préfère cependant « ressoudait » (p. 26). Cette modification lexicale permet à l’auteure d’archaïser davantage le parler de son personnage, le sens du verbe aboutir étant plus moderne et usuel que celui de sourdre et ses variantes, aujourd’hui considéré comme littéraire ou archaïque44. Le terme « ressoudre » est conservé dans le manuscrit B, rédigé en 1974, et y apparaît même quatre fois. Sa première occurrence correspond à la répétition de celle de 1971, puisque la phrase dans laquelle il est utilisé sert maintenant de pont entre le monologue initial et son ajout. Ainsi, le verbe utilisé est toujours « ressoudait » (p. 8), malgré l’oralisation évidente qui suivra. En effet, les deuxième et troisième occurrences du terme présentent plutôt la graphie « ersoudre ». Maillet écrit : « C’est l’Elisabeth à Zacharie qui ersoudrait des buttes de […] » (p. 8) et « Ça fait là, je verrions ersoudre tous les pêcheux […] » (p. 8). La syllabe re transcodée en er devient visuellement sonore; Phyllis Wrenn parle de /r/ syllabique, l’une des méthodes qui permet à l’auteure d’accentuer l’impression d’oralité des graphies utilisées dans le texte45. La quatrième occurrence du verbe « ressourdre » correspond à la reprise de la phrase qui avait permis la jonction du texte original et de son ajout. Probablement en raison de la répétition, le verbe redevient « ressoudait » (p. 9). Il est intéressant de noter que, dans la version de 1974, il y a correction de cette dernière occurrence puisqu’on y lit « ersoudait » (p. 77). Toutefois, une erreur subsiste : auteure et éditeur oublient de rectifier la première occurrence du terme dans le monologue, qui demeure « ressoudait » (p. 75). Si les éditions suivantes présentent une hypercorrection du terme, qui y apparaît comme « erssoudre »46, il faudra attendre jusqu’en 1993 pour que Maillet, qui révise elle-même sa pièce en se servant de l’édition Leméac de 197447, rajuste le tir : « ersoudre »48 est alors rétabli dans tout le monologue. Le passage du manuscrit au livre, publié en différentes éditions, permet d’observer bien d’autres exemples de la littérarisation du français de la Sagouine. Peut être analysée en ce sens la systématisation de la graphie, des structures morphosyntaxiques et du lexique tendant vers la valorisation de traits archaïsants49. Toujours dans le monologue de « Nouël », on passe par exemple de la graphie standard « étoiles » (p. 2) ou « soir » (p. 5) trouvée dans le manuscrit A, à « étouèle » (p. 23) dans l’édition Leméac de 1971 et à « souère » (p. 74) dans celle de 1974 et ce, bien que le manuscrit A propose déjà « aouère » (p. 5). Le manuscrit A propose également « prenait » (p. 4) ou encore « ressembler » (p. 5), qui en 1974 sont devenus « pornait » (p. 72) et « r’sembler » (p. 72), eux aussi représentations visuelles de l’accent traditionnel du personnage. Les modifications ne touchent cependant pas que le lexique ou sa graphie, mais peuvent également tendre vers une standardisation grammaticale de l’acadien ainsi créé. Dans le monologue « Le métier », la phrase « Ça une belle peau… » trouvée dans le manuscrit A (p. 29) devient « Ç’a [Cela a] une belle peau… » dans la version de 1974 (p. 55) : le pronom est ainsi rétabli en pronom + verbe conjugué, de façon à correspondre à la phrase suivante « Pis ça sent le musc… »50. Ces quelques exemples ont permis d’illustrer une partie du processus de création du texte de La Sagouine. Le mouvement textuel qui en a résulté visait à traduire dans un ensemble non seulement écrit mais littéraire la langue de ce personnage, précisant par le fait même une facette fondamentale de son identité. Pour poursuivre l’analyse de l’oralisation de La Sagouine, il s’agira entre autres de déterminer la nature de ces changements textuels et de les examiner en fonction des différentes campagnes d’écriture et de relecture qu’a subies le texte. Par exemple, il est clair que l’objectif qui a sous-tendu la rédaction du premier manuscrit a eu un impact sur la façon dont l’auteure l’a rédigé. Ce manuscrit n’était pas destiné à être lu par le grand public mais à être entendu, l’auteure étant à même de prendre l’accent qui convenait pour la lecture de son texte. Compte tenu que « la radio fonde sa réalité uniquement sur l’ouïe, [ce qui] accentue l’importance de la parole »51, le passage de l’écoute à la lecture du texte a obligé Maillet, pour conserver l’intégrité de son personnage, à préciser l’oralité de son écriture52. Ce faisant, elle a contribué, sur les plans poétique et idéologique, à une « modernisation stylistique du langage dramatique »53, voire littéraire. Elle effectuait le passage de l’oral à l’écrit, du folklore à la littérature. Conclusion Texte à la nature ambigüe, La Sagouine a amplement confondu son public. Longtemps, on s’est demandé s’il s’agissait d’un roman ou d’une pièce de théâtre, d’une histoire de vie ou même d’un documentaire; et ce texte, devait-on le lire ou plutôt l’écouter54? La présentation de La Sagouine sous forme de monologues, presque de récits de vie, la sélection et la distribution de traits populaires et archaïsants dans la langue du personnage et la diffusion intermédiatique variée qu’a connue le texte restent autant d’éléments qui ont permis à l’auteure d’atteindre un équilibre entre l’accessibilité et la nouveauté littéraire de son oeuvre. D’abord rédigée pour être entendue, La Sagouine a par la suite vu son écriture précisée en de nombreuses leçons et variantes retrouvées au fil de ses manuscrits et éditions. Cet aspect de l’oeuvre est encore méconnu et, en ce sens, en établir l’édition critique permettra de raffiner l’analyse de son processus de création, notamment de ce jeu sur l’écriture. Car le génie de Maillet, en rédigeant cette oeuvre charnière de la littérature acadienne contemporaine, réside entre autres dans sa capacité à marier l’oral et l’écrit, alliance essentielle qu’elle perfectionne tout au long de sa carrière littéraire. D’abord, ceux-ci se rejoignent par la forme même de l’oeuvre. Les monologues qui la composent sont en effet tributaires de l’intérêt de Maillet pour l’ethnologie et sont tous rédigés à la façon du conteur qui relaterait de vive voix une part de son quotidien à son public. Le fil conducteur de ces textes, dans un va-et-vient qui semble spontané, fait ainsi ressortir les aléas de la parole, soumise aux interruptions, aux déviations et aux reprises que provoquent pensée et mémoire55. Par son bavardage qui met en scène un joyeux mélange de confidences, de traditions orales et de commérages, la Sagouine se fait passeuse et transmet au public une langue, une façon d’être et un patrimoine populaire qu’elle contribue à légitimer. Mais l’oral et l’écrit se rejoignent également à même le texte. En donnant à la parole la fixité et la légitimité de l’écrit, Maillet y insuffle inversement, sinon l’authenticité du parler acadien, du moins l’identité de ses locuteurs. De ce fait, la parole ainsi recréée ancre le texte dans son acadianité : si les situations décrites restent universelles56, son interprète demeure pourtant résolument acadienne. Et c’est de cette façon que Maillet a choisi de créer son personnage, une Sagouine qui témoigne d’une vérité, la sienne propre et celle des laissés-pour-compte, mais également celle de son auteure, qui, en authentique conteuse, réécrit au fil du texte une tradition acadienne que l’on avait crue à jamais fixée dans les pleurs d’Évangéline. 1. étude s’inscrit dans le cadre de mes recherches doctorales en études littéraires poursuivies à l’Université de Moncton et financées par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, par l’entremise d’une bourse d’études supérieures Joseph-Armand-Bombardier. 2. èce pour une femme seule, Montréal, Leméac, coll. « Théâtre acadien », [1971], 1974. 3. énon Chiasson, « L’iInstitution théâtrale acadienne », dans Jean Daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes : études thématiques des débuts à nos jours, Moncton, Centre d’études acadiennes, 1993, p. 755; et Judith Perron, « Théâtres, fêtes et célébrations en Acadie (1880–1980) », thèse de doctorat, Moncton, Université de Moncton, 1995, p. 17. 4. « Antonine Maillet et la naissance de l’Acadie moderne : de La Sagouine à Pélagie-la-Charrette », Études canadiennes, n˚ 21, 1986, p. 209. 5. « Pélagie-la-Charrette et l’essor des études acadiennes : hommage à Antonine Maillet », dans Marie-Linda Lord (dir.), L’Émergence et la reconnaissance des études acadiennes : à la rencontre de Soi et de l’Autre, Moncton, Association internationale des études acadiennes, 2005, p. 181. 6. w, Evangeline – A Tale of Acadie, Boston, Ticknor, 1847. Voir entre autres, du même auteur, Évangéline, traduction de Pamphile Le May, postface de Jean Morency, Montréal, Boréal, 2005. 7. ère version de cette pièce est publiée en 1968. Antonine Maillet, Les Crasseux, Montréal, Holt, Reinhart et Winston, 1968. 8. à-dire en guenilles, vêtue de vêtements sales et usés. Maillet, La Sagouine…, 1974, p. 49 et 212. 9. « Antonine Maillet : un monde, une langue et une oeuvre », dans Marie-Linda Lord (dir.), Lire Antonine Maillet à travers le temps et l’espace, Moncton, Institut d’études acadiennes, 2010, p. 20. 10. « La littérature comme moyen de reconquête de la parole : l’exemple de l’Acadie », Glottopol : revue de sociolinguistique en ligne, n˚ 3, janvier 2004, p. 171. 11. élanie LeBlanc, « Le français standard et la langue populaire : comparaison du débat et des enjeux au Québec et en Acadie depuis 1960 », dans Fernand Harvey et Gérard Beaulieu (dir.), Les Relations entre le Québec et l’Acadie : de la tradition à la modernité, 1888–2000, Québec, Iqrc; Moncton, Éditions d’Acadie, 2000, p. 211–235. 12. « si le manuscrit de l’oeuvre existe, il faut pouvoir le consulter, sinon on doit abandonner le projet », puisque le manuscrit demeure un accès privilégié au processus de création de l’auteur lorsqu’il est comparé avec les éditions subséquentes de l’oeuvre. Yvan Lepage pour le comité éditorial du corpus d’éditions critiques, Bibliothèque du Nouveau Monde : protocole d’édition critique, [3e édition revue et mise à jour], [Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa], 2007, p. 3. 13. Lepage, op. cit., p. 3. 14. Les variantes constituent toutes les « modifications qu’un texte a subi[e]s au cours de son histoire », note Lepage (op. cit., p. 4). Les filiations permettent, selon les différentes variantes reprises au fil des éditions, de retracer la « généalogie » du texte étudié (Roger Laufer, Introduction à la textologie : vérification, établissement, édition des textes, Paris, Librairie Larousse, 1972, p. 27). 15. Pour les différents critères de sélection du texte de base (historique, moral, subjectif…), voir Lepage, op. cit., p. 3. 16. Michel Contat (dir.), « Manuscrit, édition originale, édition “canonique” établie avec l’accord de l’auteur, à quoi se fier? », Problèmes de l’édition critique, Paris, Minard, coll. « Cahiers de textologie », n˚ 2, 1988, p. 143. Il reprend ici l’idée développée par Emma Polotskaïa dans son article « La genèse d’une oeuvre : l’expérience de la textologie soviétique », dans Almuth Grésillon (dir.), De la genèse du texte littéraire, Aigre, Du Lérot, 1988, p. 23–38. 17. Voir Lise P. Bergevin à Marie-Andrée Lamontagne, « Mémo institutionnel du 25 août 1993 », Montréal, archives Leméac éditeur. 18. Antonine Maillet, [Manuscrit A], Par-derrière chez mon père [les différents monologues de La Sagouine étaient alors réunis sous ce titre], [27 avril 1971], Montréal, archives personnelles de l’auteure; et [Manuscrit B], [11 juin 1974], Montréal, archives personnelles de l’auteure. Ces manuscrits ont depuis été déposés au Centre d’études acadiennes de l’Université de Moncton. 19. Ce titre sera repris pour un recueil de contes publié en 1972. 20. Micheline Tremblay, « Interview d’Antonine Maillet sur La Sagouine », Canadian Drama / L’Art dramatique canadien, vol. 2, n˚ 2, automne 1976, p. 199. 21. David Lonergan, « Acadie : un théâtre à la recherche d’auteurs », dans Hélène Beauchamp et Gilbert David (dir.), Théâtres québécois et canadiens-français au xxe siècle : trajectoires et territoires, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003, p. 223. 22. Ce scénario, qui comprend les 16 monologues, a été saisi entre le 15 et le 24 octobre 1974. Il reprend le texte de l’édition Leméac 1974 sans trop de variantes, celles-ci touchant surtout le protocole typographique (cédilles, majuscules, etc.). Le texte est également présenté selon un protocole de scénarisation particulier, c’est-à-dire en une colonne justifiée à la droite de la page. « Scénario de La Sagouine d’Antonine Maillet », réalisateur Jean-Paul Fugère, Société Radio-Canada, réf. 1–1338–001 à 0016, 1974, Montréal, archives Leméac éditeur. 23. Seuls sept des monologues ont été produits pour la Société Radio-Canada par Jean-Paul Fugère, soit, en 1976, « La guerre », « La mort » et « Le printemps », et en 1977, « Les cartes », « Les bancs d’église », « Nouël » et « Le recensement ». Tous sont en format 16 mm couleur et d’une trentaine de minutes. Voir Josette Deléas, Images d’Acadiens et de Cadjens de 1908 à 1994 (Filmographie acadienne), [Moncton, Centre d’études acadiennes], 1995. Disponible en ligne : http://www.umoncton.ca/umcm-ceaac/files/umcm-ceaac/wf/wf/pdf/filmographie.pdf. 24. Antonine Maillet, Les Crasseux, Montréal, Leméac, 1974. De la même auteure et chez le même éditeur, Don l’Orignal, 1972; Par-derrière chez mon père, 1972; Mariaagélas, 1973; Gapi et Sullivan, 1973. 25. Claire Doquet-Lacoste, « L’objet insaisissable : l’écriture sur traitement de texte », Genesis, n˚ 27, 2006, p. 35–44. 26. Tremblay, art. cit., p. 199. 27. Louis Hay, La Littérature des écrivains : questions de critique génétique, Paris, José Corti, 2002, p. 47. 28. Paul-André Bourque, « Entrevue avec Antonine Maillet », Nord, vol. 4–5, 1972–1973, p. 112. 29. Le passage du manuscrit, qui avait été rédigé pour être entendu, au texte publié constitue un autre aspect incontournable de la création du texte de La Sagouine, ne serait-ce que par l’effort d’oralisation de l’écriture qui y est déployé et sur lequel nous nous penchons dans la section « L’oralisation de l’écriture : quelques exemples ». 30. André Lemelin, « Le conte ne fait pas le conteur! Pour une meilleure compréhension du conte », Montréal, 24 août 2007. En ligne : http://www.andrelemelin.com/frames/index.html; consulté le 18 novembre 2010. 31. Paul André Bourque, « Entrevue avec Antonine Maillet », op. cit, p. 116–117. 32. Voir entre autres Antonine Maillet, Rabelais et les traditions populaires en Acadie, Québec, Presses de l’Université Laval, « Archives de folklore », 1971. Il s’agit de la version publiée de la thèse de doctorat de l’auteure. 33. Voir Pierre Gérin, « Les trois français de Pointe-aux-Coques », Si que…, n˚ 3, 1978, p. 133–149; ainsi que Simone LeBlanc-Rainville, « Entretien avec Antonine Maillet », La Revue de l’Université de Moncton, vol. 7, n˚ 2, mai 1974, p. 19–20. 34. Maillet, La Sagouine, 1974, p. 199. 35. Maillet, [Manuscrit A], Par-derrière chez mon père…, op. cit., p. 128. 36. Jean-Michel Lacroix, « Antonine Maillet : à propos de La Sagouine », Études canadiennes / Canadian Studies, n˚ 3, 1977, p. 102. 37. Tremblay, art. cit., p. 199. 38. Laufer, op. cit., p. 65. 39. Pour le texte original, voir Maillet, [Manuscrit A], Par-derrière chez mon père…, op. cit., p. 7; ainsi que Maillet, La Sagouine, 1971, p. 26. Pour l’ajout au monologue, voir Maillet, [Manuscrit B], « Nouël », Montréal, archives personnelles de l’auteure, [1974], p. 8; et Maillet, La Sagouine, 1974, p. 75. 40. Voir entre autres Lord, « Antonine Maillet : un monde, une langue et une oeuvre », op. cit., p. 27. 41. Mária Marosvári, « “Des mots écorchés vifs” : langue et identité dans l’écriture d’Antonine Maillet », Verbum Analecta Neolatina, vol. ix, n˚ 2, 2007, p. 217. 42. Denis Bourque, « La pièce Les Crasseux : son importance, son évolution », dans Lord (dir.), Lire Antonine Maillet, op. cit., p. 77. 43. Phyllis Wrenn, « Le transcodage d’une parlure en texte : La Sagouine et le mythe du dialecte », Francofonia, vol. 8–9, printemps 1985, p. 4. 44. « aboutir » et « sourdre », Portail lexical, Centre national de ressources textuelles et lexicales, Cnrs, disponible en ligne : http://www.cnrtl.fr/etymologie/. Il faut également noter que Pascal Poirier (1852–1933), dans le Glossaire acadien, relève les deux termes, mais que « aboutir » n’apparaît que sous sa forme nominale « aboutissement » et renvoie pour toute explication à son infinitif, que l’on suppose donc déjà connu : « action d’aboutir ». La définition de « sourdre » est par contre mieux développée. En Acadie, ce verbe ne s’applique pas qu’aux eaux, mais se dit aussi d’êtres vivants; cet usage semble rare et n’est pas attesté par l’Académie française. Poirier mentionne par ailleurs la variante « ressoudre » (Pascal Poirier, Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d’Acadie et Centre d’études acadiennes, 1995, p. 11 et 404). 45. Wrenn, art. cit., Francofonia, vol. 8–9, p. 9 et 22. 46. En 1990 et 1992, deux éditions de La Sagouine présentent cette hypercorrection, soit : Montréal, Leméac, coll. « Théâtre », 1990, p. 36 et 38; et Montréal, Fides, coll. « Nénuphar », 1992, p. 31 et 33. 47. Voir Bergevin, doc. cit. 48. Voir par exemple « ersoudre » dans les réimpressions suivantes de La Sagouine : Montréal, Leméac, coll. « Théâtre », 1994, p. 39 et 41; et Montréal, BQ, 2007. 49. Voir Phyllis Wrenn, « Une écriture dialectale en évolution : le franco-acadien d’Antonine Maillet, de Pointe-aux-Coques à Pélagie-la-Charrette », Francofonia, vol. 7, n˚ 12, mars 1987, p. 6. Dès 1974, Louise Després-Péronnet indique d’ailleurs que depuis l’événement Sagouine, le parler de ce personnage a été étiqueté comme un vieux parler acadien, qu’elle qualifie de populaire. Voir Louise Després-Péronnet, « Le parler de la Sagouine », Revue de l’Université de Moncton, vol. 7, n˚ 2, mai 1974, p. 69 et 70. 50. Maillet, La Sagouine, 1971, p. 14; 1974, p. 55. 51. David Lonergan, « Françoise Bujold : Oeuvres radiophoniques – Édition critique », mémoire de maîtrise, Moncton, Université de Moncton, 1995, p. 33. 52. La question de l’intégration des parlers vernaculaires dans des oeuvres qui seraient dites par des comédiens a déjà été soulevée dans les années 1970, vu la tendance des écrivains à oraliser leur écriture dans un souci de réalisme identitaire. Si des mises en garde ont été émises contre les « bâtards phonético-orthographiques » que ce type de transcodage pouvait occasionner (voir Lonergan, art. cit., p. 54, notes 15 et 16), il reste que certains auteurs ont relevé le défi de l’oralisation, notamment Michel Tremblay au Québec et Antonine Maillet en Acadie. Pour la littérature québécoise, Lise Gauvin a ainsi parlé de l’effet joual pour décrire cette littérarisation de la langue populaire. Voir Lise Gauvin, L’engagement : l’écrivain et la langue au Québec, Montréal, Boréal, 2000, p. 130. 53. Dominique Laffont, « La langue-à-dire du théâtre québécois », dans Beauchamp et David (dir.), op. cit., p. 193. 54. Voir entre autres Stéphane Sarkany, « Bibliologie poétique de politique de La Sagouine d’Antonine Maillet », dans Québec, Canada, France : le Canada littéraire à la croisée des cultures, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1985, p. 173–191. 55. David Lonergan, « La grande aventure d’une femme de ménage », dans Tintamarre : chroniques de littérature dans l’Acadie d’aujourd’hui, Sudbury, Prise de parole, 2008, p. 243. 56. Le titre d’un article de Jean Royer, paru en 1972, résume bien cette idée : « Un personnage universel qui prend ses racines dans l’enfance d’Antonine Maillet », Le Soleil, 14 octobre 1972, p. 47. L’édition critique d’un texte fondateur : La Sagouine d’Antonine Maillet1 Résumé Si l’impact de La Sagouine sur la littérature, la culture et la société acadiennes est aujourd’hui reconnu tant par la critique savante que populaire, il reste notamment, grâce aux manuscrits et aux différentes éditions de l’oeuvre, à en découvrir le processus de création. Car de manuscrits en tapuscrits, elle s’est entre autres faite lecture radiophonique, scénarios de théâtre puis de vidéo et, bien sûr, éditions. À travers ce dynamisme intergénérique, l’auteure a modifié son texte, parfois par des ajouts substantiels, ou encore, au fil des éditions, par une acadianisation de l’orthographe et de la syntaxe. Cet aspect de l’oeuvre est encore méconnu et, en ce sens, en établir l’édition critique permettra de raffiner l’analyse de son processus de création, notamment de ce jeu sur l’écriture. Cet article vise à présenter le projet de recherche envisagé. Amélie Giroux Université de Moncton Tableau 1 : La Sagouine, les différents états du texte* Années Manuscrits Lectures Éditions, rééditions Nouveaux tirages Scénarios 1970 Manuscrit A : écriture des monologues 1 et 2 1971 Manuscrit A : écriture des 16 autres monologues Radio, Radio-Canada Atlantique; lecture par l’auteure —— Bibliothèque nationale, Montréal ; lecture par Monique Joly Leméac (Répertoire acadien) 1972 Leméac 1973 Leméac (notes et hommages) 1974 Manuscrit B : écriture de la préface, ajouts aux monologues Leméac (Théâtre acadien 2 –édition revue et augmentée) Tapuscrit du scénario, Radio-Canada – Jean-Paul Fugère 1976 Grasset 1978 Leméac 1980 Leméac 1986 Leméac (Poche) 1990 Leméac (Théâtre) (BQ) 1992 Fides (Nénuphar) 1993 [révision de l’auteure] 1994 Leméac 2003 Leméac 2007 Leméac * Les éléments présentés sont les documents dont nous avons obtenu copie avant la rédaction de cet article. Il existe d’autres versions écrites de cette oeuvre et nous continuons nos recherches en ce sens. Tableau 2 : Oralisation du verbe « ressoudre » dans le monologue de « Nouël » Occurrences Manuscrit A (1970-1971) Leméac 1971 Manuscrit B (1974) Leméac 1974 1. aboutissait, p. 7 ressoudait, p. 26 ressoudait, p. 8 ressoudait, p. 75 2. – – ersoudrait, p. 8 ersoudrait, p. 75 3. – – ersoudre, p. 8 ersoudre, p. 76 4. – – ressoudait, p. 9 ersoudait, p. 77
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          Amélie Giroux est inscrite au doctorat en études littéraire à l’Université de Moncton et prépare une étude génétique de
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          d’Antonine Maillet. Elle est également coordonnatrice des collections à l’Institut d’études acadiennes de cette université, où elle travaille depuis 2001. Elle a publié en 2009 un article intitulé « Écriture intime et récit de vie : mémoires d’une Acadienne » dans la revue d’ethnologie
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          . Elle a également collaboré au travail d’édition de plusieurs ouvrages, dont le collectif
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            L’Acadie plurielle : dynamiques identitaires collectives et développement au sein des réalités acadiennes
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Le discours sur la Grande Guerre (Voix et Images)

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      <surtitre>Dossier</surtitre>
      <titre>Le discours sur la Grande Guerre</titre>
      <sstitre>Demande d’histoire</sstitre>
      <titreparal lang="en">Discourse on the Great War</titreparal>
      <sstitreparal lang="en">A Request for History</sstitreparal>
      <titreparal lang="es">El discurso sobre la Gran Guerra</titreparal>
      <sstitreparal lang="es">Solicitud de historia</sstitreparal>
    </grtitre>
    <grauteur>
      <auteur id="au1">
        <nompers>
          <prenom>Micheline</prenom>
          <nomfamille>Cambron</nomfamille>
        </nompers>
        <affiliation>
          <alinea>
            Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), Université de Montréal
          </alinea>
        </affiliation>
      </auteur>
    </grauteur>
    <resume typeresume="resume" lang="fr">
      <alinea>
        Il est relativement peu question de la guerre dans la littérature québécoise, et encore moins de la Grande Guerre. Pourtant les volontaires et les conscrits québécois ont vécu l’expérience du champ de bataille, la boue des tranchées, les attaques au gaz. Il semble que les souvenirs de ces expériences ne se soient pas frayé de chemin jusqu’à la mémoire collective, comme si l’événement guerrier relevait de la sphère privée. Nous faisons ici l’hypothèse que, dans le discours québécois, les événements guerriers sont donnés moins comme participant de récits collectifs que comme des éléments qui témoigneraient d’une mémoire individuelle privée d’horizon général. Nous nous arrêtons à des textes de facture diverse (récits et témoignages publiés dans les journaux, poèmes, romans, récits) parus à deux moments distincts de la construction mémorielle : soit durant la guerre même, alors que, dans la contemporanéité, s’accumulent les matériaux discursifs premiers sans lesquels il n’est pas de mémoire possible, soit dans l’après-coup de la Guerre, alors que quelques textes témoignent d’un accomplissement de la mémoire qui est effacement. La nature même de la Grande Guerre et les spécificités médiatiques des témoignages livrés semblent conduire à une « dépossession des acteurs sociaux de leur pouvoir originaire de se raconter eux-mêmes » (Ricoeur), qui expliquerait en partie l’oubli et le non-dit collectif.
