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Where No One Has Gone Before vant que la revue ne change de mandat éditorial en février 2014, nous ouvrons nos pages, pour une dernière fois, à la très vaste multidisciplinarité qui caractérise notre scène artistique des arts visuels. À l’occasion de l’incontestable jalon historique de notre centième numéro, c’est avec une très grande émotion que nous publions 35 oeuvres inédites, réalisées pour ETC par 30 créateurs. Photographes, performeurs, peintres, dessinateurs, sculpteurs et autres praticiens ont conçu leur « terrain » dans l’espace de la revue. Comme en toute intimité, ils se sont insérés dans nos traces, aux confins mêmes de l’oeuvre d’art et de l’infographie. Le résultat est spectaculaire ! Je les en remercie. Bienvenue chez nous ! Bienvenue chez vous ! Depuis qu’ETC a quitté Montréal pour s’établir il y a un an dans les Laurentides, nous n’avons cessé de voir à la planification et à la réalisation de nouveaux projets. Pour approfondir et publier davantage sur un seul secteur des arts visuels, nous avons pris la décision, avec la nouvelle équipe de rédaction1, de créer une revue d’art axée sur les arts technologiques et numériques. Par ce clivage ou ce positionnement, nous reconnaissons la très grande richesse des pratiques des arts issus des technologies du numérique que nous aborderons sous l’angle des répercussions sociologiques, politiques, technologiques et scientifiques de leur déploiement. Le mandat de création d’un nouveau magazine de ce type est gigantesque. On peut se demander sur quel type de nouvelle planète nous marchons, là où personne ou aucune revue, n’a, encore, véritablement posé le pied – ou fait sa marque ? Nous solliciterons fortement les réseaux de collaborateurs d’ici et de l’étranger. En optant pour la « prise en charge » d’un seul secteur des arts visuels qui, à lui seul, rayonne parmi une cosmogonie de laboratoires et de recherches exploratoires, nous prenons également le parti de travailler en collaboration avec les différents organismes et acteurs des milieux. Enfin, les communautés des technologies numériques, de l’électronique, de l’audio, des nouveaux médias, de l’immersif, de l’interactif, du cinéma, de la vidéo, du Web et de tant d’autres disciplines liées aux technologies de création et d’exploration numérique auront leur revue ! Les lecteurs d’ETC MEDIA profiteront du fruit d’un ensemble d’échanges entre les diverses communautés de chercheurs et de créateurs. Nous vous mènerons là où le terme « laboratoire » n’est pas un euphémisme. Sur le plan de l’action auprès des communautés, sur un tout autre plan, ETC a fait publier une brochure destinée à la population et au tourisme des Laurentides. Son tirage de 20 000 exemplaires propose une route de l’art contemporain sur tout le territoire laurentien, de Ste-Eustache à Rivière-Rouge. Les programmations annuelles de lieux d’exposition investis en art actuel ont été retenues, ainsi que des circuits d’art public et de visites à l’extérieur, de même que les créateurs de la région. Cette publication très illustrée est disponible dans différents bureaux de Tourisme et de nombreux lieux publics à Montréal, Laval et dans les Laurentides, de décembre 2013 à décembre 2014. Bon 100e ! Isabelle Lelarge Note 1 Je remercie très chaleureusement de leur confiance les nouveaux membres du comité de rédaction : Anne-Marie Bouchard, Guillaume Lafleur, Mériol Lehmann et Valérie Lamontagne. A
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<titre>Introduction</titre>
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<alinea>Les agressions sexuelles sur des mineurs (ASM) ont été étudiées de manière
approfondie au cours des dernières années. Ces recherches se sont intéressées à diverses
dimensions de ce problème social comme l’épidémiologie, les facteurs de risques, les
séquelles et le traitement (Collin-Vézina, Daigneault et Hébert, 2013). Les recherches
épidémiologiques sur les ASM ont permis de mieux comprendre les facteurs qui influencent
les taux d’ASM signalées au fil du temps. Les incidences d’ASM ont connu une augmentation
depuis les années 1970 (Leventhal, 2001 ; Putnam, 2003), une hausse que l’on suppose due à
la conscientisation du public sur la question (Putnam, 2003). D’autres études américaines
(Finkelhor et Jones, 2004) et canadiennes (Trocmé <marquage typemarq="italique">et
al</marquage>., 2010) semblent toutefois noter une baisse marquée des enquêtes menées par
les services de protection de l’enfance (SPE) sur les ASM, à partir des années 1990 et au
cours des années 2000 à 2010. En analysant ces tendances et en vérifiant diverses
hypothèses, allant des changements dans les pratiques d’analyse de dépistage aux normes de
justification, Finkelhor et Jones (2004) en arrivèrent à la conclusion que cette baisse
observée du côté des États-Unis était en partie due à une baisse réelle d’incidents d’ASM.