      </alinea>
    </resume>
    <resume typeresume="resume" lang="en">
      <alinea>
        Depictions of war, and particularly the Great War, are relatively rare in Québec literature, even though Québec volunteers and conscripts experienced battle, mud-filled trenches and gas attacks. It seems that memories of this experience have not made their way into the collective memory, as if war, as an event, belonged to the private sphere. Our hypothesis here is that in Québec’s discourse, war events are presented less as part of collective narratives than as elements bearing witness to an individual memory deprived of a general horizon. We examine texts of various kinds (stories and eyewitness accounts from newspapers, poems, novels, narratives) published at two specific moments in the construction of memory: contemporaneously, during the war itself, when the discursive raw materials without which memory is impossible were being accumulated; and during the aftermath of the war, when a few texts bear witness to a realization of memory that is actually erasement. The nature of the Great War and the specific characteristics of the media in which accounts were conveyed seem to lead to social actors’ being “dispossessed of their original power to tell their story themselves” (Ricoeur), which would partly explain how the stories were collectively forgotten or became unspoken.
      </alinea>
    </resume>
    <resume typeresume="resume" lang="es">
      <alinea>
        El tema de la guerra se toca relativamente poco en la literatura quebequense, y aún menos el de la Primera Guerra Mundial, también llamada la Gran Guerra. Sin embargo, los voluntarios y reclutas quebequenses vivieron la experiencia del campo de batalla, el barro de las trincheras, los gases asfixiantes. Pareciera que los recuerdos de estas experiencias no se hayan abierto camino hasta la memoria colectiva, como si el acontecimiento guerrero perteneciera a la esfera privada. Emitimos aquí la hipótesis de que, en el discurso quebequense, los eventos guerreros se dan menos como participante de relatos colectivos que como elementos que diesen testimonio de una memoria individual privada de horizonte general. Nos detenemos en textos de facturas diversas (relatos y testimonios publicados en los diarios, poemas, novelas y otros relatos) publicados en dos momentos distintos de la construcción de la memoria: ya sea durante la guerra misma, esto es, cuando se acumulan, en la contemporaneidad, los primeros materiales discursivos sin los cuales no hay memoria posible, o en la posguerra, cuando hay algunos textos que dan testimonio de un cumplimiento de la memoria que es disipación. La naturaleza misma de la Gran Guerra y las especificidades mediáticas de los testimonios dados parecen llevar a un “desposeimiento de los actores sociales de su poder original de contarse a sí mismos” (Ricoeur), que explicaría en parte el olvido y lo implícito colectivo.
      </alinea>
    </resume>
  </liminaire>
  <corps>
    <section1 id="s1n1">
      <no>1</no>
      <para id="pa1">
        <no>1</no>
        <alinea>
          La guerre. La littérature québécoise en parle certes, mais indirectement. La remarque vaut déjà pour le
          <marquage typemarq="petitecap">xix</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          siècle, durant lequel la majorité des textes romanesques évoquent les rébellions de 1837-1838, le plus souvent sans les décrire
          <renvoi id="re1no1" idref="no1" typeref="note">1</renvoi>
          . Les allusions aux Rébellions sont ténues et ne s’offrent pas comme des récits mettant en jeu une collectivité guerrière dans des tableaux de batailles où se croiseraient les destins individuels. La figure du Patriote dessinée par Henri Julien, qui se détache seule sur le blanc du papier, sans environnement graphique, témoigne de cette absence de tableau général. Le choix de cette figure esseulée
          <renvoi id="re1no2" idref="no2" typeref="note">2</renvoi>
          comme cristallisation identitaire et l’oubli des tableaux décrivant les engagements armés des Rébellions dessinés par le même Henri Julien témoignent de ce que l’iconicité de la figure agit au détriment d’une vision globale explicite. Cet effacement de la dimension collective de la bataille renvoie l’événement guerrier du côté de la sphère privée ou à tout le moins d’une sorte de non-dit collectif. Nous ferons ici l’hypothèse que, dans le discours québécois, les événements guerriers sont donnés moins comme participant de récits collectifs, en tant que pièces d’un puzzle ou d’une fresque, que comme des éléments qui témoigneraient d’une mémoire individuelle privée d’horizon général. Tout le contraire de la visée du peintre, dans le roman d’Arturo Pérez-Reverte
          <marquage typemarq="italique">Le peintre de batailles</marquage>
          <renvoi id="re1no3" idref="no3" typeref="note">3</renvoi>
          , lequel cherche, en intégrant à sa toile un dernier élément intime, à donner au récit collectif sa plénitude. Ainsi la Grande Guerre, comme les actions des Québécois qui y furent engagés, serait-elle exclue de la mémoire collective, faute d’avoir échappé à la nature individuelle ou intime des récits qui en rendent compte.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa2">
        <no>2</no>
        <alinea>
          Afin de mettre cette hypothèse à l’épreuve, nous nous arrêterons à des textes de factures diverses, parus à deux moments de la construction mémorielle. D’abord durant la guerre même, alors que dans la contemporanéité s’accumulent les matériaux discursifs premiers, sans lesquels il n’est pas de mémoire possible. Nous les trouverons dans la presse du temps, mais aussi dans des textes littéraires écrits durant le conflit, et dans un curieux objet, le journal
          <marquage typemarq="italique">
            L’aide à la France. To France the Heroic and Indomptable !
          </marquage>
          , document publié à l’occasion de la Foire montréalaise organisée par le « Women’s Section » du Comité France-Amérique. Nous aborderons ensuite brièvement quelques textes qui relèvent d’une mémoire accomplie dans le temps, rédigés dans les années 1930 et 1940.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n2">
      <no>2</no>
      <titre>Des matériaux pour la mémoire</titre>
      <para id="pa3">
        <no>3</no>
        <alinea>
          En 1999, Roch Legault et Jean Lamarre soulignaient la faible contribution québécoise à la compréhension de la Grande Guerre et à la mémoire que l’on en construit
          <renvoi id="re1no4" idref="no4" typeref="note">4</renvoi>
          . Le numéro du
          <marquage typemarq="italique">Bulletin d’histoire politique</marquage>
          intitulé « Le Québec et la Première Guerre mondiale
          <renvoi id="re1no5" idref="no5" typeref="note">5</renvoi>
          » témoignait, en 2009, d’un intérêt nouveau, particulièrement auprès des jeunes chercheurs. Jusqu’à présent, les travaux ont surtout porté sur l’histoire militaire, sur la question incontournable de la réaction des Québécois à la conscription
          <renvoi id="re1no6" idref="no6" typeref="note">6</renvoi>
          , bien que la question de la circulation de l’information
          <renvoi id="re1no7" idref="no7" typeref="note">7</renvoi>
          et celle de la dimension mémorielle dans l’histoire culturelle
          <renvoi id="re1no8" idref="no8" typeref="note">8</renvoi>
          soient également posées.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa4">
        <no>4</no>
        <alinea>
          On dispose tout de même de quelques travaux qui témoignent de l’expérience de la guerre telle qu’on pouvait la découvrir dans les journaux. Ceux de Pierre Vennat
          <renvoi id="re1no9" idref="no9" typeref="note">9</renvoi>
          retracent l’importance du discours sur la Grande Guerre dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          entre 1914 et 1918 et permettent de lire de larges extraits de ce journal, nous restituant ainsi une partie du discours de l’époque.
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          est alors un journal qui touche un important public, « le journal le plus vendu au Canada » selon son slogan publicitaire. Très engagé dans la défense de la France, il jouera un rôle actif dans la création du Royal 22
          <exposant>e</exposant>
          Régiment et appuiera le travail du Comité France-Amérique, de même que plusieurs entreprises caritatives visant à soulager les combattants et les populations civiles en France. Il appuie les positions du gouvernement Borden
          <renvoi id="re1no10" idref="no10" typeref="note">10</renvoi>
          , en opposition avec les convictions nationalistes d’un Henri Bourassa, par exemple.
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          s’intéresse à tout ce qui touche l’implication des Canadiens français dans la Grande Guerre, particulièrement aux volontaires, souvent nommés individuellement dans le journal, et à leurs actions, dont on fait l’éloge. Vennat fait de ces occurrences (noms, photos, textes) un relevé sinon exhaustif, du moins substantiel et précis
          <renvoi id="re1no11" idref="no11" typeref="note">11</renvoi>
          . Il reproduit, par exemple, le récit daté du 1
          <exposant>er</exposant>
          avril 1915 du major Émile Ranger, ex-rédacteur du journal et commandant d’une compagnie de deux cent cinquante hommes volontaires. Ce récit, le premier « véridique, complet et détaillé reçu au Canada » (éditorial du 1
          <exposant>er</exposant>
          avril), prend la forme d’un journal personnel et raconte la vie dans les tranchées du nord de la France (près d’Armentières puis de Bas-Saint-Maure), entre le 11 février et le 6 mars 1915. Le texte est substantiel, totalisant une quinzaine de feuillets. Ranger écrit librement, convaincu de ne pas trahir les règles de la censure (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 68 [3 mars 1915]). Il raconte les conditions matérielles de la vie : la boue, l’eau, les barbelés, les conditions d’hygiène et la monotonie de l’attente. Il explique aussi les relations avec les habitants, avec les autres régiments et avec ceux d’en face — globalement des « Boches », qui sont aussi distingués comme Saxons, Prussiens ou Bavarois. Il révèle les ambiguïtés de sa position d’officier, mieux traité que les autres — mais pas trop — et susceptible de mettre en danger la vie de ses hommes : « Je me reprochais d’avoir engagé la vie de mes hommes par pure fanfaronnade et j’aurais préféré être avec eux » (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 67 [28 février 1915]). Le récit est vivant, rédigé par quelqu’un qui est habitué à manier la plume. S’il met en relief la bravoure des volontaires, il est implicitement critique à l’égard de la gestion des troupes, pour lesquelles les périodes de repos sont quasi plus éprouvantes que la vie dans les tranchées. Enthousiaste, car les coups d’éclat du régiment sont présentés comme illustrant l’importance de la contribution des Canadiens français, le nationalisme du major se loge aussi en des endroits inattendus — par exemple, les soldats regrettent vivement les bottes canadiennes, car les bottes anglaises ne sont pas étanches
          <renvoi id="re1no12" idref="no12" typeref="note">12</renvoi>
          (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 69 [4 mars 1915]). Une entrevue de Ranger sera publiée en juin. Celui-ci décrit alors avec précision son expérience, entre autres à propos des gaz asphyxiants, et ne répugne pas aux comparaisons : « Nous n’avons pas reçu moins de 3 000 bombes, qui faisaient des trous grands comme ce piano. » (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 134) Il n’enjolive pas les choses, toujours décrites du point de vue des combattants eux-mêmes. Ainsi, sur le caractère violent et troublant des combats à la baïonnette :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Quand nous chargeons à la baïonnette, nous ne pensons en aucune façon au danger, ni à ce que la rencontre peut avoir d’affreux.
          </alinea>
          <alinea>
            Nous n’avons qu’une seule pensée, une seule volonté : rencontrer un ennemi pour « l’embrocher ».
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
            , 135
          </source>
        </bloccitation>
      </para>
      <para id="pa5">
        <no>5</no>
        <alinea>
          Vennat reproduit aussi des lettres de soldats à leur famille publiées dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          , des textes de correspondants, de nombreux entrefilets sur les Canadiens engagés, textes qui tous témoignent de la place importante qu’occupe la guerre dans le journal
          <renvoi id="re1no13" idref="no13" typeref="note">13</renvoi>
          . Certaines des lettres reproduites sont proprement terrifiantes, tout en n’étant pas dépourvues d’un certain humour noir. Ainsi, le lieutenant Dansereau rapporte, dans une lettre privée reproduite dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          du 23 mai 1915, sa conversation avec le roi, en visite à l’hôpital militaire londonien où il est traité : « Sa Majesté m’a dit combien il appréciait le service rendu par les Canadiens et comme il nous remerciait tous de notre résistance. » Il ajoute : « Il devrait plutôt appeler cela “cauchemar”. Ce serait plus près de la vérité. “
          <marquage typemarq="italique">The performance started at 6 o’clock</marquage>
          ”, jeudi. » (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 119) Il raconte ensuite sans transition une attaque aux gaz empoisonnés, sa traversée de la ville d’Ypres, où « les obus tombaient drus [
          <marquage typemarq="italique">sic</marquage>
          ] » et où il y avait « des civils, hommes, femmes et enfants, étendus morts sur les trottoirs et sur la chaussée » (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 122). Il confesse : « Je ne suis pas en mesure de te raconter ce que firent les autres bataillons, parce que j’étais trop occupé avec le mien pour regarder faire les autres », et avoue avoir conscience de faire « un récit décousu » (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 123). Ce qui rejoint le témoignage antérieur de Ranger :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Ce journal n’est pas une histoire de la guerre. Je ne raconte que mes impressions et ce que j’ai vécu et vu. Le Général en chef ne me consulte pas. Et depuis mon arrivée en France, je n’ai pas lu cinq fois les journaux.
          </alinea>
          <alinea>
            Un soldat est une bien petite unité dans une guerre comme celle-ci et je suis certain que les Anglais dans nos rangs ignorent pour la plupart du temps l’endroit où ils se trouvent. Il ne peut en être autrement, on le conçoit.
          </alinea>
          <alinea>
            Seulement, je raconte la vie de tous les Canadiens français sur le front en racontant la mienne.
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
            , 71
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          constitue donc un important substrat, le plus souvent livré à travers le filtre du regard et des enjeux canadiens, qui contribue à la construction d’une mémoire populaire du conflit. Les récits eux-mêmes, qui sont des témoignages, sont écrits à la première personne. Ils construisent une image qui met en jeu des compagnonnages, des bataillons et une géographie de la guerre. Pourtant, ils se donnent pour des pièces sans commune mesure avec la totalité de la guerre : la mémoire du combat demeure ainsi individuelle, privée du tableau général dans lequel elle prendrait un sens. Une dépêche anonyme reproduite par Vennat l’illustre éloquemment à propos de la bataille de Courcelette, en décrivant la sortie des tranchées après la victoire : « ils avaient l’air de triomphateurs. Ils avaient des centaines d’histoires à raconter. Les blessés, qui étaient ruisselants de pluie, avaient aussi des récits à faire » (
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          , 273 [19 septembre 1916]). À chacun son récit…
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          Au contraire de
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          ,
          <marquage typemarq="italique">Le Devoir</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">Le Nationaliste</marquage>
          , entraînés par Bourassa dans un conflit où se trouvent mêlés la querelle des écoles françaises de l’Ontario et le caractère colonial du soutien apporté par le Canada à la Grande-Bretagne et indirectement à la France, ne voient pas l’enrôlement volontaire d’un bon oeil. Selon Bourassa, les pertes du côté des Canadiens français ne seront jamais remplacées par l’immigration ; le devoir national de sauvegarde du français imposerait donc plutôt de se battre contre le gouvernement de l’Ontario. Hélène Pelletier-Baillargeon rapporte que, selon les anciens journalistes du
          <marquage typemarq="italique">Devoir</marquage>
          , Henri Bourassa aurait même demandé que le nom d’Olivar Asselin ne soit plus prononcé dans les bureaux du journal après la publication de
          <marquage typemarq="italique">Pourquoi je m’enrôle</marquage>
          <renvoi id="re1no14" idref="no14" typeref="note">14</renvoi>
          . Mais la ténuité de l’information sur la guerre dans ces deux journaux nous semble aussi tenir à l’espace relativement restreint qu’ils consacrent à l’actualité internationale
          <renvoi id="re1no15" idref="no15" typeref="note">15</renvoi>
          .
          <marquage typemarq="italique">L’Action</marquage>
          , dirigé par Jules Fournier, fait quant à lui une place considérable à la Grande Guerre. Les éditoriaux de Fournier y font souvent référence, Olivar Asselin y publie des textes, on publie aussi des textes d’écrivains français sur la guerre et on publicise de manière importante la brochure d’Asselin. Ces trois journaux offrent une image moins polyphonique et plus officielle de la guerre que
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          et répercute, plutôt que les informations brutes, leur commentaire. Comme leur lectorat est restreint et plutôt bourgeois, ils ne se définissent pas comme des médias populaires. La contribution de ces journaux à la circulation de matériaux propres à enrichir la mémoire collective immédiate du conflit paraît donc avoir été plus modeste que celle de
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          .
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa7">
        <no>7</no>
        <alinea>
          L’étude des témoignages publiés dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          montre une dispersion narrative qui semble échapper à la constitution de récits plus généraux. Il existe, parallèlement, un discours sur la guerre qui se donne pour englobant et véridique sans renvoyer aux batailles et aux morts dans leur matérialité, sinon dans une perspective comptable. Il s’agit du discours officiel. En effet, la Grande Guerre remet à l’honneur Anastasie, comme le rappellent Fabrice d’Almeida et Christian Delporte
          <renvoi id="re1no16" idref="no16" typeref="note">16</renvoi>
          : l’administration de la censure est constante et efficace en France dès les débuts du conflit, et il en est de même en Grande-Bretagne. Au Canada, la censure de la presse est imposée dès les débuts du conflit : les photographies, par exemple, doivent faire l’objet d’une approbation, tout comme les textes des correspondants de guerre. Si les articles publiés dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          que nous avons cités ne témoignent guère de ces restrictions à la diffusion, c’est parce qu’il faut attendre le « 15 juillet 1915 pour la création d’un véritable Bureau de la censure canadien et la nomination d’un censeur en chef de la presse
          <renvoi id="re1no17" idref="no17" typeref="note">17</renvoi>
          », décisions dont les effets ne se feront sentir qu’en 1916. L’ouvrage de Pierre Vennat révèle d’ailleurs l’effacement des témoignages immédiats des combats dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          qui en résulte : à partir du milieu de 1916, les textes cités sont souvent de source officielle ou encore postérieurs à la fin du conflit ; ils célèbrent la bravoure des héros. On sait que le courrier des militaires était censuré avant d’être réacheminé
          <renvoi id="re1no18" idref="no18" typeref="note">18</renvoi>
          : il ne faut pas démoraliser la société engagée dans l’effort de guerre. Les travaux de Claude Beauregard et de Germain Lacasse
          <renvoi id="re1no19" idref="no19" typeref="note">19</renvoi>
          , qui portent sur la photographie et sur les films de propagande, révèlent quant à eux le caractère formaté des récits qui en ressortent. Pas de photographies de cadavres ou d’engagements armés, mais plutôt des photographies du travail de tranchée, des loisirs des tranchées, du quotidien montrable des tranchées : repas, rédaction de lettres, aménagements concrets d’une vie d’où a été omis le bruit, par la force des choses, mais aussi la boue, la pluie, le froid, l’éblouissement des lumières des combats, les cadavres et les membres dispersés qui jonchent les champs de bataille. La censure de la photographie et le cinéma de propagande visent précisément à évacuer la matérialité des affrontements — boue, sang, cadavres — au profit d’images plus propres, moins susceptibles d’émouvoir. De ce point de vue, les textes des correspondants de
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          que nous avons évoqués ont échappé à la stratégie censoriale.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          Germain Lacasse relève le caractère uniforme de la représentation :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            La caméra insiste longuement sur ces routines « paisibles » par un mouvement qui est le stéréotype du film de guerre canadien : lent panoramique vers la droite sur une rangée de soldats qui vaquent à leur routine, puis retour sur la gauche pour les revoir et en montrer d’autres. Cette tactique est semblable à celle de la publicité télévisée contemporaine : un message peu attrayant rendu mémorable par la répétition
            <renvoi id="re1no20" idref="no20" typeref="note">20</renvoi>
            .
          </alinea>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Mais est-ce bien cela, la Grande Guerre
          <renvoi id="re1no21" idref="no21" typeref="note">21</renvoi>
          ? Où sont les batailles, les anecdotes absurdes, avec ou sans héroïsme, les morts ? Des « récits » à ce point privés de matériel narratif sont-ils en mesure de contribuer à la configuration d’une mémoire commune ?
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n3">
      <no>3</no>
      <titre>La littérature comme outil mémoriel</titre>
      <para id="pa9">
        <no>9</no>
        <alinea>
          La littérature semblerait pouvoir assumer ce rôle configurant. Pourtant, les textes littéraires écrits à distance des combats témoignent eux aussi de la difficulté de dresser un tableau général qui inclurait l’expérience intime de la bataille. Deux romans sur la guerre paraissent entre 1914 et 1918 et sont signalés par Mourad Djebabla-Brun
          <renvoi id="re1no22" idref="no22" typeref="note">22</renvoi>
          . La fiction d’Ulric Barthe,
          <marquage typemarq="italique">Similia Similibus</marquage>
          <marquage typemarq="italique">
            ou la guerre au Canada. Essai romantique sur un sujet d’actualité
          </marquage>
          <renvoi id="re1no23" idref="no23" typeref="note">23</renvoi>
          , parut en 1916 avec l’objectif explicite de convaincre les Canadiens français de la nécessité de la conscription. Écrit par un journaliste du
          <marquage typemarq="italique">Soleil</marquage>
          attaché au Parti libéral canadien, ce récit imaginaire raconte l’invasion de Québec par les Allemands. Ce qui se révélera un mauvais rêve du héros comporte quelques scènes saisissantes d’atrocité, directement inspirées à Barthe par sa connaissance de l’invasion de la Belgique en 1915 et des exactions commises auprès des populations civiles, scènes dont le caractère véridique est attesté par les sources convoquées. La guerre qui se trouve ainsi racontée l’est du point de vue de la population qui la subit, et la mémoire belge est donnée pour assimilable, «
          <marquage typemarq="italique">simili similibus</marquage>
          », par les Canadiens. Mais les combats entre Canadiens et Allemands ont une dimension fantaisiste qui les rend invraisemblables et comiques. N’était l’insistance mise sur l’usage de la baïonnette, les engagements armés sembleraient des combats d’opérette, tant leur issue est rapide et prévisible. Le roman populaire de Jules Jehin Prume,
          <marquage typemarq="italique">
            Les aventures extraordinaires de deux Canayens. Charivari littéraire et scientifique
          </marquage>
          <renvoi id="re1no24" idref="no24" typeref="note">24</renvoi>
          , est plutôt dans le registre du fantastique et de l’anticipation. Deux Québécois fabriquent un engin volant extraordinaire grâce auquel ils interviennent dans la guerre qui fait rage en Europe. Jehin Prume use de toutes les ressources du roman populaire de la période : dessins comiques, jeux de langage, allusions à l’actualité. La Grande Guerre est occasion de satire et de caricature, malgré quelques pages de propos compatissants quant aux malheurs provoqués par l’Allemagne. Les combats engagés par les deux héros sont loufoques. Ce texte mériterait une étude approfondie dans le contexte d’un examen de la représentation de la guerre dans d’autres genres, populaires, comme le théâtre, la revue et la chanson
          <renvoi id="re1no25" idref="no25" typeref="note">25</renvoi>
          . Mais son apport à une mémoire de l’expérience du champ de bataille est nulle. Ainsi, les deux romans de guerre parus durant le conflit ne semblent pas avoir pu contribuer à la configuration d’une mémoire du combat.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa10">
        <no>10</no>
        <alinea>
          Les sonnets d’Albert Lozeau, publiés durant la guerre dans
          <marquage typemarq="italique">Le Devoir</marquage>
          et rassemblés plus tard dans le recueil
          <marquage typemarq="italique">Lauriers et feuilles d’érable</marquage>
          <renvoi id="re1no26" idref="no26" typeref="note">26</renvoi>
          , paraissent constituer des objets plus conformes à nos attentes. En effet, il est exclusivement question de la guerre dans la section de ce recueil intitulée « Lauriers », bien qu’elle y soit traitée de manière abstraite. Les sujets mis en scène sont d’emblée hissés au rang de personnages héroïques — le cardinal Mercier, Joffre, Déroulède, le pape, Henri Fabre, etc. — et les combats décrits mettent aux prises des entités abstraites — la Haine, l’Orgueil, le Drapeau, l’Histoire, l’Ogre, la Patrie. On y trouve, sans cesse recommencé, un seul récit, celui des forces du Bien contre les forces du Mal, combat désincarné dont l’importance se manifeste par les nombreuses majuscules signalant les prosopopées. Cette vision synthétique de la Grande Guerre est davantage attachée à célébrer les valeurs patriotiques qu’à témoigner des combats. Une seule strophe laisse de côté l’interprétation héroïco-religieuse de la guerre pour évoquer l’expérience concrète des soldats :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <verbatim typeverb="poeme">
            <bloc>
              <ligne>Mais, là-bas, où la Mort, avec l’hiver, s’élance,</ligne>
              <ligne>La neige, tristement, aux soldats accablés</ligne>
              <ligne>
                Prépare un glorieux linceul, dans le silence
                <renvoi id="re1no27" idref="no27" typeref="note">27</renvoi>
                …
              </ligne>
            </bloc>
          </verbatim>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Les autres sonnets de Lozeau s’inscrivent dans l’
          <marquage typemarq="italique">ethos</marquage>
          du
          <marquage typemarq="italique">Devoir</marquage>
          , selon lequel la guerre est lointaine de toutes les façons, et dans la filiation de la poésie patriotique québécoise antérieure.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa11">
        <no>11</no>
        <alinea>
          L’examen de plusieurs recueils de poèmes publiés entre 1914 et 1918 ou publiés plus tard mais susceptibles de contenir des textes rédigés entre 1914 et 1918 s’est révélé décevant
          <renvoi id="re1no28" idref="no28" typeref="note">28</renvoi>
          . Ceux d’Albert Dreux, de Pamphile Le May et de Blanche Lamontagne-Beauregard ne comportent pas de poèmes sur la guerre. Les poèmes publiés dans les recueils d’Alphonse Beauregard (
          <marquage typemarq="italique">Les alternances</marquage>
          , 1921) et de Jean Charbonneau (
          <marquage typemarq="italique">L’âge de sang</marquage>
          , 1921) ne sont pas datés. Le recueil
          <marquage typemarq="italique">Poèmes de cendre et d’or</marquage>
          <renvoi id="re1no29" idref="no29" typeref="note">29</renvoi>
          de Paul Morin, paru en 1922, contient deux poèmes sur la guerre dont la rédaction est antérieure à 1918. Le poème « Nuits de mai » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 224-227) est un diptyque : la première partie, fortement élégiaque, est datée de 1914. La seconde, de 1915, transforme le bonheur des sens qui imprégnait la première partie en tragédie : « Ah, le douloureux silence/des tragiques nuits de France !/Nuits de Senlis, nuits d’Arras » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 226). Les deux parties du poème ne s’opposent pas seulement du point de vue de leur
          <marquage typemarq="italique">ethos</marquage>
          ; elles se distinguent aussi par leur rapport au nombre. Même s’il y a « mille rêveurs qui veillent » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 224), les sensations du poète, en 1914, sont toutes singulières : il s’agit « du train qui vient de Passy » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 224), de « ce tilleul et de ce hêtre », il y a une seule « demoiselle en maraude » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 224), et dans le Sorrente imaginaire rêvé par le poète en plein seizième arrondissement, il n’y a qu’une voix, celle de Bilitis, qu’une muse, celle du poète, sa « muse, païenne et volage » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 225) : les nuits de mai se fondent en une seule. En 1915, il n’est plus question d’une nuit, mais « des nuits ». Il n’y a plus un seul lieu, multiplié par l’imagination, mais des milliers, dont Arras et Senlis sont les symboles. Tout est multiple en cette section de poème, depuis les sujets de l’action perçue jusqu’à l’affliction, depuis « le cri des trains » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 226) jusqu’aux morts. Il y a « mille gares », « mille brancards », « mille fantômes hagards », et les « héros obscurs,/les nonnes pâles,/et les fiévreuses infirmières » sont, eux aussi, innombrables (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 226). Il y a « cent sirènes », « cent moteurs » et s’il n’y a qu’un canon, il « scande le choeur funèbre et la sanglante orgie » en lesquels se dissout l’individualité (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 227). La multiplicité est incommensurable :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <verbatim typeverb="poeme">
            <bloc>
              <ligne>Mais plus hallucinant encore,</ligne>
              <ligne>c’est, du crépuscule à l’aurore,</ligne>
              <ligne>dans toutes les rues, par tous les chemins,</ligne>
              <ligne>
                le bruit sourd, harassé, pressé, des silencieux troupeaux humains
              </ligne>
              <ligne>qui marchent vers le Minotaure</ligne>
            </bloc>
          </verbatim>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
            , 227
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Rien ne reste qui serait unique, pas même l’absence, vécue par une multitude : « Que de femmes tordent leurs bras/en pensant […] à l’Absent » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 226). Cet accent mis sur le nombre, ce déplacement du singulier vers le pluriel n’a pas seulement une fonction anaphorique et rythmique. À la fois hyperbole et litote, le nombre diffracte la nuit en une multitude de récits. La saisie synthétique passe par le pluriel, par la multiplication des récits que crée, dans son abstraction, la forme poétique.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa12">
        <no>12</no>
        <alinea>
          Le second poème dans l’ordre de composition, « Sépulcre » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 174), daté de 1916, est un sonnet qui se présente comme un « tombeau » de Verhaeren, tombeau poétique directement enté sur le tombeau réel du poète : « Le peuple français demande que le corps de Verhaeren soit gardé au Panthéon jusqu’à ce que l’Allemagne ait évacué la Belgique » (
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          , 174), lit-on en exergue. Entre « le linceul sacré », « la paix marmoréenne » de « La Ville » et de « Ses poètes » et le poète au « pauvre corps sanglant,/ Déjà meurtri par la brute tentaculaire », il existe une union contre l’ennemi, « le talon allemand
          <renvoi id="re1no30" idref="no30" typeref="note">30</renvoi>
          ». La mort prend ici une dimension qui paraît moins abstraite qu’institutionnelle, elle est ancrée dans les collectivités en jeu — les « cyprès français » et le « beffroi flamand », métonymies des communautés nationales —, mais aussi dans la communauté des poètes. Si Emile Verhaeren est appelé à venir au Panthéon « dormir le vivant sommeil des demi-dieux », il témoigne, par cette possible translation même
          <renvoi id="re1no31" idref="no31" typeref="note">31</renvoi>
          , d’une communauté des grands hommes de l’humanité. La guerre s’inscrit dans la durée : « Donc, aussi, celui-là », dit le poète au début du poème. Mais le destin le plus singulier se dissout dans une collectivité, fût-elle celle des « demi-dieux ». Au-delà de la riche tradition du tombeau littéraire, comment ne pas penser ici à la « fonction qu’assigne Michel de Certeau à l’histoire comme geste de sépulture, comme construction par l’écriture d’un tombeau pour le mort » telle que la rappelle François Dosse
          <renvoi id="re1no32" idref="no32" typeref="note">32</renvoi>
          ? Le poème de Morin s’inscrit dans un souci historiographique qui tend vers un collectif dont la pierre de touche est une dépouille individuelle, celle de Verhaeren. Ainsi y a-t-il des milliers de récits maintenus dans l’abstraction du poème. Verhaeren lui-même raconte la guerre semblablement dans
          <marquage typemarq="italique">Les ailes rouges de la guerre</marquage>
          ; véritable sujet de l’action qui va « disséminant » (« Le monde s’arme »), la guerre « disperse » (« Au Reichstag »), « parsème » (« Premiers aéroplanes »), « propage » (« La cathédrale de Reims »), « passe » (« Les Exodes »), le poème intégrant dans ce mouvement la mémoire des actes singuliers. Cela nous ramène aux témoignages parus dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          . Vécue au ras des événements individuels, la guerre échappe à ceux qui en font l’expérience : il y a trop de récits, disséminés et incomplets, en attente d’être racontés. Les soldats qui cherchent à lire les journaux, qui veulent savoir ce qui se passe, souvent représentés dans les témoignages, n’ont pour tout savoir que leur propre perception de la guerre, qui n’est pas mémoire, mais demande de mémoire.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa13">
        <no>13</no>
        <alinea>
          Le poème que Gonzalve Desaulniers écrit en 1918,
          <marquage typemarq="italique">
            Pour la France. Lettre d’une petite Canadienne française à son fiancé se battant quelque part en France dans les rangs du 22
          </marquage>
          <exposant>e</exposant>
          <marquage typemarq="italique">bataillon</marquage>
          <renvoi id="re1no33" idref="no33" typeref="note">33</renvoi>
          , développe quant à lui un seul thème, celui de la fiancée qui exprime la grandeur du sacrifice offert à la France :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <verbatim typeverb="poeme">
            <bloc>
              <ligne>Pars, mon ami, la route est longue. Va là-bas</ligne>
              <ligne>Pour qu’un poète un soir nous chante tes combats.</ligne>
              <ligne>Va là-bas pour qu’un peu de tes triomphes fasse</ligne>
              <ligne>Comme un nouveau manteau de gloire pour ta race ;</ligne>
              <ligne>Pour que la France en toi reconnaisse les siens</ligne>
              <ligne>
                Ô petit paysan des champs laurentiens
                <renvoi id="re1no34" idref="no34" typeref="note">34</renvoi>
                !
              </ligne>
            </bloc>
          </verbatim>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Le poème, qui déploie son lyrisme sur six strophes, est tout entier tourné vers les souvenirs des temps heureux évoqués par la jeune fille, l’exaltation du sentiment patriotique et les réminiscences de la mère patrie. La dimension collective est présente à travers l’abstraction, rendue émouvante, du désir de sauver la France. Les « combats » sont « là-bas », le lien entre la France et le Québec est thématisé dans la rime « siens »/« laurentiens » et l’action du paysan canadien dans celle qui unit « fasse » et « gloire pour ta race ». Pas de nombre ici, que la parole individuelle coulée dans un chant qui se veut prière. Mais malgré cette élévation, le poème ramène la guerre à la mesure des perceptions de la jeune Canadienne française ; il est mémoire de ce qui précède la guerre et projection vers une mémoire commune à construire. La guerre elle-même, avec son bruit et son fracas, n’est présente que métonymiquement, à travers le tocsin :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <verbatim typeverb="poeme">
            <bloc>
              <ligne>Comme elle vibre en ce moment la cloche ailée !</ligne>
              <ligne>On dirait que son âme à notre âme est mêlée</ligne>
              <ligne>Et qu’heureuse elle prête à son battant d’airain</ligne>
              <ligne>
                Pour raffermir nos coeurs les accents du tocsin
                <renvoi id="re1no35" idref="no35" typeref="note">35</renvoi>
                .
              </ligne>
            </bloc>
          </verbatim>
        </bloccitation>
      </para>
      <para id="pa14">
        <no>14</no>
        <alinea>
          Il n’y a pas de trace de la guerre vécue par celui-là même qui est à l’origine du récit.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n4">
      <no>4</no>
      <titre>Souvenirs prêts-à-porter</titre>
      <para id="pa15">
        <no>15</no>
        <alinea>
          Le journal
          <marquage typemarq="italique">
            L’Aide à la France. To France the Heroic and Indomptable !
          </marquage>
          est, lui, résolument tourné vers le collectif : il s’agit de libérer la France ! Publié et sans doute vendu pour contribuer aux efforts caritatifs du Comité France-Amérique déployés lors d’une foire tenue au parc Lafontaine
          <renvoi id="re1no36" idref="no36" typeref="note">36</renvoi>
          , ce journal bilingue comporte de nombreuses publicités, des photographies des membres du comité d’honneur, des poèmes, des témoignages, et des reportages sur la foire. Publication luxueuse placée «
          <marquage typemarq="italique">
            under the distinguished patronage of Their Excellencies The Duke and Duchess of Devonshire
          </marquage>
          <renvoi id="re1no37" idref="no37" typeref="note">37</renvoi>
          », dont on voit d’ailleurs les photographies en première page, au-dessus des autres membres du comité d’honneur
          <renvoi id="re1no38" idref="no38" typeref="note">38</renvoi>
          , le journal affiche de nombreuses signatures prestigieuses. La rédactrice de la partie française est M
          <exposant>me</exposant>
          Huguenin (Madeleine) et celle de la partie anglaise, Miss Guerin. Rien d’étonnant à ce qu’on y trouve des représentations proches du discours officiel sur la guerre. C’est le caractère ouvertement exemplaire de ces représentations qui nous retiendra, d’autant qu’il s’agit d’une sorte de programme-souvenir, anticipation de la mémoire commune en devenir.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa16">
        <no>16</no>
        <alinea>
          Les publicités pleines pages du Plaza Hotel de New York, de l’hôtel Greenbrier (West Virginia), de la Banque de Montréal, des entreprises de transport (Pioneer Railway, Canadian Steamship Lines), des bijoutiers (Mappin and Webb et Birks) et des grands magasins à la mode (Fairweather, Murphy’s, Goodwin’s, Henry Morgan and Co) donnent le ton. Les entreprises financières canadiennes — lire canadiennes-françaises —, telles que la Banque provinciale du Canada, le Crédit foncier franco-canadien, la Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal, sont présentes, de même que le Ritz-Carlton et la Compagnie des tramways de Montréal. Les publicités décrivent une vie américaine inchangée, ou presque (mode, voyage, commerce, entrepreneuriat). Pourtant, Ogilvy annonce, sur une pleine page, sa farine de guerre, « un produit conforme à la loi, destiné à conserver les ressources alimentaires du Canada et, en même temps, à donner au public la meilleure farine qu’il soit possible de fabriquer suivant l’étalon légal » (
          <marquage typemarq="italique">ALF</marquage>
          , 22). La St. Lawrence Flour Mills Company n’est pas en reste ; elle publicise, plus modestement (1⁄4 de page), sa « nouvelle farine de guerre “Regal” » (
          <marquage typemarq="italique">ALF</marquage>
          , 33). L’annonce du joaillier Birks porte comme en-tête :
          <marquage typemarq="italique">Une industrie de ralliement</marquage>
          . Dans les deux langues, l’entreprise évoque la diversité des origines des produits qu’elle propose, en commençant par la France, précise les nationalités des artisans qu’elle emploie, et souligne le fait qu’elle emploie « dans une proportion à peu près égale, des Canadiens de langue française et de langue anglaise » (
          <marquage typemarq="italique">ALF</marquage>
          , 26). La guerre est loin, mais elle pèse à la fois sur la vie quotidienne (celle de ceux qui se soucient de trouver de la farine pour cuisiner) et sur une certaine façon de penser son rapport au monde : la France suscite la compassion de tous, des Canadiens français, des Canadiens anglais et des Américains. Elle appelle à la solidarité entre l’Amérique et l’Europe.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa17">
        <no>17</no>
        <alinea>
          Les textes occupent moins du tiers du journal : un récit du soutien apporté à la France par le Comité (signé Raoul Dandurand, président de l’Aide à la France, qui deviendra le premier président de la Société des Nations) ; des textes en hommage à la France : « France Holds the Premier Place in The Congress of the World » (JNO. Donnelly, Pter), « Galliae ignotiae » (F. Valentin-M. Breton, O.F.M), « À la France » (Madeleine) ; un texte plus politique, directement lié au conflit, « Mensonges allemands » (Louvigny de Montigny) ; une biographie du major Olivar Asselin (Madeleine) ; une vingtaine de témoignages de soutien à la France de la part de personnalités diverses, dont plusieurs écrivains comme Robert de Roquebrune et Arsène Bessette ; des récits sur l’inauguration de la Foire et ses attractions (The Red Cross, The Chinese Theater, Yesterday’s Activities) et une visite du site par Madeleine (« À travers la Foire montréalaise »). Enfin, il y a plusieurs poèmes, en français (« Matin de Québec » d’Albert Ferland, « La Maison » de René Gautheron, « À la langue française » d’Atala [Léonise Valois], « Hommage à la France » d’Albert Lozeau et « 1918 » de Joseph Nolin), et en anglais (« Joan of Arc » de Bellelle Guerin et « The Men of France » de Beatrice Redpath). Plus que sur la guerre elle-même, ces poèmes portent sur la France éternelle, saisie métaphoriquement à travers le personnage de Jeanne d’Arc ou la maison familiale abandonnée. Les batailles sont décrites dans leur portée héroïque plutôt que dans leur dimension concrète. « Victoire » rime avec « gloire » chez Nolin, « gloire » avec « Histoire » et « mémoire » chez Lozeau. Et si le mot « gloire » rime aussi avec « nuit noire », c’est que cette nuit est déchirée par la bravoure : « Tes hommes dans la mort se dressent, éclatants » (
          <marquage typemarq="italique">ALF</marquage>
          , 25). Le mémorable ici, c’est bien davantage l’image grandie que l’on a de la France, telle qu’en elle-même on la vénère, que la guerre elle-même. S’il n’y avait la biographie d’Asselin et les publicités de farine, de même que l’évocation des installations de fortune de la Croix-Rouge reproduites dans un stand, cette guerre n’aurait pas de réalité. Les visiteurs de la Foire se souviendront d’y être allés, d’y avoir vu de grands personnages. Ce sont des souvenirs d’un temps de guerre. Pas des souvenirs de guerre.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n5">
      <no>5</no>
      <titre>L’après-coup de la mémoire : la guerre des autres</titre>
      <para id="pa18">
        <no>18</no>
        <alinea>
          On pourrait imaginer qu’une fois le conflit terminé, une mémoire a pu se constituer grâce à la clôture narrative que constitue l’Armistice. C’est à ce second temps de la configuration mémorielle que nous allons maintenant nous attacher. Au Québec, les textes qui évoquent la Grande Guerre sont rares, plus rares que ceux qui évoquent la Seconde Guerre mondiale. Cependant, sans viser à l’exhaustivité et en nous limitant aux auteurs canoniques de la période, nous en avons identifié quelques-uns, écrits par Ringuet et Robert de Roquebrune.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa19">
        <no>19</no>
        <alinea>
          La Grande Guerre se déroule loin des trente arpents d’Euchariste Moisan
          <renvoi id="re1no39" idref="no39" typeref="note">39</renvoi>
          . Pourtant, ses échos parviennent aux paysans, grâce au journal hebdomadaire. Quatre scènes renvoient explicitement au conflit et permettent de voir comment on passe de la dimension collective à la dimension individuelle, sans toutefois que le rapport à la communauté nationale soit entièrement gommé. La première est brève, saisie sur le vif. Ephrem, le fils d’Euchariste, affirme, après la lecture du journal : « Quiens, une nouvelle, i’paraît qu’i va y avoir la guerre dans les vieux pays. […] Où ça ? demanda Albert en poussant un pion […]. » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 149-150) La partie de dames en cours n’est pas interrompue et Euchariste profite de la distraction d’Albert, son homme engagé, en ajoutant : « Ben ! i’s peuvent toujours se battre ! Pour ce que ça nous dérangera ! » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 150) L’affirmation d’Euchariste est confirmée par la continuation du jeu mais minée par la distraction d’Albert, qui en perd la partie.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa20">
        <no>20</no>
        <alinea>
          La seconde scène suit immédiatement la première dans le roman et a lieu le samedi soir suivant. Aucune action ne concurrence cette fois la nouvelle apportée par Ephrem :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            — Vous savez pas ? L’diable est aux vaches dans les vieux pays. I’s sont tous poignés les uns avec les autres. Y a la Russie, pi… l’autre pays, pi un autre, pi y a l’Angleterre étou, pi l’Allemagne…
          </alinea>
          <alinea>
            Albert s’était retourné tout d’une pièce. Mais sa voix restait quand même calme.
          </alinea>
          <alinea>— Et puis la France ?</alinea>
          <alinea>— Ben oui ! Je l’ai dit, la France avec.</alinea>
          <alinea>
            Dans le silence on entendit un bruit lointain de tocsin : un bidon que le vent balançait sur un piquet.
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
            , 149-150
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          La scène se prolonge dans le « nuage de fumée des pipes ». Euchariste se souvient qu’Albert vient des vieux pays. Albert prend le journal, le lit et explique les alignements. Il rappelle qu’il est Canadien depuis douze ans — « ça ne me regarde pas ». Euchariste pense à la France, tiraillé entre une affection qui s’ignore — « [le nom de France] n’était pour lui qu’un nom mais il n’avait pas aux lèvres le même goût que les autres » — et une « impossibilité de concevoir ce qui se passait ailleurs » — « Comment ces gens-là pouvaient-ils songer à se battre alors que la moisson n’était pas encore faite ? » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 151).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa21">
        <no>21</no>
        <alinea>
          Euchariste trouve à résoudre son dilemme en pensant que, comme le curé l’a dit, la France est punie pour avoir chassé les prêtres. Albert affirme : « Ils se battront bien sans moi » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 152), et Euchariste découvre, émerveillé, la montée du cours du foin et des grains, un effet de la guerre qui débute. Par le journal viennent des nouvelles du lointain qui produisent des effets, différents pour chacun, et la scène montre à la fois le sentiment de distance et d’étrangeté à l’égard du conflit et l’impossibilité de sa mise à l’écart. Tout aussi bien, l’incompréhension d’Euchariste témoigne de l’incompatibilité entre le temps de la guerre et celui, circulaire, des saisons et des travaux des champs.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa22">
        <no>22</no>
        <alinea>
          La troisième scène place elle aussi en parallèle le cours du foin et les nouvelles de la guerre :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Et voilà qu’un soir, il [Albert] se leva brusquement, tout pâle, hésita, jeta par terre la feuille qu’il lisait et sortit sans mot dire, dans la nuit. Euchariste ramassa le journal. […] Qu’y avait-il là qui pût troubler un homme d’ordinaire aussi calme qu’Albert ? Euchariste passa aux pages intérieures, chercha la cote du foin, vit qu’il avait touché dix-huit piastres et vingt-deux sous et sourit presque en songeant à son fenil, plein jusqu’au faîte.
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
            , 154
          </source>
        </bloccitation>
      </para>
      <para id="pa23">
        <no>23</no>
        <alinea>
          La dernière scène est un dialogue entre Albert et Euchariste, entrecoupé par des réflexions prêtées à chacun des deux personnages par le narrateur. Albert annonce qu’il « faut » qu’il parte ; il explique : « Je ne peux plus rester, monsieur Moisan, ça n’est plus possible, quand je pense que ces cochons d’Alboches sont en France. » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 155) Euchariste ne le retient pas — « Fais à ton idée, Albert, t’es ton maître » —, mais le questionne :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>[…] j’pensais que tu voulais pu retourner là-bas.</alinea>
          <alinea>
            — Ah ! on dit ça, monsieur Moisan. Je peux bien vous l’avouer aujourd’hui… c’est pour ne pas être soldat que je suis parti autrefois. J’ai déserté ; cela c’était facile. Tandis qu’aujourd’hui…
          </alinea>
          <alinea>Il ne trouvait plus ses mots.</alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
            , 155
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Euchariste a des certitudes : « ce qui se passait là-bas était venu toucher au fond d’une calme paroisse du Québec un homme paisible […], la guerre, c’était le départ. […] ses fils ne partiraient pas, puisque cela ne les touchait point. […] l’homme qu’il avait en face de lui [Albert] jamais n’avait été complètement des leurs » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 154). Albert a une question : « Et la question qui lui venait n’était pas pourquoi lui, Albert Chabrol, Français insoumis, allait partir, mais bien pourquoi l’autre ne disait rien, rien, et ne partait pas. » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 155) Pour Albert, le « Français insoumis » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 155), Euchariste est un « véritable déserteur […] que les malheurs de la Patrie laiss[ent] aussi impassible » (
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          , 155).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa24">
        <no>24</no>
        <alinea>
          Plusieurs motifs sont ici entrecroisés. Celui du tocsin de pacotille qui sonne dans la campagne canadienne et qui évoque celui, réel, des campagnes françaises. Celui de la partie de dames, métaphore du conflit, qui montre en petit ce qui se produira en grand : la vie continuera malgré cette guerre, meurtrière pour les Européens, source provisoire de profits pour les paysans comme Euchariste. Enfin, celui du devoir à l’égard de la France, étroit et abstrait d’abord, puis concret et élargi aux descendants de la race française, accepté par Albert, ignoré par Euchariste.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa25">
        <no>25</no>
        <alinea>
          Cette discontinuité du temps et de l’espace de la Grande Guerre par rapport au temps et à l’espace québécois est également présente dans
          <marquage typemarq="italique">Le poids du jour</marquage>
          <renvoi id="re1no40" idref="no40" typeref="note">40</renvoi>
          . La guerre y constitue un motif narratif crucial puisque le héros — un antihéros en fait —, Michel, après avoir découvert fortuitement qu’il n’est pas le fils de celui dont il porte le nom, Ludovic Garneau, mais celui de son parrain, monsieur Lacerte, décide de s’enrôler dans l’armée. Or il sera réformé, à cause de ses pieds. Cela lui permettra de bâtir, à l’écart de la guerre, une fortune sur laquelle édifier sa vie, détachée de tout véritable sentiment sauf l’amour qu’il développera pour ses enfants. La guerre a littéralement lieu
          <marquage typemarq="italique">hors</marquage>
          du roman : il en est question à la fin de la première partie, alors que Michel, tout à sa honte d’être « bâtard », déambule dans la ville, sous la pluie, avec des bottines percées, puis entre au bureau de recrutement, où il contemple une affiche criarde — « L’ARMÉE A BESOIN DE VOUS ! » —, les pieds dans une mare d’eau illuminée par le soleil, et demande à signer un engagement : « Où est-ce qu’on signe
          <renvoi id="re1no41" idref="no41" typeref="note">41</renvoi>
          ? » Il en est ensuite question au début de la seconde partie, l’action romanesque se situant après la fin de la guerre, alors que Michel vient de rembarrer un homme qui, de retour du front, est à la recherche d’un emploi :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Ses pieds, chaussés de bottines solides et bien cirées, étaient à hauteur des yeux. Rien d’anormal à ces pieds. Et pourtant de les voir le fit rire intérieurement. Grâce à eux il avait été rejeté de l’armée alors qu’il s’offrait, poussé par une bouffée d’écoeurement. N’eussent été ses pieds, il serait peut-être celui qui tout à l’heure demandait l’aumône d’un peu de travail
            <renvoi id="re1no42" idref="no42" typeref="note">42</renvoi>
            .