De telles conclusions ne peuvent toutefois pas être généralisées pour tous les pays,
compte tenu des différents cadres législatifs et organisationnels, même au sein des
sociétés occidentales (Collin-Vézina, Hélie et Trocmé, 2010). Les processus de traitement,
par les SPE, des cas d’ASM à investiguer n’ont pas encore été étudiés en profondeur, une
lacune que la présente étude cherche à combler.</alinea></para><section2 id="s2n1"><no>1.
1</no>
<titre>Prévalence et incidence des cas d’ASM</titre>
<para id="pa2"><no>2</no><alinea>De nombreux facteurs expliquent la difficile évaluation de la prévalence des cas
d’ASM. L’absence de consensus sur la définition d’une ASM, les différents mécanismes de
collecte des données (Johnson, 2008) et le fait que les ASM ne sont pas nécessairement
signalées au moment où elles ont lieu (Organisation mondiale de la santé, 2002) ont limité
jusqu’à maintenant la concordance des résultats de recherches. Certains remettent en
question la pertinence d’évaluer les taux de prévalence en se penchant sur des cas confiés
aux SPE ou aux forces policières (Leventhal, 2001 ; Ward et Bennett, 2003), puisque 75 %
des incidents d’ASM ne sont probablement jamais signalés à ces services (Johnson, 2008).
De plus, les cas d’ASM signalés aux SPE sont soumis à de nombreuses procédures avant
d’être évalués ou corroborés (c.-à-d. les ASM traitées par des SPE, évaluées et
corroborées ; Jones et Finkelhor, 2001), dont une procédure de sélection à la première
étape, qui limite d’emblée le nombre de cas qui sont traités et soumis à une enquête. En
effet, certains cas d’ASM peuvent être signalés aux SPE, mais ne pas tomber sous
l’autorité des SPE, comme dans les cas où la sécurité et le développement de l’enfant ne
sont pas compromis (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2010). De telles
situations peuvent parfois être mieux résolues en redirigeant les familles vers d’autres
ressources communautaires plus aptes à les traiter. Les conséquences de ce processus de
sélection sur la diminution des cas d’ASM portés à l’attention des SPE peuvent donner la
fausse impression que la fréquence des ASM s’est modifiée alors que cette baisse pourrait
plutôt refléter des normes plus conservatrices de la part de ces organismes dans la
sélection des cas en question.</alinea></para></section2><section2 id="s2n2"><no>1.