          </alinea>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Il y a bien ellipse : la guerre est placée hors champ mais elle laisse des traces, permet à Michel de passer de ses bottines percées à des bottines « solides et bien cirées ». Pour Michel, il est clair que la guerre, c’est celle des autres, et qu’elle a eu des effets détachés de leur cause. Les vétérans ont peut-être fait la guerre, mais surtout, ils ont été absents…
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa26">
        <no>26</no>
        <alinea>
          Dans
          <marquage typemarq="italique">Confidences</marquage>
          <renvoi id="re1no43" idref="no43" typeref="note">43</renvoi>
          , Ringuet évoque à nouveau la Grande Guerre. La première fois, dans « Quand la mort faisait triple moisson », texte qui porte sur l’épidémie de grippe espagnole à Trois-Rivières, c’est pour rappeler l’annonce de l’armistice :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Puis un jour, nous entendîmes les cloches de la ville sonner à toute volée ! […] La nouvelle était fausse. Lorsque, quelques jours plus tard, ce fut l’armistice pour de vrai, la joie n’avait plus le même goût. Ce n’était qu’une joie de seconde main.
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">CO</marquage>
            , 76
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          La seconde fois, dans « Le nouvel Icare », Ringuet raconte son rêve d’enfant de devenir aviateur et sa déception de s’être enrôlé trop tard, après la conscription, au moment où les camps débordent et où son désir de voler le conduit à faire « la corvée de vaisselle à Valcartier » (
          <marquage typemarq="italique">CO</marquage>
          , 166). Il évoque la participation à l’aviation britannique de ses amis, Victor Barbeau, Louis Arcand, Roger Maillet, Philippe Laferrière. Cette participation à la guerre est étonnamment non belliqueuse, lyrique plutôt : « chacun se sentait pousser des ailes » (
          <marquage typemarq="italique">CO</marquage>
          , 165).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa27">
        <no>27</no>
        <alinea>
          Dans les deux extraits, la guerre est frappée d’irréalité. La fausse nouvelle de l’armistice signale à la fois l’éloignement du conflit et son peu de substance, puisque l’armistice réel se trouve finalement exclu, en quelque sorte : « Ce n’était qu’une joie de seconde main ». Le second extrait déréalise le combat, réduit à des vignettes. Il s’agit avant tout de « voler » : Louis Arcand se contente [euphémisme troublant] de « tomb[er] du ciel » (
          <marquage typemarq="italique">CO</marquage>
          , 165) avant de passer dans un autre régiment ; Roger Maillet, qui s’est en fait illustré par le grand nombre d’avions ennemis qu’il a abattus, « s’envol[e] sur le front » et est présenté comme un « aviateur accompli » (
          <marquage typemarq="italique">CO</marquage>
          , 165), mais sa contribution à la mémoire de la guerre est détachée du conflit, réduite à une image coquette : il laisse « le plus joli portrait d’aviateur » (
          <marquage typemarq="italique">CO</marquage>
          , 165). Comme si la guerre, vue de loin, était une galerie de figures détachées de la matérialité des combats, de la fatalité de la mort.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa28">
        <no>28</no>
        <alinea>
          Un semblable sentiment d’étrangeté frappe le lecteur des mémoires de Robert de Roquebrune,
          <marquage typemarq="italique">Cherchant mes souvenirs</marquage>
          <renvoi id="re1no44" idref="no44" typeref="note">44</renvoi>
          . N’ayant pu retourner à Paris pendant la guerre, Roquebrune et sa femme se dépêchent d’y rentrer sitôt après l’armistice. Ils y seront à la recherche de leurs souvenirs heureux de l’avant-guerre, et le caractère brutal de leur reprise de contact avec la France, au sortir du bateau, illustre bien que la guerre a été pour eux une parenthèse dont ils ne semblent pas avoir perçu jusque-là la réalité :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Au Havre le débarquement eut lieu à la nuit tombante et j’avais le coeur un peu chaviré par la tristesse de l’heure et du lieu. Le port et la ville gardaient l’aspect de la guerre encore si proche. Des soldats belges arpentaient les rues. […] Je ne me sentais pas en France.
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">CMS</marquage>
            , 110
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Le premier contact avec Paris n’est pas différent :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Nous montâmes dans une chambre peu chauffée […]. Mais quoi ! il y avait eu la guerre et il était logique de trouver changé un pays qui sortait à peine d’une telle épreuve. […] Un million et demi de Français tués n’avaient pas vidé les appartements de Paris et des villes de province. On eût dit que tous ces pauvres morts occupaient les maisons de leurs ombres errantes et douloureuses.
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">CMS</marquage>
            , 111
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Il y a eu des morts mais ce sont des « ombres ». La mémoire de la guerre circonscrit donc plutôt le manque, l’absence, basculant dans le non-dit. Et ce manque est encombrant. La Grande Guerre est aussi étrangère au jeune couple, si francophile soit-il, qu’elle l’était à Euchariste Moisan. Elle semble n’avoir d’existence qu’à travers ses effets sur leurs projets individuels, ou dans l’ordre d’un discours dont ils récusent la dimension mémorielle, jugée trop officielle et désincarnée :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Déjà les places de chaque ville et de chaque village étaient encombrées par les « monuments aux morts » de la guerre, hommages touchants et d’une laideur désolante. Des industriels les fabriquaient en série et les vendaient aux municipalités
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">CMS</marquage>
            , 116
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          Le refus de cette mémoire officielle est justifié ici par la laideur des monuments. Mais il ne semble pas y avoir d’autre mémoire. La guerre est-elle occultée dans la recherche de la vie qui continue ?
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa29">
        <no>29</no>
        <alinea>
          Dans tous les cas étudiés, on assiste à la mise entre parenthèses de la Grande Guerre dans l’ordre de la narration. Le caractère crucial de ce qui se trouve alors omis révèle la conviction des auteurs qu’il existe une mémoire individuelle de la Grande Guerre, assez puissante pour nourrir le lecteur et lui permettre d’interpréter le rôle de l’ellipse dans le récit. Si le destin collectif infléchit le destin individuel, c’est individuellement que se joue la dimension mémorielle.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa30">
        <no>30</no>
        <alinea>
          Curieusement, le texte littéraire québécois le plus connu portant sur la Grande Guerre doit sa notoriété au fait qu’il fut censuré. Contrairement aux textes de Ringuet et de Roquebrune, il n’a donc guère pu contribuer à configurer une mémoire de l’expérience des combats. Le roman d’Adolphe Brassard,
          <marquage typemarq="italique">Les mémoires d’un soldat inconnu</marquage>
          <renvoi id="re1no45" idref="no45" typeref="note">45</renvoi>
          , paru en 1939, fut en effet retiré de la circulation, car il nuisait à l’effort de guerre, selon les censeurs. Roman antimilitariste dans lequel la vie de tranchée, l’horreur des combats et les appétits des grands capitalistes sont abondamment illustrés et commentés, ce texte se présente comme la transcription du calepin d’un soldat canadien mort dans une absurde échauffourée après l’Armistice. Il fera partie des cadavres expédiés pour « occuper » les tombes des soldats inconnus. On y retrouve le type de descriptions présentes dans les premiers récits publiés dans
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          , de même que des anecdotes frappantes par la brièveté de leur narration et par leur dimension vivante et inattendue. Mais cet ouvrage, qui joint à la mémoire intime une interprétation générale pacifiste, n’a pas été lu.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n6">
      <no>6</no>
      <titre traitementparticulier="oui">+</titre>
      <para id="pa31">
        <no>31</no>
        <alinea>
          Réduite au rang de parenthèse dans la vie collective, désignée comme ce qui doit être dépassé et oublié, la Grande Guerre ne semble pas avoir donné lieu à une récapitulation mémorielle qui prenne en considération la dispersion des récits entraperçus dans le discours commun de la période du conflit
          <renvoi id="re1no46" idref="no46" typeref="note">46</renvoi>
          . Cet échec de la mémoire commune des combats n’est pas que littéraire, comme l’a déjà affirmé Robert Comeau :
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Les Québécois ne semblent avoir retenu de la Grande Guerre que cette manifestation [celle de Québec, contre la conscription], sanglante certes, mais sans commune mesure avec l’horreur des tranchées que pourtant de nombreux Canadiens ont connue
            <renvoi id="re1no47" idref="no47" typeref="note">47</renvoi>
            .
          </alinea>
        </bloccitation>
        <alinea>
          À la lumière de nos précédentes analyses, nous pouvons avancer que cet échec, perceptible dans la rareté des traces du conflit dans le discours littéraire légitimé qui suit la Grande Guerre, et dans sa réduction à une présence en creux chez Roquebrune et Ringuet, deux des auteurs les plus importants de l’entre-deux-guerres, trouve sa source dans la nature intime et non synthétique des matériaux mémoriels premiers qui circulent pendant la guerre et dans les caractéristiques des supports sur lesquels ils circulent.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa32">
        <no>32</no>
        <alinea>
          En effet, les témoignages liés aux combats s’offrent comme des bribes de récits dispersés. La distance est incommensurable entre leur caractère immédiat et intime et la nature des discours officiels qui circulent concurremment, dans la photographie et la cinématographie autorisées, dans
          <marquage typemarq="italique">L’Aide à la France</marquage>
          , dans les commentaires de journaux comme
          <marquage typemarq="italique">Le Devoir</marquage>
          . Cet écart empêche la configuration d’une mémoire de la guerre en un récit intégrant les détails intimes car les discours officiels en gomment les images réelles en interposant une interprétation du conflit toujours déjà là, sans les prendre en compte, les évacuant comme des déchets. Privé de cette dispersion narrative, le lecteur qui cherche à comprendre la Grande Guerre en se la remémorant est empêché de mener le travail de préfiguration
          <renvoi id="re1no48" idref="no48" typeref="note">48</renvoi>
          qui conduit à la configuration d’un récit mémoriel. Ainsi, les ellipses mises en oeuvre par Ringuet sont-elles inaccessibles à ceux qui ne savent pas qu’il existe ou qu’il devrait exister une mémoire québécoise de la Grande Guerre.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa33">
        <no>33</no>
        <alinea>
          Sans doute le caractère personnel, irrémédiablement non collectif des récits des volontaires a-t-il contribué à la non-légitimité de leur témoignage et à leur évacuation dans les poubelles de l’histoire. Mais il faut remarquer les effets des supports sur lesquels circulent ces textes. Le peu d’intérêt accordé à ce qui circule dans les journaux populaires comme
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          et
          <marquage typemarq="italique">La Patrie</marquage>
          <renvoi id="re1no49" idref="no49" typeref="note">49</renvoi>
          , pendant et après le conflit, nous semble ici jouer un rôle crucial. La fixation de la critique littéraire sur la « belle écriture », et celle des historiens sur les textes des ténors de l’idéologie nationaliste, a conduit à occulter ce que l’on pouvait lire et voir dans les journaux plus populaires, ceux qui présentent davantage d’images et de publicités et qui vivent de l’accumulation des témoignages et des faits divers. D’où la réduction de l’enchevêtrement des récits au profit des seules synthèses, distanciées certes, mais sans prise sur les matériaux premiers. Les rares lambeaux de récits qui, dans l’ordre littéraire, introduisaient la dispersion et le nombre ou rendaient compte de la béance de l’occultation, publiés au sein de recueils ou de romans, n’ont pas non plus fait l’objet d’une reprise mémorielle qui les singulariserait pour les insérer dans une autre trame narrative. Ils n’ont pas apporté leur matérialité têtue à l’accumulation des archives susceptibles d’offrir des événements pour une mise en intrigue. Ils ont été oubliés. Ce qui a prévalu dans la mémoire commune, c’est la certitude d’une absence et d’une ignorance à l’égard de la Grande Guerre, auxquelles la lecture des journaux populaires de la période apporte pourtant un démenti flagrant. Cette mémoire, officielle, se lit dans la poésie patriotique, les entreprises caritatives de l’élite, les séquences vides d’actions de la propagande nationale. L’autre, celle qui était appelée par les textes qui n’ont pas été relus pour être intégrés à une synthèse dans laquelle la mémoire intime aurait statut de matériau, est toujours en attente. Nous pouvons dire, avec Paul Ricoeur : « Une force retorse d’oubli est à l’oeuvre ici résultant de la dépossession des acteurs sociaux de leur pouvoir originaire de se raconter eux-mêmes
          <renvoi id="re1no50" idref="no50" typeref="note">50</renvoi>
          . » C’est à ces acteurs originaux que la lecture et l’analyse, même tardives, peuvent restituer une dignité, qui tient au fait que, se racontant, chacun contribue à la complexité et à la justesse d’une fresque narrative générale, celle à laquelle aspirait le peintre de batailles d’Arturo Pérez-Reverte et à laquelle devrait aspirer toute collectivité, si enchevêtrés que soient les récits.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
  </corps>
  <partiesann lang="fr">
    <grnotebio>
      <notebio id="nb1" idrefs="au1" lang="fr">
        <alinea>
          <marquage typemarq="gras">MICHELINE CAMBRON</marquage>
          est professeure au Département d’études françaises de l’Université de Montréal. Spécialiste de la littérature québécoise des
          <marquage typemarq="petitecap">xix</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          et
          <marquage typemarq="petitecap">xx</marquage>
          <exposant>e</exposant>
          siècles, ses activités de recherche ont principalement porté sur les formes de l’utopie, sur les relations entre presse et littérature et sur les questions d’histoire littéraire (archives, récits, lecture et non-lecture). Depuis 2006, elle codirige, avec Denis Saint-Jacques et Lucie Robert, une équipe interdisciplinaire,
          <marquage typemarq="italique">
            Penser l’histoire de la vie culturelle
          </marquage>
          . Spécialiste des travaux de Paul Ricoeur et de Fernand Dumont, Micheline Cambron aborde les oeuvres dans la perspective du récit considéré comme outil heuristique.
        </alinea>
      </notebio>
    </grnotebio>
    <grnote>
      <note id="no1">
        <no>1</no>
        <alinea>
          Voir, pour ce qui est des romans montréalais, Micheline Cambron, « Une ville sans trésor », Madeleine Frédéric (dir.),
          <marquage typemarq="italique">Montréal, mégapole littéraire</marquage>
          , Bruxelles, Centre d’études canadiennes de l’Université libre de Bruxelles, 1992, p. 7-35. La majorité des romans non montréalais offrent une représentation semblable. Ainsi en est-il du roman de Pierre-J.-Olivier Chauveau,
          <marquage typemarq="italique">
            Charles Guérin. Roman de moeurs canadiennes
          </marquage>
          , où dans l’épilogue est évoquée en un paragraphe la participation secrète du héros aux Rébellions (Montréal, Fides, coll. « du Nénuphar », 1978 [1853], p. 350).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no2">
        <no>2</no>
        <alinea>
          Cette figure est emblématique et possède une forte dimension identitaire, comme en témoigne sa dissémination dans un ensemble considérable d’objets culturels détachés du conflit lui-même. Voir Marianne Thibault, avec la collaboration de Marie-Frédérique Desbiens, « Les représentations des Patriotes dans l’art québécois. Le cas d’Henri Julien »,
          <marquage typemarq="italique">Bulletin d’histoire politique</marquage>
          , vol. XII, n
          <exposant>o</exposant>
          1, automne 2003, p. 28-42.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no3">
        <no>3</no>
        <alinea>
          Arturo Pérez-Reverte,
          <marquage typemarq="italique">Le peintre de batailles</marquage>
          , traduit de l’espagnol par François Maspero, Paris, Éditions du Seuil, 2007, 282 p.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no4">
        <no>4</no>
        <alinea>
          Roch Legault et Jean Lamarre (dir.),
          <marquage typemarq="italique">
            La Première Guerre mondiale et le Canada. Contributions sociomilitaires québécoises
          </marquage>
          , Montréal, Éditions du Méridien, coll. « Histoire militaire », 1999, 269 p.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no5">
        <no>5</no>
        <alinea>
          Dossier sous la direction de Mourad Djebabla-Brun,
          <marquage typemarq="italique">Bulletin d’histoire politique</marquage>
          , vol. XVII, n
          <exposant>o</exposant>
          2, hiver 2009.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          Voir Robert Comeau, « L’opposition à la conscription au Québec », Roch Legault et Jean Lamarre (dir.),
          <marquage typemarq="italique">
            La Première Guerre mondiale et le Canada
          </marquage>
          , p. 91-109.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no7">
        <no>7</no>
        <alinea>
          Myriam Levert, « Le Québec sous le règne d’Anastasie. L’expérience censoriale durant la Première Guerre mondiale »,
          <marquage typemarq="italique">Revue d’histoire de l’Amérique française</marquage>
          , vol. LVII, n
          <exposant>o</exposant>
          3, hiver 2004, p. 333-364, en ligne :
          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls1" xlink:type="simple" xlink:href="http://id.erudit.org/iderudit/009592ar">http://id.erudit.org/iderudit/009592ar</liensimple>
          (page consultée le 14 février 2012).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          Voir Mourad Djebabla-Brun,
          <marquage typemarq="italique">
            La confrontation des civils québécois et ontariens à la Première Guerre mondiale, 1914-1918. Les représentations de la guerre au Québec et en Ontario
          </marquage>
          , thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, 2008, 451 f. L’auteur traite principalement des publications en brochures et en livres.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no9">
        <no>9</no>
        <alinea>
          Pierre Vennat,
          <marquage typemarq="italique">
            Les « poilus » québécois de 1914-1918. Histoire des militaires canadiens-français de la Première Guerre mondiale
          </marquage>
          , t. I, Montréal, Éditions du Méridien, 1999, 368 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle
          <marquage typemarq="italique">LPQ</marquage>
          suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no10">
        <no>10</no>
        <alinea>
          Ce gouvernement est favorable au soutien de l’effort de guerre britannique et promulguera la conscription en 1918.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no11">
        <no>11</no>
        <alinea>
          Le discours publicitaire, pourtant éloquent, est exclu. Même s’il ne pratique pas la critique des sources habituelle au discours historiographique, il faut rendre hommage à la sagacité et à la générosité de chercheur de Vennat. Je renvoie donc à la fois aux numéros des pages de Vennat, plus accessibles, et aux dates de la parution dans le journal données par lui, lesquelles ont été vérifiées. Le seul écart entre la source identifiée et le microfilm auquel nous avons eu accès pourrait être lié aux différences entre les éditions du matin et du soir.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no12">
        <no>12</no>
        <alinea>
          Ce n’est cependant pas un détail. La Grande Guerre donne lieu au développement de principes d’hygiène visant à contrer l’affection dite du « pied des tranchées ». Voir Bill Rawling, « L’autre victoire. Les unités de santé du Corps d’armée canadien et la guerre contre la maladie, 1915-1918 », Roch Legault et Jean Lamarre (dir.),
          <marquage typemarq="italique">
            La Première Guerre mondiale et le Canada
          </marquage>
          , p. 177-193.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no13">
        <no>13</no>
        <alinea>
          L’examen sommaire des « unes » du journal
          <marquage typemarq="italique">La Patrie</marquage>
          révèle que les manchettes portent quasi exclusivement sur la guerre.
          <marquage typemarq="italique">La Patrie</marquage>
          est en ces années un journal destiné explicitement à la classe ouvrière et qui comporte davantage d’images que de textes. L’étude des images de la guerre dans ce journal reste à faire.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no14">
        <no>14</no>
        <alinea>
          Une conférence d’Asselin, prononcée le 21 janvier 1916 au Monument-National, avait été publiée sous forme de brochure par le ministère de la Milice et de la Défense pour promouvoir l’enrôlement des Canadiens français. Voir à ce sujet Hélène Pelletier-Baillargeon,
          <marquage typemarq="italique">Olivar Asselin et son temps</marquage>
          , vol. I :
          <marquage typemarq="italique">Le militant</marquage>
          , Montréal, Fides, 1996, p. 659-705.
          <marquage typemarq="italique">Le Nationaliste</marquage>
          publie le 27 février 1916 un éditorial qui s’objecte à la prise de position d’Asselin, sans le nommer. Inutile de dire que
          <marquage typemarq="italique">La Presse</marquage>
          , de son côté, publicise la brochure.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no15">
        <no>15</no>
        <alinea>
          Notons cependant que «
          <marquage typemarq="italique">Le Devoir</marquage>
          accorde de l’espace publicitaire gratuitement au gouvernement pour faire la promotion des bons de la Victoire et pour la campagne de la Croix-Rouge. De 1914 à 1917, la valeur de l’espace accordé s’élève à 1 715,40 $ ». Myriam Levert, « Le Québec sous le règne d’Anastasie. L’expérience censoriale durant la Première Guerre mondiale », p. 345.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no16">
        <no>16</no>
        <alinea>
          Fabrice d’Almeida et Christian Delporte, « Médias, propagande et patriotisme (1914-1918) »,
          <marquage typemarq="italique">
            Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours
          </marquage>
          , Paris, Flammarion, coll. « Champs/Histoire », 2003, p. 17-54.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no17">
        <no>17</no>
        <alinea>
          Myriam Levert, « Le Québec sous le règne d’Anastasie. L’expérience censoriale durant la Première Guerre mondiale », p. 339.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no18">
        <no>18</no>
        <alinea>
          Plusieurs missives d’Olivar Asselin sont caviardées ; voir Hélène Pelletier-Baillargeon,
          <marquage typemarq="italique">Olivar Asselin et son temps</marquage>
          , vol. II :
          <marquage typemarq="italique">Le volontaire</marquage>
          , Montréal, Fides, 2001, p. 122, entre autres.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no19">
        <no>19</no>
        <alinea>
          Claude Beauregard, « La Première Guerre mondiale. De la guerre totale à la censure totale. Le cas de la photographie et du cinéma », et Germain Lacasse, « L’écran de l’état. La propagande cinématographique pendant la Première Guerre mondiale », Roch Legault et Jean Lamarre (dir.),
          <marquage typemarq="italique">La Première Guerre mondiale et le Canada</marquage>
          , p. 111-145 et p. 147-162.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no20">
        <no>20</no>
        <alinea>
          Germain Lacasse, « L’écran de l’état. La propagande cinématographique pendant la Première Guerre mondiale », p. 155.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no21">
        <no>21</no>
        <alinea>
          Le traitement canadien de l’image n’est pas exceptionnel. D’Almeida et Delporte écrivent, à propos de la France : « l’historien qui voit ces documents [les clichés et les reportages publiés par le Service photographique de l’armée française] est frappé par des absences et doute d’avoir suffisamment regardé. Manquent en effet des images essentielles : celles de la bataille » ; Fabrice d’Almeida et Christian Delporte, « Médias, propagande et patriotisme (1914-1918) », p. 38.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no22">
        <no>22</no>
        <alinea>
          Mourad Djebabla-Brun,
          <marquage typemarq="italique">
            La confrontation des civils québécois et ontariens à la Première Guerre mondiale
          </marquage>
          , 1914-1918», f. 103.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no23">
        <no>23</no>
        <alinea>
          Ulric Barthe,
          <marquage typemarq="italique">
            Similia Similibus ou la guerre au Canada. Essai romantique sur un sujet d’actualité
          </marquage>
          , Québec, Imprimerie Cie du « Telegraph », 1916, 254 p.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no24">
        <no>24</no>
        <alinea>
          Jules Jehin Prume,
          <marquage typemarq="italique">
            Les aventures extraordinaires de deux Canayens. Charivari littéraire et scientifique
          </marquage>
          , Montréal, A.-P. Pigeon, 1918, 114 p.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no25">
        <no>25</no>
        <alinea>
          Un inventaire commenté est présenté dans la thèse de Mourad Djebabla-Brun,
          <marquage typemarq="italique">
            La confrontation des civils québécois et ontariens à la Première Guerre mondiale, 1914-1918
          </marquage>
          , f. 208-218. Une analyse féconde de ce corpus supposerait une excellente connaissance des images de la guerre qui circulaient alors dans les journaux populaires et il est impossible d’en traiter dans cet article.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no26">
        <no>26</no>
        <alinea>
          Albert Lozeau,
          <marquage typemarq="italique">
            Lauriers et feuilles d’érable
          </marquage>
          , Montréal, Édition du Devoir, 1916, 154 p.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no27">
        <no>27</no>
        <alinea>
          <marquage typemarq="italique">Ibid.</marquage>
          , p. 50 (sonnet intitulé « La neige »).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no28">
        <no>28</no>
        <alinea>
          L’inventaire des poèmes publiés dans les périodiques de l’époque reste à faire.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no29">
        <no>29</no>
        <alinea>
          Paul Morin,
          <marquage typemarq="italique">Poèmes de cendre et d’or</marquage>
          , dans
          <marquage typemarq="italique">Oeuvres poétiques</marquage>
          , Montréal, Fides, coll. « du Nénuphar », 1961 [1922], p. 149-298. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle
          <marquage typemarq="italique">PCO</marquage>
          suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no30">
        <no>30</no>
        <alinea>
          Impossible de ne pas rapprocher ce « talon » des images de Verhaeren lui-même, qui exprime à la fois la dissémination et le choc de la guerre en évoquant les pas des armées ennemies dans « Le monde s’arme » : « Les marteaux de leurs pas » ; « les pas autoritaires » ; « les tenaces battements ». Voir Emile Verhaeren,
          <marquage typemarq="italique">
            Les ailes rouges de la guerre
          </marquage>
          , Paris, Mercure de France, 1916, p. 9-13.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no31">
        <no>31</no>
        <alinea>
          Le poète, mort frappé par un train à Rouen, ne sera pas recueilli au Panthéon, soit parce que la famille a décliné la proposition — c’est la version de Wikipédia, reprise à l’identique sur une dizaine de sites —, soit parce que le gouvernement belge s’y est opposé, selon le Service du livre luxembourgeois (en ligne :
          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls2" xlink:type="simple" xlink:href="http://www.servicedulivre.be/fiches_auteurs/v/verhaeren.html">
            http://www.servicedulivre.be/fiches_auteurs/v/verhaeren.html
          </liensimple>
          , page consultée le 4 mars 2012).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no32">
        <no>32</no>
        <alinea>
          François Dosse,
          <marquage typemarq="italique">
            Paul Ricoeur et Michel de Certeau. L’histoire : entre le dire et le faire
          </marquage>
          , Paris, L’Herne, coll. « Glose », 2006, p. 139.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no33">
        <no>33</no>
        <alinea>
          Gonzalve Desaulniers,
          <marquage typemarq="italique">
            Pour la France. Lettre d’une petite Canadienne française à son fiancé se battant quelque part en France dans les rangs du 22
          </marquage>
          <exposant>e</exposant>
          <marquage typemarq="italique">bataillon</marquage>
          , Montréal, Librairie Beauchemin limitée, 1918, 12 p.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no34">
        <no>34</no>
        <alinea>
          <marquage typemarq="italique">Ibid.</marquage>
          , p. 12
        </alinea>
      </note>
      <note id="no35">
        <no>35</no>
        <alinea>
          <marquage typemarq="italique">Ibid.</marquage>
          , p. 11.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no36">
        <no>36</no>
        <alinea>
          Le vol. I, n
          <exposant>o</exposant>
          1 est daté du vendredi 7 juin 1918. Il semble qu’il y ait eu au moins trois numéros, dont deux sont conservés à BAnQ. Nous nous pencherons sur le premier numéro, que François Hébert nous a communiqué (qu’il en soit ici remercié). Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle
          <marquage typemarq="italique">ALF</marquage>
          suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no37">
        <no>37</no>
        <alinea>
          « Avec le support distingué de Ses Excellences le duc et la duchesse de Devonshire ». Nous traduisons.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no38">
        <no>38</no>
        <alinea>
          Le consul de France et son épouse, sir Évariste et lady LeBlanc, sir Lomer et lady Gouin, et les deux présidentes de l’Aide à la France, Madame Thibaudeau et lady Williams-Taylor.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no39">
        <no>39</no>
        <alinea>
          Voir Ringuet,
          <marquage typemarq="italique">Trente arpents</marquage>
          , Montréal, Fides, coll. « du Nénuphar », 1969 [1938], 306 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle
          <marquage typemarq="italique">TA</marquage>
          suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no40">
        <no>40</no>
        <alinea>
          Ringuet,
          <marquage typemarq="italique">Le poids du jour</marquage>
          , Montréal, Les Éditions Variétés, Dussault et Péladeau, 1949, 410 p.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no41">
        <no>41</no>
        <alinea>
          <marquage typemarq="italique">Ibid.</marquage>
          , p. 136.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no42">
        <no>42</no>
        <alinea>
          <marquage typemarq="italique">Ibid.</marquage>
          , p. 148.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no43">
        <no>43</no>
        <alinea>
          Ringuet,
          <marquage typemarq="italique">Confidences</marquage>
          , Montréal/Paris, Fides, 1965, 198 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle
          <marquage typemarq="italique">CO</marquage>
          suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no44">
        <no>44</no>
        <alinea>
          Robert de Roquebrune,
          <marquage typemarq="italique">
            Cherchant mes souvenirs, 1911-1940
          </marquage>
          , Montréal, Fides, coll. « du Nénuphar », 1968, 243 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle
          <marquage typemarq="italique">CMS</marquage>
          suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no45">
        <no>45</no>
        <alinea>
          Adolphe Brassard,
          <marquage typemarq="italique">
            Les mémoires d’un soldat inconnu
          </marquage>
          , Montréal, [s. n.], 1939, 208 p. Bernard Valiquette agissait comme éditeur-distributeur. Voir Pierre Hébert, « Les mémoires d’un soldat inconnu », Pierre Hébert, Yves Lever et Kenneth Landry,
          <marquage typemarq="italique">
            Dictionnaire de la censure au Québec. Littérature et cinéma
          </marquage>
          , Montréal, Fides, 2006, p. 465-467.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no46">
        <no>46</no>
        <alinea>
          Il faudrait ajouter à ces récits les mémoires d’Arthur-Joseph Lapointe,
          <marquage typemarq="italique">
            Souvenirs et impressions de ma vie de soldat (1916-1919). Vingt-deuxième Bataillon (1917-1918)
          </marquage>
          , Saint-Ulric, [s. n.], 1919, 109 p., qui auraient connu des rééditions en 1930 et 1944. Voir Mourad Djebabla-Brun, «
          <marquage typemarq="italique">
            Souvenirs et impressions de ma vie de soldat
          </marquage>
          , d’A.-J. Lapointe. Rare témoignage d’un ancien combattant canadien-français de la Grande Guerre »,
          <marquage typemarq="italique">Bulletin d’histoire politique</marquage>
          , vol. XVII, n
          <exposant>o</exposant>
          2, hiver 2009, p. 111-124.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no47">
        <no>47</no>
        <alinea>
          Robert Comeau, « L’opposition à la conscription au Québec », p. 92.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no48">
        <no>48</no>
        <alinea>
          Nous empruntons ce concept à Paul Ricoeur. Voir Paul Ricoeur,
          <marquage typemarq="italique">Temps et récit</marquage>
          , t. I, Paris, Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1983, p. 87-101.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no49">
        <no>49</no>
        <alinea>
          Le traitement de la guerre dans ce journal et, surtout, le discours favorable aux ouvriers qui colore le traitement de l’immédiat après-guerre sont extrêmement étonnants.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no50">
        <no>50</no>
        <alinea>
          Paul Ricoeur,
          <marquage typemarq="italique">
            La mémoire, l’histoire, l’oubli
          </marquage>
          , Paris, Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2000, p. 580.