2</no><titre>Déclin observé des ASM</titre><para id="pa3"><no>3</no><alinea>Finkelhor et Jones (2012) ont noté, en analysant des données des États-Unis, une
importante chute de 62 % des cas corroborés d’ASM de 1992 à 2010. Ils ont également
analysé des données d’un échantillon de professionnels travaillant auprès d’enfants et ont
conclu à une baisse de 47 % des ASM entre 1993 et 2005. Selon Leventhal (2001), cette
diminution peut être due à une modification des critères de sélection des cas par les SPE,
des changements qui affectent la décision de traiter et de corroborer les incidents
signalés. Ces modifications pourraient donc avoir réduit le nombre de cas signalés puis
corroborés par la suite. En se penchant sur les changements possibles dans les politiques
et les procédures des SPE, Finkelhor et Jones (2004) relèvent qu’une baisse de 26 %
d’admission des cas d’ASM explique en partie le nombre moindre d’incidents corroborés par
la suite. Par exemple, dans certains États américains, il était moins probable de voir des
incidents concernant des enfants d’âge préscolaire être traités. Toutefois, ces
changements n’expliquent pas la baisse drastique des ASM en général, les cas touchant des
enfants en bas âge ne représentant qu’une faible portion des cas d’ASM. Les chercheurs
auraient par ailleurs noté une augmentation de l’exclusion des cas qui n’impliquent pas un
tuteur en tant qu’agresseur.</alinea></para><para id="pa4"><no>4</no><alinea>Au Canada, les recherches sur l’incidence d’ASM ont mené à des résultats
contradictoires. L’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et
de négligence envers les enfants (ECI), qui a rassemblé des données des SPE partout au
pays, en 1998 et en 2003, a révélé une baisse de 30 % dans les cas corroborés d’ASM entre
1998 et 2003 (Trocmé <marquage typemarq="italique">et al</marquage>., 2001 ; Trocmé
<marquage typemarq="italique">et al</marquage>., 2005). Cette baisse n’était toutefois pas
considérée comme notable compte tenu du fait que les cas d’ASM étaient peu nombreux. En
2008, les cas corroborés d’ASM ont encore baissé de 11 % (Trocmé <marquage typemarq="italique">et al</marquage>., 2010). Analysant les résultats de l’ECI en vue
d’examiner d’éventuels changements dans les procédures de corroboration, Collin-Vézina
<marquage typemarq="italique">et al</marquage>. (2010) ont noté que des cas de la première
et de la seconde ECI étaient moins sujets à être corroborés lorsqu’il n’existait aucune
preuve physique ou lorsque les preuves existantes pouvaient être remises en question. Le
nombre limité de cas et les données étudiées n’incluant aucun renseignement sur les cas
non traités en enquête, les chercheurs n’ont pas pu vérifier l’hypothèse selon laquelle
une modification des pratiques des SPE aurait limité la corroboration de cas
d’ASM.</alinea></para><para id="pa5"><no>5</no><alinea>Sur le plan provincial, l’Étude sur l’incidence et les caractéristiques des
situations d’abus, de négligence, d’abandon et de troubles de comportement sérieux
signalées à la Direction de la protection de la jeunesse au Québec (EIQ) a relevé une
augmentation de 24 % des cas corroborés d’ASM entre 1998 et 2003 (probablement à cause de
différences entre les définitions des deux cycles), mais une baisse générale de 16 % entre
1998 et le cycle de 2008 (qui suit une méthode similaire de collecte des données ; Hélie,
Turcotte, Trocmé et Tourigny, 2012). Dans un cadre temporel similaire, des données des
forces policières ont montré une augmentation notable de 52 % des crimes sexuels signalés
contre les enfants et les adultes entre 1997 et 2006 (Ministère de la Sécurité publique,
2007). En comparaison, une baisse de 30 % sur la même période au Canada semble indiquer,
encore une fois, des tendances complexes dans les signalements d’ASM aux autorités dans la
province. Devant ces données statistiques fluctuantes, il se peut que divers facteurs
aient influencé le nombre de signalements traités par les SPE au Québec. Ce nombre peut
avoir augmenté dans les données des SPE et des services de police à la suite de la mise en
oeuvre en 2001 d’une entente multisectorielle visant à améliorer les communications entre
les SPE et les autorités (il est en effet plus probable que chaque partie mène des
enquêtes sur les cas ; Collin-Vézina, Hélie et Roy, 2009). Toutefois, d’autres facteurs
organisationnels, tels que les changements dans les processus de traitement, peuvent aussi
expliquer ces tendances complexes.</alinea></para></section2><section2 id="s2n3"><no>1.
3</no><titre>Les processus de traitement dans les SPE au Québec</titre><para id="pa6"><no>6</no><alinea>Au Québec, les SPE ont pour mandat de mener des enquêtes sur les situations de
maltraitance, conformément à la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ, 2014). Si la
plupart des signalements reçus par le service d’admission relèvent les situations où des
familles ont besoin d’aide, ces situations ne requièrent pas toujours l’intervention des
SPE. Rediriger ces familles vers d’autres ressources communautaires est parfois plus
approprié (MSSS, 2010). Ainsi, conformément à l’article 38.2 de la LPJ, et selon les
recommandations du <marquage typemarq="italique">Manuel de référence sur la protection de
la jeunesse </marquage>(MSSS, 2010), le service d’admission a pour mandat de produire des
analyses sommaires des renseignements reçus et de prendre une décision fondée sur la
nature, la gravité, la persistance et la fréquence des faits signalés, l’âge du mineur et
ses caractéristiques personnelles, la capacité des parents à mettre fin à la situation et
les ressources communautaires pour aider le mineur à mettre fin à la situation (LPJ,
2014). Au contraire de la version précédente, la plus récente version révisée de la LPJ
présente une définition de l’ASM qui précise que la situation ne peut être traitée que si
les parents n’ont pris aucune mesure pour mettre fin à l’ASM, et encourage la
réorientation des services vers des organismes communautaires dans les cas n’impliquant
aucun risque pour le mineur. Ces modifications sont sans doute porteuses de changements
majeurs dans le processus de traitement, qui reste à documenter. À l’inverse, les
situations d’ASM traitées sont soumises à une évaluation approfondie afin de corroborer
les allégations d’ASM.</alinea></para><para id="pa7"><no>7</no><alinea>À notre connaissance, peu d’études se sont penchées sur les critères de traitement
des cas signalés aux SPE québécoises, encore moins sur les signalements d’ASM, et aucune
n’a fait d’analyse sur de longues périodes de temps. Tourigny, Jacob, Daigneault, Hébert
et Wright (2009) ont puisé des renseignements dans les signalements aux SPE en ce qui a
trait aux situations d’ASM au Québec sur une période de trois mois, en 1998. Ces
chercheurs ont pu relever nombre de caractéristiques augmentant les chances de traitement
dans les signalements d’ASM, notamment lorsque la victime est une fille. Inversement, les
signalements d’ASM voyaient leurs chances d’être traités s’amoindrir lorsque la source du
signalement était anonyme, dans la catégorie « autre », le père ou encore un officier de
police.</alinea></para><para id="pa8"><no>8</no><alinea>En analysant des signalements d’ASM d’un SPE du Québec sur une période de deux ans,
Silva (2011) s’est penché sur les critères de traitement de 303 signalements. Il note
qu’un dossier voit ses possibilités de refus augmenter à mesure que la période de temps où
son dossier reste ouvert s’allonge dans l’attente qu’une décision soit prise. L’hypothèse
du chercheur veut qu’un processus de préévaluation ait lieu avant de rendre une décision
qui les redirige vers d’autres ressources ou qui infirme les preuves d’ASM. Il est
intéressant de relever que les chercheurs américains Wells, Lyons, Doueck, Brown et Thomas
(2004) ont comparé le nombre moyen de jours s’écoulant avant qu’un employé d’un SPE prenne
une décision de traitement. D’après leurs résultats, les endroits où cette moyenne est la
plus élevée avaient aussi un taux plus élevé de traitement des signalements. Selon les
chercheurs, il est également possible qu’une préévaluation ait eu lieu, mais ils semblent
indiquer que cela menait plutôt à accumuler des preuves penchant en faveur du traitement