        </alinea>
      </note>
    </grnote>
  </partiesann>
</article>

Translating Mad Cow Disease: A Case Study of Subtitling for a Television News Magazine (Meta)

html / PDF : https://www.erudit.org/fr/revues/meta/2012-v57-n2-meta0432/1013955ar/

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  <admin>
    <infoarticle>
      <idpublic scheme="doi">10.7202/1013955ar</idpublic>
      <pagination>
        <ppage>439</ppage>
        <dpage>463</dpage>
      </pagination>
    </infoarticle>
    <revue id="meta15" lang="fr en es">
      <titrerev>Meta</titrerev>
      <sstitrerev>Journal des traducteurs</sstitrerev>
      <titrerevparal lang="en">Meta</titrerevparal>
      <sstitrerevparal lang="en">Translators’ Journal</sstitrerevparal>
      <titrerevabr>meta</titrerevabr>
      <idissn>0026-0452</idissn>
      <idissnnum>1492-1421</idissnnum>
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        <fonction lang="fr">Directrice</fonction>
        <nompers>
          <prenom>Sylvie</prenom>
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          <prenom>Georges</prenom>
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      <volume>57</volume>
      <nonumero>2</nonumero>
      <pub>
        <periode>Juin</periode>
        <annee>2012</annee>
      </pub>
      <pubnum>
        <date typedate="publication">2013-02-04</date>
      </pubnum>
      <grtheme id="th1">
        <theme>La manipulation de la traduction audiovisuelle</theme>
        <themeparal lang="en">The Manipulation of Audiovisual Translation</themeparal>
      </grtheme>
      <idisbn13>978-2-7606-3161-8</idisbn13>
    </numero>
    <editeur>
      <nomorg>Les Presses de l’Université de Montréal</nomorg>
    </editeur>
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      <nomorg>Érudit</nomorg>
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    <droitsauteur>
      Tous droits réservés ©
      <nomorg>Les Presses de l’Université de Montréal</nomorg>
      , 2012
    </droitsauteur>
  </admin>
  <liminaire>
    <grtitre>
      <surtitre>Broadcasting with Intent</surtitre>
      <titre>
        Translating Mad Cow Disease: A Case Study of Subtitling for a Television News Magazine
      </titre>
    </grtitre>
    <grauteur>
      <auteur id="au1">
        <nompers>
          <prenom>Ji-Hae</prenom>
          <nomfamille>Kang</nomfamille>
        </nompers>
        <affiliation>
          <alinea>Ajou University, Suwon, Republic of Korea</alinea>
        </affiliation>
        <courriel>
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        </courriel>
      </auteur>
    </grauteur>
    <resume typeresume="resume" lang="en">
      <alinea>
        This paper explores how discourse is reframed in audiovisual translation in a well-known South Korean television news magazine,
        <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
        [
        <marquage typemarq="italique">PD Notebook</marquage>
        ]. The episode under consideration raised serious questions regarding the safety of US beef and the conduct of South Korean officials responsible for negotiating imported beef in the Korea-US Free Trade Agreement talks. The program, which contained sound bites of interviews in English subtitled in Korean, created uproar in the South Korean society and played a significant role in touching off many months of massive street rallies against the government for its alleged sloppy handling of the beef import negotiation talks. Based on the view that subtitling for television news is a practice of “entextualization,” the study argues that (1) different degrees of discursive transformations in the target text cumulatively work to support and exaggerate the risk of the transmission of mad cow disease as a result of eating American beef; and (2) the discursive transformation is reinforced by institutionally defined roles and procedures for target text production. The findings suggest that one of the main criteria for the selection of target text expressions may be the narrative relevance of the political slant of the translation to the story of the program. Furthermore, the narrative of the target text may not necessarily be consensually co-constructed by participants. On the contrary, it is often a product of conflict-ridden processes that are characterized by tensions and differences in power relationships among people in different roles in the media institution.
      </alinea>
    </resume>
    <resume typeresume="resume" lang="fr">
      <alinea>
        Le présent article explore le processus de transformation d’un discours par la traduction audiovisuelle dans un épisode d’un magazine d’informations télévisées coréennes bien connu,
        <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
        [
        <marquage typemarq="italique">PD Notebook</marquage>
        ]. L’épisode en question a soulevé de graves questions concernant les risques liés à la consommation de la viande provenant des États-Unis, et la conduite des agents du gouvernement coréen, responsables de la négociation des importations de viande de boeuf dans le contexte des accords entre la Corée et les États-Unis sur le libre-échange. L’émission contenait des extraits sonores d’entretiens et des informations filmées en anglais, qui avaient été traduites en coréen pour les spectateurs. L’épisode a provoqué un tollé dans la société coréenne et a joué un rôle de catalyseur des manifestations massives qui suivirent contre le laxisme du gouvernement dans les négociations sur l’importation de la viande de boeuf. En se fondant sur l’approche du sous-titrage télévisé comme pratique d’« entextualisation », notre étude soutient que (1) des degrés variés de transformation discursive dans le texte traduit s’accumulent pour aboutir à la validation et l’exagération des risques de transmission de la maladie de la vache folle associés à la consommation de boeuf provenant des États-Unis, et (2) la transformation discursive est renforcée par des rôles et procédures définis au niveau institutionnel dans la production du texte traduit. Ces constatations suggèrent que l’un des principaux critères de choix dans les expressions cibles est la pertinence narrative du point de vue politique du texte traduit avec la structure de l’émission. De plus, il semble que le processus de traduction ne soit pas nécessairement l’aboutissement d’un consensus au sein d’un groupe de participants. Au contraire, le résultat est souvent le produit d’un processus parsemé de conflits, caractérisés par des tensions et des relations de pouvoir entre des personnes assignées à différents rôles.
      </alinea>
    </resume>
    <grmotcle lang="en">
      <motcle>institutional translation</motcle>
      <motcle>entextualization</motcle>
      <motcle>subtitling</motcle>
      <motcle>news</motcle>
      <motcle>narrative relevance</motcle>
    </grmotcle>
    <grmotcle lang="fr">
      <motcle>traduction institutionnelle</motcle>
      <motcle>entextualisation</motcle>
      <motcle>sous-titrage</motcle>
      <motcle>nouvelles</motcle>
      <motcle>cohérence narrative</motcle>
    </grmotcle>
  </liminaire>
  <corps>
    <section1 id="s1n1">
      <no>1</no>
      <titre>1. Introduction</titre>
      <para id="pa1">
        <no>1</no>
        <alinea>
          When translation is suspected of having played a role in a major conflict, both the process and product of translation often become topics of intense debate and scrutiny. To have such attention focused on translation is unusual, given that translation, as a subset of the larger sets of transmission and mediation, generally upholds an image of transparency and immediacy, despite the complexity in the actual transfer and delivery process (Cronin 2003). As is the case with many systems of mediation, translation frequently makes an experience self-evident and the mediators invisible from the view of the end user, concealing the intricate and complicated problems related to agents, processes, and effects of mediation. Furthermore, transparency and immediacy become such an overriding imperative that an attempt to uncover the channel of transmission is often considered abnormal or fastidious and is even resisted by practitioners and the general public. However, when translation finds itself at the center of a conflict, the mediation processes are examined and possible motivations are explored in detail. The revelation of detailed information that would otherwise not be available and the clash in related parties’ perspectives about translation provide an opportunity to gain insight into how translation practice is approached, perceived, and carried out in specific contexts.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa2">
        <no>2</no>
        <alinea>
          When the debate centers on audiovisual translation (AVT) occurring in an institutional setting – more specifically, on subtitling for a television news magazine at a broadcasting network – discussions tend to become more complicated and volatile due to what Díaz Cintas and Remael (2007: 55) refer to as “subtitling’s vulnerability.” Compared to other forms of translation, subtitling is unique in that the source text (ST) is exposed to the viewers and thus, available for comparison and criticism by anyone who has knowledge of the source language. This aspect of subtitling has led scholars such as Gottlieb (1994: 102) to describe subtitling as an “overt type of translation,” based on House (1981). Yet, the illusion of transparency and invisibility of subtitles remains strong due to their nature to instruct viewers to disregard the distinction between the original and translation and the belief that subtitles best serve their purpose when viewers do not notice them. As subtitling occurs “
          <marquage typemarq="italique">a posteriori</marquage>
          on the original programme, flashes in and out at the bottom of the screen, but pretends not to be there” (Díaz Cintas and Remael 2007: 40), the paradoxical processes of self-effacement and intervention-revelation are simultaneously at work. Thus, the enflamed debate about subtitling in situations of conflict reveals complicated clashes of views on interpretation of meaning and translation of semiotic texts.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa3">
        <no>3</no>
        <alinea>
          Furthermore, AVT in a broadcasting company is an instance of “institutional translation” (Kang 2009; 2010), in which translation is carried out by actors fulfilling certain institutional roles, under institutionally designated procedures and guidelines, to serve certain institutional interests. Power relationships in an institutional context or a translator’s place within the institutional framework usually remain unseen until problematic translation and the ensuing scrutiny reveal the hidden processes and structures. Thus, in a situation of conflict, factors such as institutional processes that make the ST subordinate to the purpose of the new context, the process of identity negotiation for the institutional translator, moral dilemmas in interactions between parties with dissimilar ideological commitments, the forming and maintaining of delicate working arrangements, and the problematical conditions of work suddenly become important objects of inquiry.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa4">
        <no>4</no>
        <alinea>
          The aim of this paper is to explore a case of subtitling of a television news magazine program by examining the extent to which different degrees of transformation of meaning in the process of target text (TT) production may reframe the original text. Based on the assumption that media discourse not only represents reality but also constitutes it (Fairclough 1995), the present study investigates translation in a well-known South Korean television program,
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          [
          <marquage typemarq="italique">PD Notebook</marquage>
          ], produced by Munhwa Broadcasting Corporation (MBC), one of the largest broadcasting companies in the country. The episode in question, entitled
          <marquage typemarq="italique">
            Mikwuksan Soykoki, Kwayen Kwangwupyengeyse Ancenhanka
          </marquage>
          [
          <marquage typemarq="italique">
            US Beef, Is It Really Safe from Mad Cow Disease
          </marquage>
          ], raises serious questions regarding the safety of US beef and the conduct of South Korean officials responsible for negotiating beef imports in the Korea-US Free Trade Agreement talks. This 2008 episode created uproar in the South Korean society and played a significant role in touching off many months of massive street rallies against the government for its alleged sloppy beef import deal with the US. Shortly after the program was aired, serious questions arose regarding the accuracy of the report and its translation. The episode contained sound bites from interviews and video footage in English, all of which were subtitled in Korean. At the center of the controversy was a translator of the episode who made allegations against the production team for engaging in an act of “intentional mistranslation” (Jeong 2009a: 10).
          <renvoi id="re1no1" idref="no1" typeref="note">1</renvoi>
          The media coverage of this controversy and legal debates that followed disclosed to the public many aspects of the TT production process at the broadcasting company.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa5">
        <no>5</no>
        <alinea>
          Given that this case was at the center of public debates and legal battles in South Korea, some parts of the discussion regarding translation have already been addressed in legal documents and news reports. Most of these discussions focused on the factuality of the report, associated with both translational and non-translational aspects of the program. The debates that did concentrate on translation tended to represent this case as an instance of “mistranslation,
          <marquage typemarq="italique">”</marquage>
          as evidenced by the prevalent use of this word in discussions (Kim 2008;
          <renvoi id="re1no2" idref="no2" typeref="note">2</renvoi>
          Jeong 2009a [see note 1]; Jin 2010;
          <renvoi id="re1no3" idref="no3" typeref="note">3</renvoi>
          Won 2010;
          <renvoi id="re1no4" idref="no4" typeref="note">4</renvoi>
          Shin and Baek 2009
          <renvoi id="re1no5" idref="no5" typeref="note">5</renvoi>
          ), and tried to locate fault or place blame for the state-of-affairs by scrutinizing “mistranslation.” What this paper hopes to show is that to view this case simply in terms of “mistranslation” on the part of the translator or any other party fails to capture the complexity of the role translation plays in relaying and shaping meaning in a situation of conflict. What will hopefully become clear in the ensuing discussion is that the interpretation, representation, and attribution of meaning, especially vague or opaque meaning, in media translation is sensitive to institutional forces that play an important role in creating an intellectual context for conflict.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          This paper also considers how this case relates to the assumptions or arguments made in media translation research. Discussions of news media translation have centered on how the transfer between languages in news organizations is not considered an act of “translation” by the very people participating in it (Bielsa and Bassnett 2009). Furthermore, news media translation is often investigated as an act carried out by “fixers” (Palmer and Fontan 2007), journalists (Conway 2010; van Doorslaer 2010), or editors (Stetting 1989), who view the translingual and transcultural mediation not as translation but as something “merely instrumental, one tool among others” (Conway 2010: 980). Media translation research has also concentrated on institutional positioning of translators in terms of how their positioning affects the manifestation in the TT of news organizations’ goals and ideologies (Schäffner 2008; Valdeón 2008; Kang 2007). These perspectives and arguments will be considered in relation to the details of this case study. While acknowledging that no definitive version of what actually happened is available – at least, a version that all parties agree on – and that teasing out translational aspects of a case which has proven to be highly intricate and political is difficult, I hope that an examination of translation as a ST-based act that is carried out by actors who are socially, historically, and politically situated will contribute to enhancing our understanding of this highly complex meaning-constituting process.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n2">
      <no>2</no>
      <titre>
        2. Entextualization and text trajectory in media translation
      </titre>
      <para id="pa7">
        <no>7</no>
        <alinea>
          Scholarly interest in translating for television news programs is a fairly recent phenomenon. Although translation plays a crucial role in gathering, producing, and distributing information, the translingual and transcultural transfer of news discourse has been the focus of interest for a relatively small number of researchers (Palmer 2009). The findings that have been published mostly center on print, rather than broadcast, news. Compared to research on print news translation, which is increasingly based on diverse perspectives – translation in terms of gatekeeping (Fujii 1988), localization (Orengo 2005), transediting (Stetting 1989), self-censorship (Barnard 2000), and globalization process (Bielsa and Bassnet 2009) –, researchers have shown little interest in television news translation. The small number of publications that do shed light on the process and product of broadcast news translation include Clausen (2004), which, based on the study of the domestication process of international television news in Japan, argues that “news ‘domestication’ is a
          <marquage typemarq="italique">universal</marquage>
          phenomenon and that global news is
          <marquage typemarq="italique">particular</marquage>
          to each country. International news is presented within frames of interpretation of local audiences in each nation, which makes global news particular to each country” (Clausen 2004: 27). Other papers that have dealt with broadcast news translation include descriptions of television news translation in terms of work procedures in a newsroom (Tsai 2005) and its relationship with interpreting (Wadensjö 2000; Shibahara 2009). It is in Conway (2010), however, that translation method and effect receive a relatively detailed treatment. Based on the assumption that translation allows journalists to support their claim of objective reporting, Conway describes six categories of translation methods used in Canada’s television news programs, arguing that the method of translation has important consequences in the way television news is constructed and perceived.
          <renvoi id="re1no6" idref="no6" typeref="note">6</renvoi>
          Findings in these papers suggest that television news translation entails issues that may be different from those related to print news translation and that more case studies are needed to enhance our understanding of translation practices occurring in broadcast situations.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          When a television news program is subtitled, the transformation of the text is one of the most apparent consequences of translation. Although this feature may be characteristic of many other modes of translation, the changes in form, meaning, and value are often so drastic and pronounced in news translation and subtitling that debates have ensued about the adequacy of their inclusion in the category of “translation” (Delabastita 1989; Bielsa and Bassnett 2009). In the context of news media translation, these changes may partly be related to the practice of producing one TT based on several STs or multiple TTs based on one ST (Kang 2010; Holland 2006). In addition to such “one-to-many” and “many-to-one” ST-TT relationship, various degrees of textual changes, such as simplification, explicitation, generalization, omission, and addition, occur for reasons that go beyond resolving linguistic and cultural asymmetries. A TT may reframe the ST to reflect the ideology of the translating institution or to construct a new context of reception (Kang 2007).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa9">
        <no>9</no>
        <alinea>
          Such alteration in textual form and meaning is also manifest in subtitling. In the case of an audiovisual text, what gets translated into subtitles is not limited to dialogue; the image, sound, and language are all subject to representation in subtitles (Díaz Cintas and Remael 2007: 46-47). However, the translingual and transcultural mediation of semiotic workings of media texts goes beyond representation. The mediation process entails the selection of certain interpretations over others that may lead to a re-creation of overall meaning and values. Compared to other types of translation, the transmodal and intersemiotic nature of subtitling may make the complex relationship between texts more obvious. The simultaneity in the presentation of both the ST and TT on screen and the
          <marquage typemarq="italique">post hoc</marquage>
          nature of the actual TT production create tensions that allow subtitles to “feign completeness” (Nornes 1999: 18) and, at the same time, foreground displacement. This kind of layered temporality is further complicated by the unavoidability of compression or reduction of information in subtitling, due to temporal and spatial constraints (Ivarsson and Carroll 1998; Gottlieb 1994; Díaz Cintas and Remael 2007), all of which makes subtitling a uniquely interpretative process that is often ideologically and institutionally invested. As such, the drastic changes in subtitles, coupled with simultaneous availability of the ST, may easily become a source of contention, especially if textual changes work to construct a narrative in the TT which is distinct from that of the ST.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa10">
        <no>10</no>
        <alinea>
          The reformulation and transformation evident in both news translation and subtitling highlight the process in which discourse is extricated from its original context and transferred into a different context for a new audience. Bauman and Briggs (1990: 73) use the concept of
          <marquage typemarq="italique">entextualization</marquage>
          to refer to such a process: “the process of rendering discourse extractable, of making a stretch of linguistic production into a unit – a text – that can be lifted out of its interactional setting.”