des cas.</alinea></para><para id="pa9"><no>9</no><alinea>À la lumière des tendances complexes de l’incidence d’ASM au Québec et du peu
d’études ayant analysé les facteurs organisationnels ayant un impact potentiel sur ces
taux, la présente étude cherche à analyser les variables en jeu dans les processus de
traitement dans les SPE du Québec, sur une période de dix ans, afin de mieux comprendre
ces processus dans les situations d’ASM et leur influence potentielle sur les taux des cas
d’ASM confirmés. Plus précisément, les caractéristiques examinées seront comparées avant
et après les modifications apportées à la LPJ afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle
des critères plus restrictifs à l’étape de l’admission, soulignés dans la révision de la
loi, en 2007, expliquent, du moins en partie, la baisse rapportée des cas d’ASM dans les
SPE du Québec.</alinea></para></section2></section1><section1 id="s1n2"><no>2</no><titre>Méthodologie</titre><para id="pa10"><no>10</no><alinea>La base de données servant dans la présente étude est constituée d’un ensemble de
données fournies par les 16 SPE du Québec, tirées du système informatisé d’informations
sur les clients, conçu et utilisé dans les SPE du Québec, de 2002 à 2013. Ces ensembles de
données représentent la population entière des enfants ayant été en contact avec les SPE,
à l’exception du Nunavik et de la Baie-James, qui ne sont pas des autorités mandatées. Les
données administratives longitudinales comprenaient une description des antécédents de
maltraitance ainsi qu’un certain nombre de variables concernant le mineur, sa famille et
l’organisation des services. Les cas étaient ensuite sélectionnés en fonction d’un
critère : que l’employé chargé de l’admission définisse la situation rapportée comme une
situation d’ASM (LPJ, L. R. Q., chapitre P-38 g [s] et P-38 d [1]). L’échantillon final
était composé de 53 848 dossiers. La décision d’admettre ou non les signalements pour
davantage de services était la variable dépendante, les caractéristiques des cas
constituaient les variables indépendantes. La recherche a été approuvée par les trois
comités d’éthique de la recherche concernés.</alinea></para><para id="pa11"><no>11</no><alinea>Des analyses bivariées ont permis de déterminer l’influence de chaque variable sur
la décision de traitement. De plus, des analyses de régression logistique séquentielles
ont été menées afin de prédire la décision de rejet des signalements d’ASM. Ces variables
étaient classées en trois blocs hiérarchiques : (1) les caractéristiques du mineur ; (2)
les caractéristiques administratives ; et (3) la date du signalement.</alinea></para></section1><section1 id="s1n3"><no>3</no><titre>Résultats</titre><para id="pa12"><no>12</no><alinea>Tel qu’indiqué au Tableau 1, l’échantillon de 53 858 signalements inclut 13 360
garçons (24,8 %) et 40 448 filles (75,2 %). L’âge des enfants varie de 0 à 17 ans (M =
9,97 ; SD = 4,60), un plus grand nombre d’enfants de 0 à 12 ans (61,7 %), comparativement
au groupe des 13 à 17 ans (38,3 %). Au moment où le signalement était reçu, 38 699
signalements (71,8 %) concernaient des clients inactifs (c’est-à-dire des familles n’ayant
pas encore reçu de services des SPE), et 15 179 signalements (28,2 %) concernaient des
dossiers actifs. Les signalements faits par des enfants, des proches des enfants ou des
professionnels au privé étaient au nombre de 12 967 (24,1 %), et 40 881 (75,9 %) ont été
déposés par des professionnels du système public. La décision de traitement était prise en
quatre jours ou moins dans le cas de 30 770 signalements (57,1 %), et en plus de quatre
jours pour 23 078 (49,6 %) des signalements. Les signalements reçus avant la modification
de la LPJ en 2007 étaient au nombre de 27 120 (50,4 %), et 26 728 (49,6 %) avaient été
reçus après la modification. Des 53 858 signalements, 26 281 (48,8 %) avaient été admis
pour une évaluation approfondie, et 27 567 dossiers (51,2 %) avaient été rejetés et fermés
à l’étape de l’admission.</alinea><tableau id="ta1"><no>Tableau 1</no><legende lang="fr"><titre>Caractéristiques de l’échantillon (2002-2012)</titre></legende><objetmedia flot="bloc"><image id="im1" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/><texte>VariablesCatégorieN% SexeMasculin13 36024,8Féminin40 48875,2Âge au moment de
l’admission0 à 12 ans33 22061,713 à 17 ans20 62838,3AdmissionTraité26 28148,8Rejeté27
56751,2Statut au moment de l’admissionNon actif38 66971,8Actif15 17928,2Source du
signalementEntourage personnel, professionnel au privé et autres12
96724,1Professionnel du système public40 88175,9Nombre de jours avant la prise de
décisionQuatre jours ou moins30 77057,1Plus de quatre jours23 07842,9Date de
réception2002-200727 12050,42008-201226 72849,6</texte></objetmedia></tableau><alinea>Le Graphique 1 met en évidence les changements s’étant produits de 2002 à 2012 à
l’étape de l’admission. À partir de 2007, on remarque une baisse du nombre total de
signalements par année ainsi qu’un déclin marqué dans la proportion annuelle des cas
traités en enquête (<marquage typemarq="italique">screened in</marquage>, s’opposant à
rejetés, <marquage typemarq="italique">screened out</marquage>) dans le nombre de cas
signalés aux SPE. Ainsi, si 2 830 des 4 310 cas signalés aux SPE en 2002 ont été traités
(65,7 %), seulement 1 699 des 4 414 signalements de 2012 l’ont été (38,5 %).</alinea></para><para id="pa13"><no>13</no><alinea>Le Tableau 2 présente les caractéristiques des mineurs, les caractéristiques
administratives et le moment du signalement, éléments qui étaient tous sensiblement reliés
aux décisions de traitement. En tant que telles, toutes les variables ont été retenues
pour être étudiées davantage dans l’analyse de régression logistique
séquentielle.</alinea><figure id="fi1"><no>Graphique 1</no><legende lang="fr"><titre>Décisions découlant des processus de traitement dans les cas d’ASM, par
année</titre></legende><objetmedia flot="bloc"><image id="im2" typeimage="figure" xlink:type="simple"/></objetmedia></figure><tableau id="ta2"><no>Tableau 2</no><legende lang="fr"><titre>Caractéristiques des mineurs, caractéristiques administratives et moment du
signalement par décision de traitement (Chi<exposant>2</exposant>)</titre><alinea>Note : ** = <marquage typemarq="italique">p </marquage>< 0,01.</alinea></legende><objetmedia flot="bloc"><image id="im3" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/><texte>VariablesCatégorieTotal (%)Traités (%) (n = 26 281)Rejetés (%) (n = 27 567)Test
de sign.SexeMasculin24,850,149,90,00**Féminin75,248,451,6Âge au moment de l’admission0
à 12 ans61,753,346,70,00**13 à 17 ans38,341,558,5Statut au moment de l’admissionNon
actif71,845,554,50,00**Actif28,257,342,7Source du signalementEntourage personnel,
professionnel au privé et autres24,154,945,10,00**Professionnel du système
public75,946,953,1Nombre de jours avant la prise de décisionQuatre jours ou
moins57,164,935,10,00**Plus de quatre jours42,927,472,6Date de
réception2002-200750,455,544,50,00**2008-201249,642,058,0</texte></objetmedia></tableau><alinea>Le Tableau 3 présente les résultats de l’analyse de régression logistique
séquentielle. Six variables étaient sensiblement reliées aux décisions de traitement. Les
trois blocs entrés prédisaient 71,2 % des signalements traités, et 65,9 % des signalements