          <renvoi id="re1no7" idref="no7" typeref="note">7</renvoi>
          As discourse is intricately connected to the rich and detailed context, the recontextualization of the discourse entails a process of “reifying it as a bounded object” (Park and Bucholtz 2009: 485). In the case of translation, a combination of the displacement of certain aspects of the social, cultural, and historical context in which the ST is anchored and an explicit reorientation of the textual product to a new context of reception constitute the conditions under which translation occurs. Approaching translation in terms of entextualization thus foregrounds not only how the act of translating is constrained by a new context of interpretation but also how translation plays a crucial role in redefining the context. The decontextualization and metadiscursive recontextualization that accompanies every act of translingual and transcultural transfer show that translation is more than representation of a ST; it is an act of “re-presentation” or “re-production” (Bourdieu 1991; Sarangi 1998).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa11">
        <no>11</no>
        <alinea>
          The prominence of entextualization in media translation raises two important issues. The first entails the power of the mediator. Mediators responsible for making discourse intelligible across linguistic, institutional, and cultural boundaries engage in an act of re-telling from a certain perspective (Goodwin 1994) and the preservation of meaning is not guaranteed as discourse travels across these borders. Re-telling can never be without a point-of-view and as such, re-tellers intentionally or unintentionally engage in an act of control. As discourse is decontextualized and recontextualized across boundaries, “value, meaning, and function are a matter of uptake, they have to be
          <marquage typemarq="italique">granted</marquage>
          by others” (Blommaert 2005: 72). This is especially evident in cases of “frame ambiguity” (Goffman 1974: 302), where doubt exists regarding the definition of a situation. In cases where competing attempts to provide a legitimate interpretation of an ambiguous situation are based on translation of opaque signifiers, which may potentially have multiple signifieds or no signifieds at all, it is often those with the authority to enact the re-telling that may give a definitive interpretation of the obscure situation. As different actors attempt to define the meaning and situation in different ways, it is the mediator with access to definitive wording of the TT, with legitimacy in claims to translation, or with competence in the act of translating who will be in the position to provide an authoritative characterization of the situation. However, the granting of meaning, or, to be more precise, the granting of legitimate meaning, is embedded within specific historical, social, and political contexts. Translators have been described as having the power to resist dominant discourses, transform cultures, build nations, and engage in activism; nevertheless, they have also been associated with textual, paratextual, and extratextual invisibility, low social status and being under the control of more powerful agents (Delisle and Woodsworth 1995; Tymoczko and Gentzler 2002; Simeoni 1998; Venuti 2008; Inghilleri 2003; Tymoczko 2007; Baker 2010). Competing perspectives exist with regard to the translator’s power in terms of defining and affecting changes in the state-of-affairs; however, who does what in relation to translation is in fact shaped by factors that are sometimes beyond the control of one single translator. The translator’s power, especially in an institutionalized context, is often irrevocably linked to sociocultural structures, institutional definitions of eligibility, and other criteria for judging institutional inclusion and exclusion.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa12">
        <no>12</no>
        <alinea>
          In addition to the issue of power, translation-as-entextualization sheds light on the self-reflexive nature of translating. A translated text says something not only about a ST but also about itself and the context under which a TT is produced. An examination of the entextualization process helps reveal both the discursive and material conditions under which a TT is produced and the positioning of a translator vis-à-vis a ST. Thus, a translation-as-entextualization approach affords a reflexive perspective for researchers to better understand translation as a situated social practice, the text’s complex relationship among a variety of texts, individual translator’s selection of certain expressions out of the many semiotic capabilities of the target language, and the production, negotiation, and circulation of discourse and meaning. It is through this reflexive dimension that the emergent meaning, value, and function in translation are recognized.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n3">
      <no>3</no>
      <titre>
        3. Mad cow disease and subtitling in a television news magazine
      </titre>
      <para id="pa13">
        <no>13</no>
        <alinea>
          On 29 April 2008, Munhwa Broadcasting Corporation (MBC), one of the largest broadcasting companies in South Korea, broadcast its weekly episode of its television news magazine,
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          . Under the title
          <marquage typemarq="italique">
            Mikwuksan Soykoki, Kwayen Kwangwupyengeyse Ancenhanka
          </marquage>
          [
          <marquage typemarq="italique">
            US Beef, Is It Really Safe from Mad Cow Disease
          </marquage>
          ], the episode addressed (1) the potential danger of US beef and the possible exposure of Koreans to the human form of mad cow disease as a result of reopening the Korean market to American beef, and (2) the irresponsible conduct of South Korean officials in the beef import negotiations within the framework of the Korea-US Free Trade Agreement talks. The episode made strong allegations against key figures in the South Korean government for ignoring the risk of mad cow disease or bovine spongiform encephalopathy (BSE) and for getting rid of most restrictions on US beef imports.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa14">
        <no>14</no>
        <alinea>
          The beef issue had been one of the major stumbling blocks in 2008 free trade negotiations between the two countries, partly due to the South Korean government’s long-held position that beef should not be a part of the trade deal. However, shortly before President Lee Myung-bak’s first official visit to the United States, the South Korean government announced that it had come to an agreement with the US which included easing the import sanitation rules to allow for a wider opening of its market to US beef, including beef from cattle older than 30 months, if the United States tightens its controls on animal feed.
          <renvoi id="re1no8" idref="no8" typeref="note">8</renvoi>
          Many South Koreans interpreted the government’s action as an indifference, or even a willingness, to expose South Koreans to the danger of mad cow disease, since BSE, a progressive neurological disorder of cattle that results from infection by an unusual transmissible agent called a prion, is mostly discovered in cattle older than 30 months and the relaxation of the age limit would increase the risk of infection (see Fact Sheet No. 180 of World Health Organization 2012).
          <renvoi id="re1no9" idref="no9" typeref="note">9</renvoi>
          The government’s announcement came four years after BSE had broken out in the US and beef import to South Korea, the third largest importer of US beef at the time, had been banned.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa15">
        <no>15</no>
        <alinea>
          Mass protests and legal battles that followed the airing of the program were due to complicated political and social factors and cannot be attributed to
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          ’s report or translation alone.
          <renvoi id="re1no10" idref="no10" typeref="note">10</renvoi>
          Nevertheless, the report and translation had a divisive effect on the society and were at the center of public debates, news reports, and legal battles. While the government, the ruling party and the conservative press condemned
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          for distorting the facts by exaggerating the risk of mad cow disease and the possibility of contamination as a result of importing US beef, the opposition party and the progressive press sided with
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          , stressing that despite the possibility of minor mistakes in the report, the program was essentially correct in raising questions about the irresponsible and careless import negotiation process that led to the South Korean government’s scrapping of many restrictions on imported US beef.
          <renvoi id="re1no11" idref="no11" typeref="note">11</renvoi>
          In June 2009, a series of court battles also began in which four program directors and one script writer of the production team were charged with defamation, a criminal offense under the Penal Code in South Korea. The suits were filed against the defendants by two former top-ranking officials responsible for the beef negotiations on the grounds that the report had allegedly injured their reputation. Intense debates about freedom of press occurred in the wake of the arrest of the producers of the program and what many South Koreans viewed as the prosecution’s excessive investigation into
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          (Minbyun 2009).
          <renvoi id="re1no12" idref="no12" typeref="note">12</renvoi>
          Although
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          claimed that the report was about protecting public health and raising questions about the negotiation process, prosecutors had sought jail terms of two to three years for the defendants on defamation charges. Following legal battles and appeals, on 2 September 2011 the Supreme Court upheld the lower court’s “not guilty” ruling, stating that
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          ’s report had “no direct bearing on the reputation of public officials” and could not be been seen as an “intentional” or “malicious” attack on them, despite some errors (Jeong 2011).
          <renvoi id="re1no13" idref="no13" typeref="note">13</renvoi>
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa16">
        <no>16</no>
        <alinea>
          In what follows, translingual and transmodal transfer of information in the episode will be examined in terms of (1) the ways in which subtitles transfer and transform semiotic meaning in audiovisual texts; and (2) the effect of institutional conditions under which the TT is produced on the wording of the TT. The discussion will be based on the analyses of the ST and TT, personal accounts of individuals involved in the production of the program, news articles, and legal documents.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
    <section1 id="s1n4">
      <no>4</no>
      <titre>
        4. Institutional translation and subtitling sound bites
      </titre>
      <para id="pa17">
        <no>17</no>
        <alinea>
          Since the first episode was aired in May 1990,
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          has taken an investigative journalism approach to reporting. Produced and broadcast by MBC, a public television company,
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          has provided in-depth coverage of numerous significant social issues, with a longer time slot and production schedule compared to traditional television news programs. In this study, focus is given to the first part of the episode, which deals with the risk and dangers of importing and consuming US beef. The components that make up this part of the program include commentaries by the main presenter in the studio, reports by other presenters in the studio, and a video-recorded report that contains visuals, voiceovers (mostly non-translational), and sound bites with subtitles (translational). The second part of the episode focuses on the negligent negotiation process which, to a large extent, is based on the risk narrative regarding US beef and its import. The present study centers on translation in regard to the following two subtopics in the first part of the episode:
        </alinea>
        <listeord numeration="decimal">
          <elemliste>
            <alinea>
              the possibility of downer cows infected with BSE entering the food supply due to the problems in the ante-mortem cattle inspection system in the US;
              <renvoi id="re1no14" idref="no14" typeref="note">14</renvoi>
            </alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>
              the likelihood of human beings being infected with mad cow disease as a result of eating US beef, based on the case of Aretha Vinson’s death.
            </alinea>
          </elemliste>
        </listeord>
      </para>
      <para id="pa18">
        <no>18</no>
        <alinea>
          The episode’s treatment of subtopic (1) is grounded on video footage of downer cows, which came from a 2008 undercover video shot by the Humane Society of the United States, the largest animal protection organization in the country, to protest against animal cruelty and to bring awareness to food safety (Martin 2008;
          <renvoi id="re1no15" idref="no15" typeref="note">15</renvoi>
          The Humane Society of the United States 2008
          <renvoi id="re1no16" idref="no16" typeref="note">16</renvoi>
          ). The footage shows meat-packing plant employees using forklifts, water hoses, and electric prods to get the cattle, apparently too sick to be used for food, back on their feet so that they may be slaughtered.
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          points to the problems in the inspection of livestock before slaughter and sanitary standards for the slaughterhouse inspections in general. As shown in the discussion that follows, BSE is clearly one of the causes for downer cows, but many other reasons may lead to downer cows, including trauma at or after calving, metabolic reasons such as milk fever or hypomag, or toxic diseases such as metritis or mastitis (Laven 2004;
          <renvoi id="re1no17" idref="no17" typeref="note">17</renvoi>
          <marquage typemarq="italique">State v. Cho Neung-Hee</marquage>
          <renvoi id="re1no18" idref="no18" typeref="note">18</renvoi>
          ). No evidence is given in the original video or the footage to directly link downer cows and BSE. Thus, one of the problems with the episode is the representation of the likelihood of downer cows being BSE-infected cows. In addition to footage, the report also contains sound bites of interviews with specialists on this issue, all of which are subtitled.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa19">
        <no>19</no>
        <alinea>
          Subtopic (2) is addressed by
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          in its report of the death of a Virginia woman named Aretha Vinson. The risk posed by US beef is addressed by connecting her death to eating BSE-tainted beef. During the time
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          was making this episode, US health officials were conducting an autopsy to find out the exact cause of Vinson’s death. At the heart of the controversy over translation is a differentiation between the following two types of diseases:
        </alinea>
        <listenonord signe="tiret">
          <elemliste>
            <alinea>
              Creutzfeldt-Jakob disease (CJD, Classic CJD): a neurodegenerative disease which is rapidly progressive and always fatal;
            </alinea>
          </elemliste>
          <elemliste>
            <alinea>
              Variant Creutzfeldt-Jakob disease (vCJD): first described in 1996, a rare and fatal human neurodegenerative condition which is strongly linked to exposure, probably through food, to cattle infected with BSE (World Health Organization 2012 [see note 9]; US Center for Disease Control and Prevention 2010
              <renvoi id="re1no19" idref="no19" typeref="note">19</renvoi>
              ).
            </alinea>
          </elemliste>
        </listenonord>
        <alinea>
          In the
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          episode, it remains unclear whether Vinson’s death was caused by CJD or vCJD since the cause is indicated as CJD in the ST but translated as vCJD in the TT (see extract in Table 4). According to the US Center for Disease Control and Prevention (CDC, 2010): “[c]lassic CJD is
          <marquage typemarq="italique">not</marquage>
          related to mad cow disease. Classic CJD is also distinct from “variant CJD,” another prion disease that
          <marquage typemarq="italique">is</marquage>
          related to BSE.” The distinction between these two concepts is an important issue, but the two categories of diseases are blurred or shifted in the process of TT production.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa20">
        <no>20</no>
        <alinea>
          On 24 June,
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          broadcast another episode that dealt with US beef imports, concentrating this time on describing and explaining its intention in its previous reports on US beef, especially its 29 April report. The main presenter of the program made statements that amounted to an apology on behalf of the producers of the program, stating that “concerning the issue of English translation, we will pay more attention so that [translation is] more precise and exact.” However, he made it clear that “[we] cannot agree with those that try to turn the entire content [of the report] into a distortion and propaganda, based on minor mistranslations.” At this point one of the translators for the 29 April episode, Ji-min Jeong, a 26-year old freelance translator who has worked for MBC on a number of occasions, came forward to state that
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          ’s claim about erroneous translation was misplaced and that what was at issue was
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          ’s misreporting of US beef import issue due to the production team’s intentional exaggeration of the risk of BSE. In her comments posted on the
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          ’s official website, Jeong (2009a, see note 1) claimed that the wording in aired subtitles was different from the version that she had revised/proofread. Actively participating in online and offline forums, as well as publishing articles and a book on this matter, Jeong claimed that, based on her experience of participating in the initial draft translation and the revising/proofreading process for the episode, the “mistranslations” were added after the draft translation and revision process and that the defendants had intentionally changed the wording of the translation (e.g., from
          <marquage typemarq="italique">CJD</marquage>
          to
          <marquage typemarq="italique">vCJD</marquage>
          ) to bring the report in line with its intentions.
          <renvoi id="re1no20" idref="no20" typeref="note">20</renvoi>
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa21">
        <no>21</no>
        <alinea>
          In May 2008, the Korea Communications Standards Commission, the media watchdog, ruled that
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          had violated many of the Communications Standards articles, including Articles 9 and 14 that stipulate fairness and objectivity in reporting, and ordered MBC “to apologize to the audience” in regard to its mistranslation, which it claimed led to erroneous information in the report. In a series of legal battles that followed, the courts ruled that aspects of reporting of parts (1) and (2) were indeed incorrect and misleading, although the defendants were found “not guilty” on charges of defamation. Subsequent to the Supreme Court’s decision, MBC issued a formal apology to viewers in which the company admitted its irresponsible reporting behavior in relation to
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          ’s coverage of US beef import, stating that “despite its “not guilty” verdict on charges of defamation, the Supreme Court has ruled that the main contents of the report were false [and that] as a news media organization which considers truth reporting as of utmost importance, [MBC] feels deeply responsible” (Koh 2011).
          <renvoi id="re1no21" idref="no21" typeref="note">21</renvoi>
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa22">
        <no>22</no>
        <alinea>
          The translation and revision/proofreading process for the episode under analysis occurred in various stages. The texts that were selected for translation came from 150 original tapes, involving English, Japanese, and Chinese and 5,000 minutes of running time (Kim 2008, see note 2). Draft translation was carried out by a number of external translators who did not have access to a written transcript but worked directly from the video (Won 2010 [see note 4]; Jeong 2009a [see note 1]). The final version of subtitles that appeared on the television program were preceded by various versions of translations, including a draft translation, a first draft script (pre-revision), and a second draft script (post-revision), all of which were connected to each other in a sequential relationship and form a complicated text trajectory. During the process of revising/proofreading the draft script, which took place in one of the MBC editing rooms, Jeong (2009b)
          <renvoi id="re1no22" idref="no22" typeref="note">22</renvoi>
          claims that she saw the translation of all the parts that were to be used in the broadcast, including the parts that other people had translated. Her claim that she verbally pointed out translation problems, including the wording in translation that could possibly present downer cows as BSE-infected cows, to the assistant script writer, Yeon-Hee Lee, were corroborated by Lee herself (Jeong 2009a [see note 1]; Lee 2008
          <renvoi id="re1no23" idref="no23" typeref="note">23</renvoi>
          ). However, Jeong also claimed that her comments and warnings were ignored by Lee. The assistant script writer was the only person from the production team at
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          with whom Jeong had any contact. That the defendants were responsible for adding, omitting, and changing expressions at different points in the wake of the revision/proofreading process was also claimed by the prosecution, whose assertion was based on a comparative examination of different versions of translations that had been obtained by the prosecution (Shin and Paek 2009, see note 5).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa23">
        <no>23</no>
        <alinea>
          Jeong’s claims, however, were ruled by the courts as less than believable for a variety of reasons including Jeong’s highly unlikely position to accurately know about the intention of the production team and her reversal of previous statements without any convincing reason. The Seoul Central District Court stated:
        </alinea>
        <bloccitation>
          <alinea>
            Since Ji-min Jeong, as a freelance translator, translated only a part of the material covered by the defendants and worked as an English reviser to check the fit between the draft script that had been prepared for subtitling and the English language portion of the video that was broadcast in the episode,
            <marquage typemarq="italique">
              she did not participate in the process of making this program
            </marquage>
            or meet anyone in the production team except for the assistant script writer. Thus, she was not in a position to have accurate knowledge about the intention of the production, the process of making this episode, or the content of the covered material.
          </alinea>
          <source>
            <marquage typemarq="italique">State v. Cho Neung-Hee,</marquage>
            see note 18; translation and emphasis from the author
          </source>
        </bloccitation>
        <alinea>
          The court also decided that Jeong “claims to have first-hand experience in things she in fact did not have experience in” (
          <marquage typemarq="italique">State v. Cho Neung-Hee,</marquage>
          see note 18).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa24">
        <no>24</no>
        <alinea>
          In the episode, a video-recorded reporting format is extensively used to provide a detailed and multi-voiced report. Large portions of the video-recorded report are based on video footage, image bites, and sound bites taken from longer interviews and public statements. Video footage and image bites are mostly provided with voiceover containing descriptions and narrative commentaries. Sound bites taken from interviews which take place in a language other than Korean are subtitled. The problem, however, is that sound bites are often used in reports without any description of the context in which the original speech is embedded (Nylund 2003). As will be shown below, many translation problems in the episode center on the subtitling of sound bites.
        </alinea>
      </para>
      <section2 id="s2n1">
        <no>4.1</no>
        <titre>4.1. Shift in referring expression</titre>
        <para id="pa25">
          <no>25</no>
          <alinea>
            Changes in referring expressions in the process of translation often occur because of differences in linguistic and cultural norms; however, they may also be motivated by translation guidelines or ideological orientation of the translating agent (Munday 2007; Kang 2007; 2010). The consequences of such changes are often an alteration in textual meaning or even a reframing of a situation.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa26">
          <no>26</no>
          <alinea>
            Extract in Table 1 is the sound bite of an interview with Michael Greger of the Humane Society of the US, which is subtitled in Korean. Presented in its entirety, the sound bite partly overlaps with and then follows the video footage of downer cows at a meat processing plant.
          </alinea>
          <tableau id="ta1">
            <no>Table 1</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite of an interview with Michael Greger of the Humane Society of the US, subtitled in Korean
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im1" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTT
                <renvoi id="re1no24" idref="no24" typeref="note">24</renvoi>
                I think the public was truly horrified to see what they do in that photo. 사람들이 이런 장면을 보고상당히 충격을 받았을 거예요[People must have been quite shocked to see this scene.]I think a large percentage of the population didn’t even realize that dairy cows were slaughtered even. 아마 대부분의 사람들이 심지어 이런 소가 도축됐다고는 생각하지 못할 거예요 [Probably most people wouldn’t think that this kind of cow was slaughtered.]In fact, it was crowned by the USDA as USDA supplier of the year award 2002, 2003, saying that this was the best they had seen 사실 그 도축업체는 미국 농무부가 2002년, 2003년 우수공급업체로 지정한 곳이에요[In fact, this meat-processing plant was designated by USDA as a premier supplier for 2002, 2003.]In terms of supplying the national school lunch program that feeds our school children.그것도 학교 급식 최우수 업체로 말이죠[And (that was) as the best supplier for school lunch programs.]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
          <alinea>
            In this extract,
            <marquage typemarq="italique">dairy cows</marquage>
            is translated into Korean as
            <marquage typemarq="italique">this kind of cow</marquage>
            , despite the fact that the corresponding term in Korean is
            <marquage typemarq="souligne">cecso</marquage>
            [
            <marquage typemarq="italique">dairy cow</marquage>
            ].
            <renvoi id="re1no25" idref="no25" typeref="note">25</renvoi>
            What is interesting about this extract is that the sound bite actually begins as a voiceover in English with Korean subtitles on the screen showing the video footage of downer cows. When Greger’s remark about dairy cows is made (
            <marquage typemarq="italique">
              I think a large percentage of the population didn’t even realize that dairy cows were slaughtered even
            </marquage>
            ), downer cows are shown on screen with Korean subtitles (
            <marquage typemarq="italique">
              Probably most people didn’t think that this kind of cow was slaughtered
            </marquage>
            ). The voiceover evolves into a sound bite (with image), in which Greger states
            <marquage typemarq="italique">
              In fact, it was crowned by the USDA as USDA supplier of the year award.
            </marquage>
            The likelihood of
            <marquage typemarq="italique">this kind of cow</marquage>
            being interpreted by the viewers as downer cows in the footage would be high due to the synchronous delivery of image and voice. Such an interpretation by viewers becomes even more likely when the co-text is taken into consideration. Greger’s sound bite is immediately preceded by a voiceover in Korean that describes and provides a narrative commentary of the downer cows footage. The following is an English back-translation of the Korean voiceover:
          </alinea>
          <exemple id="ex1">
            <no>1</no>
            <alinea>
              In the wake of the first occurrence of mad cow disease in 2003, the US banned all cattle showing downer cow symptoms from being slaughtered. However, now downer cows may be slaughtered if they pass the first inspection and then go down.
              <marquage typemarq="gras">
                <marquage typemarq="souligne">These cows</marquage>
              </marquage>
              all passed the inspection and went to the slaughterhouse.
            </alinea>
          </exemple>
          <alinea>
            The underlined
            <marquage typemarq="italique">these cows</marquage>
            in the voiceover, which refer to downer cows that were led to the slaughterhouse, could influence viewers’ interpretations of
            <marquage typemarq="italique">this kind of cow</marquage>
            in Table 1 that immediately follows. Thus, while the replacement of
            <marquage typemarq="italique">dairy cows</marquage>
            with
            <marquage typemarq="italique">this type of cow</marquage>
            could be considered a minor error, the consequences of the change are problematic in that the visuals, sound, context, and co-text simultaneously work to instruct the viewer to interpret the expression in a certain way, that is, to identify the referent as downer cows on the footage.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa27">
          <no>27</no>
          <alinea>
            Extract in Table 2 is another sound bite which comes from
            <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
            ’s interview with Michael Hansen from Consumer’s Union, an independent and nonprofit consumer information organization in the US:
          </alinea>
          <tableau id="ta2">
            <no>Table 2</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite of an interview with Michael Hansen from Consumer’s Union
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im2" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTTAnd so that means that folks that eat this beef, we’re all being guinea pigs and hoping that there’s not a problem here in the US. (미국산) 쇠고기를 먹는 사람들은 실험동물과 같다는 겁니다그저 미국에서 문제가 생기지 않기를 바랄 뿐이죠[People who eat (US-produced) beef are like guinea pigs.We/These people can only hope that a problem/problems do/does not arise in the US.]So if Korea decides to import beef from these animals, then they share in the same risk한국이 미국산 쇠고기를 수입하기로 결정한다면 한국인들 역시 같은 위험을 공유하게 되는 것입니다[If Korea decides to import US-produced beef,Koreans will also share the same risk.]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
        </para>
        <para id="pa28">
          <no>28</no>
          <alinea>
            In this extract, it is unclear to what
            <marquage typemarq="italique">this</marquage>
            and
            <marquage typemarq="italique">these</marquage>
            in the ST refer to. As is the case with many sound bites, usually taken out of their contexts-of-production and put to use in new ones, it often remains uncertain what they refer to, and in order to precisely understand what these demonstratives mean, the preceding speech or context needs to be provided. The sound bite appears suddenly on screen following the report about the Virginia woman whose death is suspected to be related to the human-form of mad cow disease. It is possible to infer that
            <marquage typemarq="italique">this beef</marquage>
            or
            <marquage typemarq="italique">beef from these animals</marquage>
            in the ST refer to (1) beef from downer cows, which may or may not be infected with BSE; (2) beef from BSE-infected cows; or (3) beef from cows raised in the US in general. Without access to the original interview tape, we have no way of knowing definitively what is meant in the ST, and it cannot be argued with certainty that the selection of (3) is necessarily problematic, despite the fact that the speaker’s use of
            <marquage typemarq="italique">this beef</marquage>
            and
            <marquage typemarq="italique">beef from these animals</marquage>
            instead of
            <marquage typemarq="italique">US beef</marquage>
            or
            <marquage typemarq="italique">beef from cattle raised in the US</marquage>
            in the ST may be viewed as signaling that the expressions refer to something other than
            <marquage typemarq="italique">US beef</marquage>
            .
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa29">
          <no>29</no>
          <alinea>
            What is interesting here is that the extract in Table 2, which is part of a video-recorded report, is directly followed by a comment from the main presenter in the studio who, referring to the video-recorded report, states that
            <marquage typemarq="souligne">
              Akka kwangwupyeng kellin so tochwuktoyki cen mosupto chwungkyekcek
            </marquage>
            [
            <marquage typemarq="italique">
              The footage showing the slaughtering of mad cow disease-infected cattle just a minute ago was shocking
            </marquage>
            ]. His comment effectively recasts the previous footage and discourse, including sound bites such as the extract in Table 2, as a portrayal of and commentary about mad cow disease-infected cows. Downer cows in the footage are re-presented as BSE-infected cows and the sound bites on downer cows are reframed as comments about downer cows-as-mad cow disease-infected cows. Furthermore, when this comment is made by the main presenter, the viewers can see a large screen directly behind him, which shows the image of downer cows with the following sentence in large font in the middle of the screen:
            <marquage typemarq="souligne">
              Mokswumul Kelko Kwangwupyeng Soykokilul Mekeya Hapnikka
            </marquage>
            [
            <marquage typemarq="italique">
              Should we put our lives on the line and eat mad cow disease-tainted beef
            </marquage>
            ].
            <renvoi id="re1no26" idref="no26" typeref="note">26</renvoi>
            The connection between US beef and BSE-tainted beef is presented as direct and as posing real danger to South Korean consumers via the use of diverse meaning-creating mechanisms. The visuals, sound, and subtitles work in a combined way to shape and construct a context of reception for viewers in which the danger of mad cow disease facing South Koreans is serious and immediate.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa30">
          <no>30</no>
          <alinea>
            Extract in Table 3 is a sound bite from an interview with a staff worker at the Virginia Department of Health (VDH),
            <renvoi id="re1no27" idref="no27" typeref="note">27</renvoi>
            who reportedly carried out an investigation of the death of Aretha Vinson, suspected of having died from the human form of mad cow disease. The quality of the image and sound is poor, since the source-video of this sound bite was shot undercover:
          </alinea>
          <tableau id="ta3">
            <no>Table 3</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite from an interview with a staff worker at the Virginia Department of Health
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im3" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTTRight now, I don’t have an answer, so I don’t have a plan for something I don’t have an answer to. 지금 (인간 광우병으로) 결론이 나온 게 아니기 때문에 따로 계획은 없어요 말씀드릴 게 없네요[Right now, because a conclusion (as human-form of mad cow disease) has not come out, there is no other plan. [I] have nothing to tell you.]When I get an answer, then I’ll go about (unintelligible)결론이 나와야 계획을 논할 수 있지 않겠어요. [Don’t [you think we] will be able to discuss a plan/plans only when a conclusion is out.]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
          <alinea>
            In this extract, it is uncertain what is meant by
            <marquage typemarq="italique">an answer</marquage>
            , since the sound bite does not include the question to which an answer is given. The use of
            <marquage typemarq="italique">an answer</marquage>
            without any recourse to
            <marquage typemarq="italique">the question</marquage>
            poses a problem in terms of interpretation. In the TT, however, meaning is explicitated, with
            <marquage typemarq="italique">as human-form of mad cow disease</marquage>
            added in parentheses to
            <marquage typemarq="italique">a conclusion</marquage>
            . The effect of the addition is in line with other mechanisms at work: the meaning-constructing function of the immediately prior image and voiceover. The sound bite is preceded by a visual of the VDH press release, whose wording is too small and blurred to be legible, except for two English phrases that have been clearly enlarged by the producers of the program for Korean viewers:
            <marquage typemarq="italique">variant Creutzfeldt-Jakob Disease (vCJD)</marquage>
            and
            <marquage typemarq="italique">disease linked to consumption of beef</marquage>
            . A Korean translation of these phrases is also provided just below the original phrases in bright yellow color. The Korean voiceover that accompanies the visual states: “The health authority has disclosed in a press release that investigation is under way in order to find out whether Aretha had the human-form of mad cow disease.” The image and voiceover function to instruct the viewers to interpret
            <marquage typemarq="italique">an answer</marquage>
            in relation to vCJD as the cause of death.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa31">
          <no>31</no>
          <alinea>
            What is interesting is that the press release in question is still available on the VDH website and describes the investigation as follows:
          </alinea>
          <bloccitation>
            <alinea>
              The Virginia Department of Health (VDH) is investigating the recent illness of a Portsmouth woman who died April 9, 2008. The patient suffered from encephalopathy which is a degenerative disease of the brain […] Recent news reports have linked variant Creutzfeldt-Jakob Disease (vCJD) to the patient’s illness. “There are a wide variety of causes of encephalopathy,” explained State Health Commissioner, Karen Remley, M.D., M.B.A. “Infections, lack of oxygen to the brain, liver failure, kidney failure, toxic exposures, metabolic diseases, brain tumors, increased intracranial pressure, and poor nutrition are all related to encephalopathy. Further testing is the only way to know what caused this illness.” VCJD is a very rare neurodegenerative disease linked to consumption of beef infected with bovine spongiform encephalopathy (BSE) and is invariably fatal. At least 200 cases have been reported worldwide since 1996. Diagnosis of the disease can be difficult and time consuming. VCJD differs from Creutzfeldt-Jakob Disease (CJD) in that CJD is not linked to beef consumption. While both are very rare brain disorders, the two are different diseases.
            </alinea>
            <source>Virginia Department of Health 2008, see note 27</source>
          </bloccitation>
        </para>
        <para id="pa32">
          <no>32</no>
          <alinea>
            The press release makes it clear that Vinson’s death may be related to vCJD; however, other possible causes are also mentioned. In the
            <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
            , the visuals related to the press release, voiceover, and subtitles in the sound bite all work to present vCJD as the only possible cause of death. In fact, the title of the original press release,
            <marquage typemarq="italique">
              Virginia Department of Health Investigates Illness of Portsmouth Woman
            </marquage>
            , is subtitled in Korean as
            <marquage typemarq="souligne">
              Pokentangkwuk Potocalyo (Pecinia Pokentangkwuk vCJD Samangca Cosa)
            </marquage>
            [Press Release by the Health Authority (Virginia Health Authority’s Investigation of the Person who Died from vCJD)]
            <marquage typemarq="italique">.</marquage>
            Thus, the likelihood of Vinson’s death as resulting from vCJD is foregrounded and emphasized in the subtitles.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa33">
          <no>33</no>
          <alinea>
            The extract in Table 4 is part of an interview with Aretha Vinson’s mother. Again, this is presented as a sound bite which is embedded in a voiceover description of events that led to Vinson’s death:
          </alinea>
          <tableau id="ta4">
            <no>Table 4</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite from an interview with Aretha Vinson’s mother
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im4" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTTThe results had come in from the MRI and uhm it appeared that our daughter could possibly have CJD.MRI 검사 결과 아레사가 vCJD (인간광우병)일 가능성이 있다고 하던군요[Based on MRI results, [I] was told that Aretha could have vCJD (human-form of mad cow disease).]He told us that there was no treatment, no cure. I couldn’t believe what I was hearing.(아레사를 위한) 치료법이 없다는, 고칠 수 없다는 말을 듣는데 믿을 수가 없었어요. [As [I was] hearing that there is no treatment (for Aretha), no cure, [I] could not believe [it].]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
          <alinea>
            Prior to this extract, visuals of Vinson’s deteriorating condition are shown to viewers with a voiceover that narrates: “Aretha was moved to the hospital for more thorough testing and the family was given the devastating news from the doctor.” The transfer of CJD in the ST to vCJD in the TT is one of the most controversial issues of the episode in public and legal debates. Jeong accused
            <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
            of changing
            <marquage typemarq="italique">CJD</marquage>
            to
            <marquage typemarq="italique">vCJD</marquage>
            after initial draft translation and revision/proofreading. However, the defendants claimed that Jeong had translated only one out of a total of four tapes of the interview with Vinson’s mother and that neither
            <marquage typemarq="italique">CJD</marquage>
            nor
            <marquage typemarq="italique">vCJD</marquage>
            appear anywhere in the ST Jeong translated (Won 2010, see note 4). According to the defendants, Jeong may have “believed” that Vinson’s mother did not think her daughter had the human-form of mad cow disease, based on the portion of tape Jeong translated, but a review of all four tapes shows a different picture. The situation described in the Seoul Central District Court’s decision (
            <marquage typemarq="italique">State v. Cho Neung-Hee</marquage>
            , see note 18) may be summarized as follows:
          </alinea>
          <listenonord signe="tiret">
            <elemliste>
              <alinea>
                At the time of the report, the cause of Vinson’s death was unknown since the US Center for Disease Control and Prevention’s (CDCP) autopsy result had not been announced.
              </alinea>
            </elemliste>
            <elemliste>
              <alinea>
                The Virginia Department of Health had announced in its press release that only additional investigation and autopsy result would precisely give the cause of death.
              </alinea>
            </elemliste>
            <elemliste>
              <alinea>
                American news outlets at the time of
                <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
                ’s report were reporting on a number of possible causes of death, including CJD, which Vinson may have contracted after having gastric bypass surgery, possibly from tainted medical instruments, vCJD, and shortage of oxygen to the brain during the surgery. The reports all stated that the exact cause of death would be unknown until the autopsy result came in.
              </alinea>
            </elemliste>
            <elemliste>
              <alinea>
                On 12 June 2008, the CDCP officially announced that Aretha Vinson’s autopsy result showed that her death was not due to vCJD.
              </alinea>
            </elemliste>
            <elemliste>
              <alinea>
                Vinson’s mother was interviewed twice by
                <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
                before the 29 April episode. According to the STs released during the trial, Vinson’s mother stated in the 16 April interview that “Aretha had been diagnosed possibly through her MRI as having a variant of CJD which is Creutzfeldt Jacob disease.” In another interview on 19 April she stated “[w]e were told by physician here that associated with the state that um if our daughter should have CJD, the variant that only it’s very rare, very very rare.” During the same interview, she also stated: “Aretha had a neurologist and the neurologist was the one that gave us the result of MRI. And he told us that the MRI that intend to believe in suspect that our daughter had the variant CJD.”
              </alinea>
            </elemliste>
          </listenonord>
          <alinea>
            The distinction between the categories of CJD and vCJD is blurred in instances of Vinson’s mother’s speech. This is especially the case in her use of the noun phrase
            <marquage typemarq="italique">
              a variant of CJD which is Creutzfeldt-Jacob disease
            </marquage>
            . In fact, public debates ensued in South Korea regarding whether CJD could be considered a generic category of “a variant of CJD” and how the relationship among CJD, vCJD, and a variant of CJD is viewed in the American medical community and by the American general public. The court ruled that based on USDA documents and Korean Center for Disease and Prevention’s categorization, “a variant of CJD” is to be interpreted as “vCJD” (
            <marquage typemarq="italique">State v. Cho</marquage>
            <marquage typemarq="italique">Neung-Hee</marquage>
            , see note 18). One of the reasons for the loss of credibility of Jeong’s testimony about
            <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
            ’s intentional mistranslation was due to Jeong’s own draft translation of
            <marquage typemarq="italique">a variant of CJD</marquage>
            as
            <marquage typemarq="italique">CJD</marquage>
            . Her translation decision became public during the trials, and although this piece of text was not included in the final subtitles, her ability as a translator was seriously questioned as a result.
            <renvoi id="re1no28" idref="no28" typeref="note">28</renvoi>
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa34">
          <no>34</no>
          <alinea>
            The discussion shows that the descriptions of the cause of death are fraught with ambiguity and vagueness (see Table 6 for another description of the cause of death). However, frame ambiguity that is evident with regard to Vinson’s death is suppressed and obscured in
            <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
            ’s report. Translation plays an important role in presenting vCJD as the only possible cause of death. The fact that other possible causes are not mentioned in the report suggests that the choice of wording in the TT is based on the consistency with the narrative of the report within which the TT is embedded.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n2">
        <no>4.2</no>
        <titre>4.2. Change in epistemic modality</titre>
        <para id="pa35">
          <no>35</no>
          <alinea>
            In Tables 5 and 6, shifts in the speaker’s stance or commitment to what is being said are examined. Focus is given to epistemic modality, which is concerned with the degree of commitment on the part of the speaker to her utterance and the question of how changes in epistemic modality may create different meanings in the TT. Extracts in Tables 5 and 6 are sound bites that make reference to Aretha Vinson’s death and show the change in the speaker’s stance towards the truth value of vCJD as the cause of Vinson’s death.
          </alinea>
          <tableau id="ta5">
            <no>Table 5</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite from an interview with Aretha Vinson’s mother
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im5" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTTIt’s just so amazed me that there’s so many people who are involved with this disease that my daughter could possibly have. 너무 놀라운 일이었죠. 우리 딸이 걸렸던 병에 다른 수 많은 사람들도 걸릴 수 있다는 것을 생각하면요.[[To me] it was really shocking. When [I] think that the disease that had infected our daughter could also infect so many people.]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
          <alinea>
            In the extract in Table 5,
            <marquage typemarq="italique">
              this disease that my daughter could possibly have
            </marquage>
            is transferred in the TT to
            <marquage typemarq="italique">the disease that had infected our daughter</marquage>
            , assigning a higher degree of confidence in the truth of the statement in the TT. While the modal auxiliary
            <marquage typemarq="italique">could</marquage>
            and modal adverb
            <marquage typemarq="italique">possibly</marquage>
            are used in the ST to mark uncertainty about the truth values of Vinson being infected with vCJD, the underlined phrase in the TT indicates that no grammatical marking is used to signal similar epistemic modality, despite the fact that marking such epistemic positioning is possible in the Korean language. Let’s consider the extract in Table 6:
          </alinea>
          <tableau id="ta6">
            <no>Table 6</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite from an interview with Aretha Vinson’s mother
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im6" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTTDoctors suspect Aretha has variant Creutzfeldt-Jakob Disease or vCJD. 의사들에 따르면 아레사가 vCJD라는 변종 크로이츠펠트 야콥병에 걸렸다고 합니다[According to doctors, Aretha had variant Creutzfeldt-Jakob Disease which is vCJD.]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
          <alinea>
            This extract is a sound bite of an 8 April WAVY-TV news report. In the original, the mental state predicate
            <marquage typemarq="italique">suspect</marquage>
            is used by the reporter to describe or report on the doctors’ epistemic evaluation of a state of affairs. What is important here is how the doctors’ evaluation of the probability of the state of affairs is reported. The degree of doubt expressed in the ST is not represented in the TT, despite the fact that the linguistic resources are available in the inventory of Korean language to mark this kind of doubt. As a result of the change in epistemic modality, the degree of commitment on the part of the doctor to his utterance is much stronger in the TT. The extracts share the directionality in the change in epistemic judgment, that is, the degree of doubt is downplayed as a result of the process of translation. In the TT, Aretha’s mother’s and doctors’ assertions are formulated as having a stronger epistemic basis compared to those in the ST.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n3">
        <no>4.3</no>
        <titre>4.3. Omission</titre>
        <para id="pa36">
          <no>36</no>
          <alinea>
            Omission is one of the most common characteristics of subtitling due to spatial and temporal constraints. Many of the extracts discussed above have shown aspects of omission. In this section, my focus is on the information that is left out and the consequences of such omission, often leading to the construction of different meaning in the TT. Extract in Table 7 is another sound bite from an interview with Aretha Vinson’s mother:
          </alinea>
          <tableau id="ta7">
            <no>Table 7</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite from an interview with Aretha Vinson’s mother
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im7" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTTIf she contracted it, how did she? Because she’s always lived in the same state.아레사가 어떻게 인간 광우병에 걸렸는지모르겠어요. 아레사는 버지니아에서만 살았고[I don’t know how Aretha could have contracted human form of mad cow disease. Aretha only lived in Virginia and]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
          <alinea>
            In this extract,
            <marquage typemarq="italique">If she contracted it</marquage>
            is omitted in the TT. Considering that
            <marquage typemarq="italique">if</marquage>
            -conditional is used here to express the speaker’s lack of full positive stance with respect to the content of
            <marquage typemarq="italique">if-</marquage>
            clause, the non-positive stance expressed in ST is absent in the TT. This is not to say that the non-positive stance of
            <marquage typemarq="italique">if</marquage>
            commits the speaker to a completely negative or skeptical stance (Dancygier and Sweetser 2000); however, it seems evident that by using
            <marquage typemarq="italique">if</marquage>
            -conditional, Aretha’s mother is distancing herself from the full commitment to the contents of the
            <marquage typemarq="italique">if-</marquage>
            clause. While the Korean language also allows the distancing stance to be expressed by using conditionals, this option is not taken in the production of the TT. As a result of the translation, Aretha’s infection of the human-form of mad cow disease is presented as a given that cannot be contested. Thus, the TT displays a much stronger commitment on the part of Aretha’s mother regarding Aretha’s contraction of the disease.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa37">
          <no>37</no>
          <alinea>
            Extract in Table 8 is another sound bite from an interview with Michael Greger of the Humane Society in regard to the video footage on downer cows. In this example, the multiple translation methods, including omission, addition, and shift in reference cumulatively work to construct a different meaning in the TT:
          </alinea>
          <tableau id="ta8">
            <no>Table 8</no>
            <legende lang="en">
              <titre>
                Sound bite from an interview with Michael Greger of the Humane Society
              </titre>
            </legende>
            <objetmedia flot="bloc">
              <image xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="im8" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/>
              <texte>
                STTTWhen the employees who were charged with animal cruelty were asked, 현장 책임자에게 왜 (광우병 의심소를 억지로 일으켜 도살하냐고) 물었더니[When the person in charge at the site was asked why (cows suspected of having mad cow disease were deliberately made to stand and then slaughtered).]they said that their supervisors told them to do this, this was kind of company policy.관리자가 위에서 그렇게 시켰다고 하더군요일종의 회사 방침이라고 했습니다 [[he] said that the manager from the top told him to do this, that this was kind of company policy.]
              </texte>
            </objetmedia>
          </tableau>
          <alinea>
            The sound bite is in reference to the footage showing abusive actions taken by meat-packing factory employees in order to get the downer cows on their feet. In the extract of Table 8, the question is presented in different ways in the ST (animal abuse) and in the TT (food safety and health). Furthermore, as mad cow disease is singled out for expression in the TT, the “downer cows-as-BSE-infected-cows” interpretation is foregrounded. The translation methods used in the episode cumulatively and unidirectionally contribute to creating a narrative of the grave danger and risk that US beef poses to Koreans.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
      <section2 id="s2n4">
        <no>4.4</no>
        <titre>4.4. Discussion</titre>
        <para id="pa38">
          <no>38</no>
          <alinea>
            In the preceding discussion, I examined the extent to which subtitles, in combination with sound and video, construct meaning and shape the context of reception for viewers. While different translation methods were used in the production of the TT, the analysis of data show unidirectionality in the effect created as a result of the translation. Compared to the ST, the subtitles explicitate, emphasize, and generalize the danger of being infected with mad cow disease by eating US beef. This is achieved in numerous ways, including addition, omission, and summarization of information and merging or shifting categories. Noteworthy are changes in the way the relationship among three categories of beef (beef from downer cows, beef from BSE-infected cows, and US beef) or between two categories of diseases (CJD and vCJD) are represented or re-presented. Shifts also occur in the speaker’s commitment to the actuality of an event; degree of commitment on the part of Vinson’s mother and the doctor to the veracity of vCJD-as-the-cause-of-Vinson’s-death is presented as higher in the subtitles.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa39">
          <no>39</no>
          <alinea>
            In subtitling TV programs, the temporal and spatial constraints entail omissions of superfluous information. These constraints may also be responsible for a drastic reformulation of the text, which inevitably leads not only to summarization of ST content but also to a transformation of its meaning, confirmed in various case study findings of subtitling (Díaz Cintas 2009). Furthermore, considering that this program targets the general public and is produced for and broadcast by a public television network, the frequent use of highly technical concepts related to medicine and foreign trade may entail a simplification and explicitation in the process of translation. Nevertheless, what gets included in the final wording and how it interacts with the video and sound to create distinct semiotic meaning is crucially important in affecting the viewers’ understanding and perception of the issues addressed in the program. The unidirectionality in the effect that is created as a result of translation in this episode shows that different degrees of textual shifts work cumulatively to emphasize, support, and elaborate the risk narrative.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa40">
          <no>40</no>
          <alinea>
            This suggests that in the case of the episode under analysis, an important criterion for the selection of wording in the TT may be the assumed
            <marquage typemarq="italique">narrative relevance</marquage>
            , i.e., the TT producers’ idea of how the translated parts should fit in, support, and elaborate the larger story within which these parts are embedded. The risk narrative that informs the overall framework of the episode seems to function as the decisive factor in the determination of the wording in TT. If we accept that the process of TT production consists of two procedures, i.e., generating possible TTs and selecting a definitive TT (Pym 2003), it can be argued that narrative relevance guides decision-making in the selecting process. While no attempt is being made here to suggest that the type of drastic, and even blatant, changes in meaning observed in some parts of this study is rampant and pervasive in news media institutions, I am suggesting that where there is room for different interpretations, the wording that is chosen for inclusion in the TT in the end may very likely be the one that upholds the narrative of the entire program/episode in which the TT is embedded.
          </alinea>
        </para>
        <para id="pa41">
          <no>41</no>
          <alinea>
            This brings us to the question of
            <marquage typemarq="italique">who</marquage>
            is responsible for determining narrative relevance in translation. This is an issue that has been the source of considerable social and legal controversy in the
            <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
            case. Within translation studies, researchers have repeatedly pointed out that the boundary between translation and editing is blurred in the case of news media translation (Stetting 1989; Bielsa and Bassnet 2009) and the institutional collectivity that characterizes translation and editing in television further works to erode the distinction regarding which agent is responsible for what. Based on research findings in the episode in question, narrative relevance is evaluated by the production team that does not seem to include the translator. While the responsibility of producing a draft translation lies with translators, these translators are only a small part of the collective responsible for producing subtitles. Discursive transformation is guaranteed by institutionally defined roles and procedures for TT production. The TT production in an institutional setting is to a large extent dictated by the roles and structures that are established to increase efficiency and quality of work. However, they also function to control and intervene in the process of mediation. While this may be necessary to maintain and improve quality of reporting, including reporting based on translation, in certain instances it may also function to bring translation in line with the narrative of the reporting. In other words, wording and the narrative of translation are not necessarily consensually co-constructed by the participants involved in producing a journalistic text; it may be the product of conflict-ridden processes that are characterized by tensions and power relationships among various people in different roles.
          </alinea>
        </para>
      </section2>
    </section1>
    <section1 id="s1n5">
      <no>5</no>
      <titre>5. Conclusion</titre>
      <para id="pa42">
        <no>42</no>
        <alinea>
          Based on the view of translation as an entextualization practice, this paper has considered a case of controversial AVT in a television news magazine in South Korea. The findings of this study suggest that decisions on the selection of TT expressions are guided by the criterion of what helps elaborate a particular narrative in the report. When the ST contains opaque signifiers that may potentially have multiple signifieds, what gets chosen in the mediation process is often determined by its assumed narrative relevance to the main storyline of the report. The process of entextualization allows translation to serve as a mechanism through which elements from another context or another narrative may be imported into a new context or reframed as a new narrative. The dynamic interaction of sound bites, subtitles, voiceover narration, and visuals has a powerful effect on shaping the context of interpretation for the viewers. The findings of this paper suggest that translation can be used in strategic and manipulative ways to create a discursive and intellectual environment that may lead to or accentuate an ideological conflict (Baker 2006).
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa43">
        <no>43</no>
        <alinea>
          While the case study of
          <marquage typemarq="italique">PD Swuchep</marquage>
          is obviously problematic and certainly unique in various aspects, problems related to translation in a media institution discussed in this study may exist in other institutional contexts as well. Agents of mediation invariably find themselves in positions of power in that they command discursive and semiotic resources that enable them to redefine a given state-of-affairs to a large number of people. However, the mediators are not a homogeneous group and in institutional contexts where a multiplicity of mediators have interconnected yet separate roles in the handling of a text, the power relationship among mediators affects the shaping of perceptions regarding translation and the wording of the TT.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa44">
        <no>44</no>
        <alinea>
          This case study not only problematizes various aspects of institutional translation but also reveals assumptions and biases about meaning and translation that have significant consequences for how translation is perceived by the general public. The debates reveal a belief in transparency of meaning that is, in many instances, simply untenable. While some texts may contain expressions that allow for straightforward translation, there are more texts that contain ambiguous and contestable meanings whose translation may lead to controversy and criticism. Opaque and imprecise meaning is a problem in a translating context, but an unwillingness to recognize the difficulty in translating imprecise meaning is a more complex problem. Furthermore, a seemingly transparent word may have multiple meanings when the context of production is taken into account. If frame ambiguity is a feature of the ST, suppressing or obscuring it is a decision that needs to be justified textually and ethically. The concealing of frame ambiguity as exemplified by the presentation of vCJD as the only possible cause of Aretha Vinson’s death in the subtitles above demonstrates how an unclear situation constrained by multiple factors may be exploited by the producers of the TT for their own ends.
        </alinea>
      </para>
      <para id="pa45">
        <no>45</no>
        <alinea>
          The place of the translator in the discussions also raises important questions for the practice of translation. This case is not ordinary in that it highlights the choices and variability of Ji-min Jeong’s actions, as evidenced in the translator’s capacity and positioning to make herself heard as a situated subject. However, the discussion also reveals perspectives that reinforce the view that translators possess an inferior status among the more dominant roles in an institutional setting. In this case study, the institutional constraints under which Jeong’s activities as a translator and proofreader/reviser were performed and her limited knowledge and authority as a consequence of the constraints were important factors, in addition to others, in weakening her claims about changes added to the translation after the revision process. In fact, neither Jeong nor the court considered translators to be part of the group of people making the episode (
          <marquage typemarq="italique">State v. Cho Neung-Hee</marquage>
          , see note 18; Jeong 2009b, see note 22). The “outsider” status of a freelance translator seems to have instilled a certain submissive disposition in translators (Simeoni 1998). If that is the case, the questions that need to be asked are: How can a translator be expected to engage in responsible and ethical behavior without full knowledge of the larger picture of the text or the intention of the users of a translation? How much should translators know about the intention of the users of translation in order to make any claims regarding legitimate translation? What are the conditions under which institutional translators may make their voices heard regarding the interpretation of the ST or even possible distortions of the TT made by other related parties? This case study has clearly demonstrated that translators and translation play a critical role in the translingual and transcultural reporting of a major news event; yet what is equally apparent is the lack of acknowledgement received by translators for their mediating role of translation. Despite the superficial visibility translation receives in the debates, the invisibility that defines translators and translation in non-conflictual situations seems to equally characterize the complex input that translators and translation make in situations of conflict.
        </alinea>
      </para>
    </section1>
  </corps>
  <partiesann lang="en">
    <merci>
      <alinea>
        This research was supported by a grant awarded to the author by Ajou University of the Republic of Korea in 2010.
      </alinea>
    </merci>
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      </note>
      <note id="no6">
        <no>6</no>
        <alinea>
          The categories of translation method used in Conway’s (2010) study are: “self-translation, all cases (the speaker’s use of a language other than the first language),” “self-translation, strong cases (speaking a foreign language with a strong accent, lexical), “voiceover translation, reporter,” “voiceover translation, anchor,” “summary translation, anchor,” and “subtitles.”
        </alinea>
      </note>
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        <no>7</no>
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          Bauman and Briggs used
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          from a linguistic anthropological perspective to describe narrative performance. However, scholars are increasingly using this concept to examine such phenomena as transcription, quoting, reporting, and translation (Kang 2007. 2010; Park and Bucholtz 2009).