rejetés.</alinea><tableau id="ta3"><no>Tableau 3</no><legende lang="fr"><titre>Analyse de régression logistique séquentielle prédisant la décision de rejet des
cas d’ASM (non retenus pour enquête)</titre><alinea>IC = Intervalle de confiance de 95 %</alinea><alinea>Note : ** =<marquage typemarq="italique"> p </marquage>< 0,01.</alinea></legende><objetmedia flot="bloc"><image id="im4" typeimage="tableau" xlink:type="simple"/><texte>VariablesCatégorieWaldSignificationExp(b)ICBloc
1SexeMasculinConstantFéminin3,280,0700,960,91-1,00Âge au moment de l’admission0 à 12
ansConstant13 à 17 ans390,540,000**1,501,44-1,56Bloc 2Statut au moment de
l’admissionNon actifConstantActif644,020,000**0,580,56-0,61Source du
signalementEntourage personnel, professionnel au privé et autresConstantProfessionnel
du système public138,940,000**1,301,25-1,36Nombre de jours avant la prise de
décisionQuatre jours ou moinsConstantPlus de quatre jours6
347,130,000**4,664,49-4,84Bloc 3Date de
réception2002-2007Constant2008-2012593,970,000**1,591,53-1,65</texte></objetmedia></tableau><alinea>Les résultats montrent que les signalements concernant des adolescents (13 à 17 ans)
étaient 1,50 fois plus à risque d’être rejetés ; les signalements où le mineur ne recevait
pas déjà de services des SPE avaient 1,72 fois plus de chances d’être rejetés ; les
signalements dont la source était un professionnel du système public avaient 1,30 fois
plus de chances d’être rejetés ; les signalements pour lesquels le processus de décision
prenait plus de quatre jours avaient 4,66 fois plus de chances d’être rejetés, et ceux
reçus après 2007 voyaient leurs chances d’être rejetés multipliées par 1,59.</alinea></para><para id="pa14"><no>14</no><alinea>En revanche, les signalements avaient plus de chances d’être traités lorsque les
enfants étaient en plus bas âge. Outre l’âge de l’enfant, d’autres facteurs administratifs
ont également influencé les probabilités qu’un cas soit retenu pour enquête (ex. : un
dossier déjà actif, une source de l’entourage personnel, un professionnel au privé, ou la
catégorie « autre » ; c’était aussi le cas lorsque la décision de traitement était prise
en moins de quatre jours). Sans égard pour toutes ces variables, les signalements reçus
avant 2007 avaient des chances plus élevées d’être traités. Le sexe n’était par ailleurs
plus sensiblement relié à la décision de traitement.</alinea></para></section1><section1 id="s1n4"><no>4</no><titre>Discussion</titre><para id="pa15"><no>15</no><alinea>Les employés impliqués dans le processus d’admission des SPE ont la difficile tâche
de traiter ou de rejeter des signalements d’ASM en fonction de l’information limitée
qu’ils reçoivent. Ils doivent soupeser le besoin de protection des mineurs et respecter
leurs droits individuels en évitant d’imposer des services envahissants dans la vie des
familles souvent réticentes. L’étude s’est penchée sur six variables afin de déterminer
quels facteurs influencent les chances qu’un signalement soit traité ou rejeté dans les
SPE au Québec sur une période de 10 ans.</alinea></para><para id="pa16"><no>16</no><alinea>Deux caractéristiques des mineurs, le sexe et l’âge au moment du signalement, ont
été étudiées. Notre échantillon comprenait principalement des filles, ce qui concorde avec
la documentation existante sur les victimes d’ASM (Finkelhor, Hammer et Sedlack, 2008). Le
sexe n’avait pas d’influence statistiquement notable sur la décision de traitement, mais
l’âge, oui. Les enfants les plus jeunes (0 à 12 ans) avaient davantage de chances de voir
leur cas traité, et les adolescents (13 à 17 ans), plus de chances qu’il soit refusé. Ces
résultats ne concordent pas avec ceux de Finkelhor et Jones (2004), qui montraient qu’aux