        </alinea>
      </note>
      <note id="no8">
        <no>8</no>
        <alinea>
          The South Korean government’s move regarding beef import was part of its effort to encourage Washington to ratify the free trade agreement (FTA) with Seoul, which the South Korean government considered as crucial for the country’s economic growth and sustainability. In 2008. rumors were circulating in South Korea that Washington would not ratify FTA unless the South Korean government accepted the beef import deal. This rumor was revealed to be true in a 2010 report submitted to the US Congress on the beef issue in South Korea (Jurenas and Manyin, 2010).
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        <no>10</no>
        <alinea>
          The events that followed the airing of the program are due to numerous factors, including South Koreans’ distrust of the government and its neo-liberal policies, the conflict between the conservative and progressive political forces, the history of Korea-US relations, anti-US sentiment in the country, South Korea’s participatory politics, and the heightening of people’s awareness of food safety.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no11">
        <no>11</no>
        <alinea>
          Opposition political parties joined the protests and farmers also called for the rejection of the free trade agreement. President Lee’s political standing was seriously weakened as a result, and he was forced to renegotiate the deal, to make an official apology to the South Koreans, and to reshuffle the Cabinet to save his plummeting approval ratings.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no12">
        <no>12</no>
        <alinea>
          MINBYUN-Lawyers for Democratic Society (Updated last: 18 June 2009): Sengmyeng: Cengchikemchaluy Phokcwu, PD Swuchep Kisolul Kyuthanhanta [Statement: The Railroading by the Power’s Handmaiden Prosecution, Denouncing the Indictment of PD Swuchep]. Visited on 22 October 2009, <
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        <no>13</no>
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          , Sung-Yoon (2011): Taypepwen, PD Swuchep ‘Kwangwupyeng Poto’ Mwucoy Hwakceng [The Supreme Court, Not Guilty Verdict to PD Swuchep’s Report on the Mad Cow Disease].
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        <no>14</no>
        <alinea>
          A
          <marquage typemarq="italique">downer cow</marquage>
          refers to any cow that is too sick or weak to stand on its own.
        </alinea>
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      <note id="no15">
        <no>15</no>
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            http://www.nytimes.com/2008/05/21/business/21beef.html
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          >.
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      <note id="no16">
        <no>16</no>
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          The Humane Society of the United States (30 January 2008):
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            Rampant Animal Cruelty at California Slaughter Plant
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          . Visited on 21 November 2010, <
          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls11" xlink:type="simple" xlink:href="http://www.humanesociety.org/news/news/2008/01/undercover_investigation_013008.html">
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        <no>17</no>
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      </note>
      <note id="no18">
        <no>18</no>
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          >.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no20">
        <no>20</no>
        <alinea>
          Jeong (2009a) stated that although she currently works as a translator, she identifies herself less as a translator than as a historian and a budding scholar in the humanities. She did not hide the fact that she does not share with other translators a love of the trade. Her curious, even negative, attitude toward translation as a profession may be one of the reasons why few translators have openly voiced support of her position.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no21">
        <no>21</no>
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          <marquage typemarq="petitecap">Koh</marquage>
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        </alinea>
      </note>
      <note id="no22">
        <no>22</no>
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      </note>
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        <no>23</no>
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          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls15" xlink:type="simple" xlink:href="http://www.imbc.com/broad/tv/culture/pd/board/index.html">
            http://www.imbc.com/broad/tv/culture/pd/board/index.html
          </liensimple>
          >.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no24">
        <no>24</no>
        <alinea>
          The Korean subtitles in the extracts are presented in the same way as the actual subtitles on screen, except for the underlining of words. All back-translations in the extracts are made by the author.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no25">
        <no>25</no>
        <alinea>
          In the case of the Korean language, both the singular and plural forms may fulfill the plural function, although plural markers are also available.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no26">
        <no>26</no>
        <alinea>
          About 15 minutes into the program, the downer cows footage is shown again with voice-over which states that “
          <marquage typemarq="souligne">
            I tongyengsang sotul cwung kwangwupyeng soka issesstako tancenghal swunun epsta. Kulena i sotuli silceylo kwangwupyeng soinci yepwuto al kili epsta
          </marquage>
          ” [
          <marquage typemarq="italique">
            We cannot say with certainty that there were mad cow disease-infected cattle in the footage. However, there is equally no way of knowing whether or not these cows in fact had contracted mad cow disease
          </marquage>
          ]. However, during the 15 minutes before this voice-over comment was made, various mechanisms had been used to cumulatively support and elaborate a risk narrative on screen for viewers.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no27">
        <no>27</no>
        <alinea>
          <marquage typemarq="petitecap">Anonymous</marquage>
          (10 April 2008):
          <marquage typemarq="italique">
            Virginia Department of Health Investigates Illness of Portsmouth Woman
          </marquage>
          . Virginia Department of Health. Visited on 29 June 2010, <
          <liensimple xmlns:xlink="http://www.w3.org/1999/xlink" id="ls16" xlink:type="simple" xlink:href="http://www.vdh.state.va.us/news/PressReleases/2008/041008Portsmouth.htm">
            http://www.vdh.state.va.us/news/PressReleases/2008/041008Portsmouth.htm
          </liensimple>
          >.
        </alinea>
      </note>
      <note id="no28">
        <no>28</no>
        <alinea>
          Jeong’s ability as a proofreader/reviser was also called into question when the comparison of the various versions revealed that the alleged mistranslations and the change in meanings were bypassed in the revision process.
        </alinea>
      </note>
    </grnote>
  </partiesann>
</article>

Le zombie : épidémie et destruction de l’humanité (24 images)

html / PDF : https://www.erudit.org/fr/revues/images/2012-n160-images0407/68298ac/

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      Le zombie : épidémie et destruction de l’humanité par Maxime Coulombe La trilogie de George A. Romero, Night of the Living Dead (1968), Dawn of the Dead (1978), Day of the Dead (1985) a fondé le cinéma de zombies tel qu’on le connaît aujourd’hui. Si Romero ne fut pas le premier à aborder la figure du zombie au cinéma, il transforma la créature d’origine haïtienne pour l’adapter aux préoccupations et aux angoisses occidentales : il en fit une créature capable de décimer la planète, une créature figurant notre pessimisme. Rappelons d’abord que selon la mythologie haïtienne, certains prêtres vaudou, les bokors, droguaient des individus à l’aide d’une poudre paralysante nommée « coup poudre »1. Provoquant chez les victimes un état de mort apparente, ces dernières étaient ainsi prises pour mortes et enterrées, avant d’être déterrées par le prêtre utilisant des formules rituelles, pour lui servir d’esclaves. Ces esclaves, ces zombies, se révélaient être des corps sans esprit, des coquilles vides, la poudre ayant pour effet de retirer toute subjectivité à sa victime. Les prêtres employaient ainsi les zombies pour leurs tâches ménagères, pour le travail aux champs, leur manque d’esprit empêchant de leur ordonner des besognes plus violentes et plus sombres. Pour plusieurs, l’effet de cette drogue était temporaire, et le zombie, sans sa dose régulière, retournait à la conscience. On raconte ainsi que des sujets furent sauvés de leur esclavage catatonique. Entre le zombie haïtien et le zombie de Romero, il y a, littéralement, un monde. Le zombie de ces films n’est plus un vivant que l’on prendrait pour un mort, comme dans la culture haïtienne2, mais bien l’inverse : il est un mort paraissant vivant. Un presque-vivant. Il erre désormais sans but, laissé à lui-même. Il ne sort de son apathie qu’en présence d’un humain et ce n’est qu’alors que son ultime, sa plus simple volonté surgit : dévorer les vivants. En cela, le zombie évoque la goule, ce démon arabe et perse, présent déjà dans les Mille et une nuits, qui déterre les morts pour les dévorer. Romero fit du zombie un mort en pleine décomposition ; sa survie – sa vie relative – apparaît pour le coup complètement surnaturelle. Le zombie n’est plus le fait d’un maléfice exercé par un sorcier, il est désormais sans maître, et s’il demeure l’instrument d’un plan, celui-ci est secret, insaisissable. Tout se passe comme si le zombie inventait une nouvelle catégorie de fantastique : la contingence surnaturelle. Une formidable force ramène les morts à la vie, leur retire toute conscience, mais l’horreur ainsi causée paraît n’avoir d’autre finalité que la destruction elle-même. Du coup, mort et sans maître, la condition du zombie est désormais une fatalité. Elle ne pourra être renversée. Il ne restera qu’à retourner ces créatures à leur condition première : le trépas. Le zombie se transforme en une formidable machine de guerre par l’ajout d’une dernière caractéristique, elle aussi nouvelle : le cannibalisme. Le zombie se nourrit de chair humaine et, par conséquent, pourchasse et tue l’humain, le transformant, en lui donnant la mort, en zombie. Une nouvelle espèce et non plus un sortilège : le cannibalisme et l’aspect désormais irrémédiable de la condition du zombie auront scellé son sort : du coup, les choses pourront dégénérer en affaire – en guerre – d’espèces, une guerre totale, unique, déjà, en ce que la mort des humains nourrit le camp des zombies. Romero a joint à la figure du zombie haïtien une autre référence, largement avouée : le roman I Am Legend de Richard Matheson, publié 1954. Dans le roman, Matheson raconte la vie de Robert Neville, dernier survivant d’une étrange épidémie transformant les morts en vampires assoiffés de sang et craignant la lumière. On trouve là l’idée, reprise par Romero, d’une seconde espèce se nourrissant des hommes, espèce émergeant à même l’humanité, mais démontrant une nature si distincte qu’elle en viendra à souhaiter sa propre autonomie. Les vampires de Matheson sont doués de conscience et, telle est ici la force narrative du roman, souhaitent en finir avec Neville non pas pour se nourrir de lui, mais parce qu’il massacre leur espèce3. La survie dans un monde dévasté et habité par des êtres mangeurs de chair constitue un autre motif central des films de Romero, emprunté à Matheson. Il n’est de zombies, depuis Romero, que sur fond d’univers dévasté. Si cette destruction est à peine visible, voire ultimement contenue dans Night of the Living Dead, elle gagne en ampleur dans Dawn of the Dead, jusqu’à recouvrir la totalité de la planète dans Day of the Living Dead. En cela, la trilogie, bien qu’elle n’emploie jamais les mêmes personnages, est le fait d’une évolution visible par la progression des zombies sur la surface de la planète. Les films de Romero impliqueront de plus en plus – du moins jusqu’aux années 2000 – une réflexion sur les conditions de survie et le sens de la vie dans un monde dévasté4. Dans Day of the Dead, les humains, repliés dans une base souterraine assiégée par les zombies, tentent de comprendre la source de cette épidémie et de donner sens à une survie précaire. Romero en profitera pour poursuivre une réflexion sur la dégradation des rapports sociaux, sous le joug des attaques de zombies, alors que les individus révéleront leurs véritables couleurs et les valeurs profondes qui les animent. Depuis Romero Entre le genre qu’a su créer Romero et la légion de films qui ont repris ce motif, il y a bien sûr plus de solutions de continuité que de ruptures. Pourtant, un élément fondamental distingue ces films du modèle qu’a pu instituer Romero. Cet élément, dont la cause sociale et culturelle apparaîtra évidente, tient à l’origine de ces morts-vivants et à la façon dont leur condition se répand. On aura tendance à l’oublier, puisque Romero fut probablement le seul à proposer une telle interprétation – avec désormais la bande dessinée et la série télé Walking Dead –, mais la présence des zombies dans son cinéma n’est pas le fait d’une épidémie en soi. Comme le note un journaliste dans Night of the Living Dead : It has been established that persons who have recently died have been returning to life and committing acts of murder. A widespread investigation of funeral homes, morgues, and hospitals has concluded that the unburied dead have been returning to life and seeking human victims. It’s hard for us here to be reporting this to you, but it does seem to be a fact. Ce n’est donc pas la morsure des zombies ou un virus, à proprement parler, qui sont responsables de cette catastrophe. Plus simplement, de façon plus déroutante, tous les morts non enterrés reviennent à la vie. En fait, les cadavres reprennent vie en quelques secondes et attaquent les vivants. Cette affliction surnaturelle, fondée sur un mode de transmission dépassant toute raison, ressemble fort à un châtiment divin. Cette interprétation sera d’ailleurs reprise par certains personnages : — Francine Parker: What the hell are they? — Peter: They’re us, that’s all, when there’s no more room in hell. — Stephen: What ? — Peter: Something my granddad used to tell us. You know Macumba? Voodoo. My granddad was a priest in Trinidad. He used to tell us, “When there’s no more room in hell, the dead will walk the earth.” L’idée du châtiment divin demeure présente comme un jugement moral sur la société occidentale, un jugement diffracté, et en cela plus général, qui se dégage de la trame de ces films. Pourtant, se mettra en place chez les héritiers de Romero un mode de transmission plus en phase avec les craintes animant les années 1970 et surtout 1980 : désormais, on deviendra zombie après avoir été mordu par un individu infecté, voire simplement par contact avec le sang. Et le zombie, ce mort revenant à la vie, constituera une troublante métaphore du sidéen, perçu comme un vivant condamné à la mort et à contaminer son entourage. Quoi qu’il en soit, un tel changement dans le mode de transmission de la contamination allait permettre au motif du zombie de perdre sa connotation fantastique pour devenir une représentation des craintes sous-tendant les recherches biotechnologiques. Dans Resident Evil, par exemple, l’épidémie de zombies résulte du vol puis de la propagation d’une arme biotechnologique produite par une entreprise privée omnipotente (Umbrella corporation). Plus concrètement encore, des films comme 28 Days Later et 28 Weeks Later fonctionnent à peu près selon la logique des films de zombies – apocalypse, dissolution de la conscience, violence –, mais font de l’épidémie la cause de la propagation d’un type passablement virulent de rage : des expériences menées sur des singes auraient mal tourné. Le zombie du cinéma des années 1970 jusqu’à aujourd’hui intrigue du fait de sa posture d’ennemi faible, non pas supérieur, mais inférieur à l’homme. Le scénario classique du cinéma fantastique et d’horreur tient au combat inégal de l’homme contre un plus puissant que lui et qui nécessitera le dépassement de soi, un travail d’équipe et de la chance pour le vaincre. Le cinéma de zombies oeuvre dans un créneau fort différent : il incarne la défaite de l’Occident, voire son autodestruction. Un mal produit par l’Occident, donnant naissance à des sous-hommes, se révèle capable de décimer la planète. L’homme, dans ce combat étonnant, démontrera non pas le meilleur de lui-même, mais le pire. Les humains, confrontés à cet ennemi, en viendront à s’en prendre les uns aux autres, à s’entretuer, incapables de s’unir pour affronter ce cauchemar. Le cinéma de zombies constitue non seulement une critique de la société de consommation, mais peut-être plus profondément une critique des valeurs individualistes et narcissiques de l’Occident. Les zombies se présentent comme un ennemi facile à vaincre : la défaite humaine – telle est, presque dans tous les cas, la morale de l’histoire – est peut-être moins le fait du zombie lui-même que de l’homme, l’humanité n’ayant pas su s’organiser ni s’unir pour gagner. L’humain est décimé, car il est incapable de se concevoir au-delà de sa simple individualité. Chose étonnante, cette chute figurée nous apaise. D’une part, elle évoque une punition perçue comme méritée – les médias le rappellent. Mais d’autre part, en souhaitant cette punition dont il est menacé, l’homme reprendrait un certain contrôle sur son destin. Il y aurait ainsi un effet cathartique dans ces représentations apocalyptiques. La fin du monde comme catharsis Du concept de catharsis chez Aristote, nous ne savons que bien peu de chose. Quelques phrases, deux plus précisément, nous sont parvenues ; du reste, de ce qui devait prendre place dans la seconde partie de la Poétique, désormais perdue, nous ne savons rien. La phrase qui joue le rôle le plus important dans l’interprétation du concept est souvent citée : « La tragédie, par la terreur et la pitié, accomplit la purification [katharsis] de telles passions »5. La catharsis transformerait des sentiments désagréables en plaisir. La façon et les moyens de cette conversion sont toutefois, encore aujourd’hui, débattus. On attribue parfois la catharsis au pouvoir mimétique : la représentation d’une chose en offre une formulation simplifiée, compréhensible, permettant au sujet de se reconnaître — nous et nos drames et nos angoisses — dans le miroir de la tragédie : la catharsis aurait un pouvoir de révélation. De la tragédie grecque au traitement des hystériques, de la poétique à la psychanalyse, la catharsis demeure un vaste lieu d’interrogation et de recherche. En sortant d’une simple lecture herméneutique où les quelques bribes aristotéliciennes fonctionnent comme uniques clefs, en en faisant un concept opératoire et anthropologique, sans doute, la catharsis peut nous aider à comprendre notre rapport actuel aux images, notre passion pour l’horreur et le plaisir qu’elle procure. Dans La violence des images, Olivier Mongin prenait ses distances du concept de catharsis lorsqu’il est employé pour analyser les images violentes contemporaines. Il notait : [les images contemporaines de la violence] transforment rarement la frayeur ou la pitié (envers la victime) en plaisir, elles génèrent une frayeur indistincte qui n’autorise pas à prendre la bonne distance favorisant l’épuration. Et pour cause : la violence des images contemporaines sort le plus souvent des sentiers tracés du muthos (récit) et ne cherche pas à offrir au regard du spectateur des objets eux-mêmes épurés. La désensibilisation contemporaine – indissociable, selon moi, des métamorphoses de la violence historique elle-même – participe d’un double échec de la catharsis : échec d’un regard brouillé par une violence diffuse et trouble, échec d’une « configuration » de la violence par un récit susceptible de l’épurer6. Si l’analyse de Mongin est rigoureuse et sa définition de la catharsis assez fidèle à ses enjeux, force est de nous interroger sur la disparition de la catharsis qu’il annonce. Si la violence du zombie est bien « diffuse » et « trouble », elle est cependant portée par un récit de fin du monde offrant une singulière, mais bien réelle épuration. En fait, si la catharsis, pour suivre quelques approches psychanalytiques récentes, permet de se confronter à un fantasme sans avoir à en vivre les conséquences – et serait, en cela, au plus près du concept du sublime –, si elle apaise le sujet en le confortant sur la normalité de ses désirs, il faut voir les films de zombies comme bel et bien cathartiques en ce qu’ils figurent notre fantasme de fin des temps. Nous nous amusons de ces films, car ils dépeignent une civilisation vaine détruite par des ennemis grotesques ; les scénarios prévisibles et les protagonistes souvent stéréotypés nous plongent dans un combat que l’on sait perdu d’avance. Face à l’ambiguïté du monde, face à l’incertitude de notre avenir, face au vague sentiment de culpabilité quant au sort de la planète, le cinéma de zombies nous amuse et nous rassure. Plus de sentiment de culpabilité, plus de crainte : pendant deux heures le spectateur regarde ces représentations le sourire en coin. Voir l’anéantissement du monde produit un sentiment d’apaisement ; la fin du monde dont nous menacent les médias est enfin présentée… à l’écran. Si le cinéma d’apocalypse est assurément inquiétant, il faudrait sans doute, à bien y regarder, s’inquiéter aussi de notre réaction à celui-ci. Maxime Coulombe enseigne l’histoire de l’art actuel à l’Université Laval et vient de publier Petite philosophie du zombie aux Presses universitaire de France. 1. Il faudrait sans doute employer le conditionnel ici, puisque selon certains, ces pratiques auraient encore cours. Un des comptes rendus les plus célèbres et les plus discutables, sans doute, est celui de Wade Danis, professeur d’ethnobotanique à Harvard. Dans un ouvrage fameux prenant le zombie comme un phénomène physique plausible, The Serpent and the Rainbow, Danis raconte comment, en 1985, il s’est rendu à Haïti pour tenter de comprendre la composition d’une étrange drogue capable de provoquer un état de mort apparente. « [The drug] induces a state of profound paralysis, marked by complete immobility during which time the border between life and death is not at all certain, even to trained physicians » Davis, dans Kyle Bishop, « Raising the Dead : Unearthing the Non-Literary Origins of Zombie Cinema ». Journal of Popular Film and Television, vol. 33, n° 4, 2006, p. 198. 2. Sur la distinction entre le zombie de Romero et le zombie haïtien, voir Maxime Coulombe, Petite philosophie du zombie, Paris, PUF, 2012. 3. Romero fera d’ailleurs de cette troupe d’une nouvelle espèce qui aspire à l’autonomie le coeur du scénario de Land of the Dead, sorti en 2005. 4. Notons en passant que cette idée de survie ne sera pas la dernière idée reprise d’I Am Legend : une autre, souterraine et fondamentale, gagnera de même en importance dans les films de Romero. Dans le roman de Matheson, le personnage principal apprend que les victimes de l’épidémie commencent à prendre le dessus sur leur maladie et à vivre à la lumière du jour. La nouvelle espèce gagne ainsi en humanité et en autonomie. Cette idée de naissance d’une conscience chez le mort-vivant apparaît dans un film plus récent de Romero, Land of the Dead, où les morts-vivants en arrivent, sous les ordres de leur chef, à s’organiser et à se révolter contre leurs maîtres humains. 5. Aristote, Poétique, chapitre VI, 449 b 27. 6. Olivier Mongin, La violence des images, Seuil, 1997, p. 148. Souligné par nous. Night of the Living Dead (1968) de George A. Romero DaY of the Dead (1985) de Romero 28 Days Later (2002) de Danny Boyle et Resident Evil: Afterlife (2010) de Paul W. S. Anderson
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Jerry Pethick, John Scott, Brian Jungen, Valérie Blass, Roland Poulin (Espace)

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      TOP 5 John K. GRANDE Jerry PETHICK John SCOTT Brian JUNGEN Valérie BLASS Roland POULIN > Valérie BLASS, L’homme paille (Straw Man), 2008. Mannequin en fil et peluche couvert de mousse synthétique, ruban adhésif entoilé, filet en ficelle et jute cordé ; buste en plâtre peint ; base en mousse de matelas et grillage couvert de plâtre Hydrocal FGR et de peinture / Wire and plush mannequin covered in synthetic foam padding, duct tape, twine netting, jute cordage, painted slip cast plaster bust, and foam and mesh base covered in Hydrocal FGR gyspum cement and paint, 140 x 120 x 60 cm. Collection : Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada, Ottawa. Photo © NGC. Jerry PETHICK n’était certes pas une star dans le milieu de l’art, mais c’était un visionnaire, un battant qui est resté fidèle à lui-même. Il a transformé son expérience de vie dans des installations accessibles, finement ouvragées, intelligentes et liées à l’environnement. Il fut un pionnier de l’holographie, construisant ses oeuvres autour de tensions narratives, artistiques et perceptuelles. Un véritable innovateur ! Avec ses avions de guerre, ses missiles et ses personnages affublés d’oreilles de lapin, l’art de John SCOTT exprime le malaise d’une culture technocratique dévastatrice. Son oeuvre Trans-Am Apocalypse, qui présente le texte de l’Apocalypse de saint Jean l’Évangéliste entièrement gravé à l’aide d’un clou, est noir mat, rouillée, et post-punk. À l’instar du groupe montréalais Doughboys en musique, il signifie beaucoup pour les gens de ma génération. Les logos et les éléments modulaires transformés par l’artiste de Colombie-Britannique Brian JUNGEN à partir d’équipements sportifs, de conteneurs à gaz, de chaises empilables, deviennent de splendides objets/icônes de la culture pop pour l’amateur de galerie d’art. Jungen est intelligent, communautaire, conceptuel, et tellement contemporain avec une touche amérindienne. Grâce à leur folle hybridité et à leur ironie, les créatures /esprits humaines et ambiguës que sont les enviro-sculptures de Valérie BLASS constituent des assemblages syncrétiques très prégnants sur le plan visuel. L’imagination fertile de Blass et sa capacité à transformer la matière sont à surveiller. Que va-elle faire ensuite ? Roland POULIN, une vision sculpturale singulière, un sens exquis de la forme abstraite dans l’espace. La subtilité, la complexité et l’éloquence de son style de sculpture lyrique véhiculent un engagement et une intériorité finement peaufinée. Un sculpteur-sculpteur à la sensibilité très québécoise, si un tel concept existe ! Traduction : S.F.
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      Jerry PETHICK was no art star but he was a visionary who fought for and followed his experience. He transformed it all into finely wrought accessible installations that were environmental and intelligent! Pethick pioneered holographic construction, building narrative and perceptual tension into his artwork — a real innovator! John SCOTT’s art expresses the malaise of a destructive technocratic culture with warplanes, missiles and rabbit-like characters. Scott’s Trans-Am Apocalypse, engraved all over, using a nail to write text from the Book of Revelation of St. John the Evangelist, is mat black, rusting, post Punk and like Montreal’s Doughboys in music means a lot to my generation. The logo, the product module, once transformed by British Columbia’s Brian JUNGEN out of sports equipment, gas containers, stacking chairs and what have you, become exquisite objects/icons of Pop, consumer art gallery culture. Jungen is clever, communal, conceptual and so contemporary with an Amerindian twist! For the beautiful hybridity, and her sense of irony, Valérie BLASS’ circus of ambiguous creatures / human spirits and ironic enviro-sculptures are very visual and syncretic hybrids. Blass’ fervid imagination and transformative material capability are to be watched. What will she do next? Roland POULIN has a singular sculptural vision, an exquisite abstract sense of form in space. The subtlety, intricacy and eloquence of his lyrical sculpture convey a fine tuned interiority and dedication. A sculptor’s sculptor with a very Quebecois sensibility if ever there was one! ESPACE 100 ÉtÉ/Summer 2012
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