États-Unis, les enfants d’âge préscolaire avaient moins de chances d’être admis. Nous
croyons qu’il y a eu une certaine prise de conscience par rapport aux cas d’AS envers les
jeunes enfants au Québec, notamment par la création d’un centre d’appui aux enfants se
spécialisant dans les cas d’ASM dont les victimes sont âgées de 0 à 12 ans. La crédibilité
accrue des dénonciations faites par ces jeunes victimes découle peut-être de l’émergence
de ces services spécialisés. En ce qui concerne les cas d’ASM dont les victimes alléguées
sont des adolescents, les modifications de la LPJ pourraient avoir limité l’action des SPE
dans les agressions sexuelles perpétrées par des étrangers ou des connaissances. De tels
cas risquent en effet de ne pas tomber sous l’autorité des SPE, surtout lorsque les
parents prennent eux-mêmes des mesures pour faire face au problème. Malheureusement, les
informations sur la relation entre la victime alléguée et l’agresseur n’étaient pas
disponibles au moment où la présente analyse a été effectuée.</alinea></para><para id="pa17"><no>17</no><alinea>Trois caractéristiques administratives ont été étudiées : le statut au moment où le
signalement a été reçu, la source de ce signalement et le nombre de jours écoulés avant
que le SPE ne prenne une décision. Les résultats montrent que, sans égard pour l’âge des
mineurs, ceux recevant déjà des services des SPE avaient plus de chances de voir leur cas
traité lorsqu’un nouveau signalement était déposé. Ceci indiquerait que l’employé chargé
de l’admission aurait accès à davantage d’information et pourrait ainsi s’inquiéter
d’autant plus de la sécurité du mineur.</alinea></para><para id="pa18"><no>18</no><alinea>Lorsque la source du signalement provenait de l’entourage personnel (ex. : l’enfant
lui-même ou un membre de sa famille), d’un professionnel au privé (ex. : un docteur ou un
avocat), ou de la catégorie « autre », le signalement avait plus de chances d’être traité.
Ceci semble indiquer qu’une plus grande crédibilité est accordée à un enfant qui dénonce
une ASM, et qui peut fournir des informations directes sur l’agression. Les professionnels
au privé pourraient par ailleurs avoir une influence positive sur la décision de
traitement en raison de leur crédibilité ou de leur accès à des preuves physiques. À
l’inverse, les cas signalés par des professionnels du système public pourraient avoir été
rejetés au motif que les enfants concernés recevaient déjà des services qui répondent aux
situations d’ASM, conformément aux modifications de la LPJ encourageant les SPE à
rediriger les familles vers des ressources communautaires lorsque les risques pour le
mineur sont jugés raisonnables.</alinea></para><para id="pa19"><no>19</no><alinea>Les périodes les plus longues en nombre de jours avant d’admettre les cas
augmentaient les chances qu’ils soient rejetés. Ces résultats sont contraires à ceux de
Wells <marquage typemarq="italique">et al.</marquage> (2004), où les signalements exigeant
une analyse plus longue avaient davantage de chances d’être traités par les organismes
américains, mais conformes à ceux de l’étude menée par Silva (2011) dans un des services
québécois. Il semblerait que, lors de l’admission, les employés québécois mènent une
enquête préliminaire et soit infirment les allégations ou bien dirigent les familles vers
des ressources communautaires.</alinea></para><para id="pa20"><no>20</no><alinea>Enfin, les résultats de la présente étude montrent que les signalements d’ASM, outre
tous les facteurs étudiés, avaient plus de chances d’être traités s’ils avaient été reçus
avant 2007, et plus de chances d’être rejetés lorsque reçus après cette date. Cela
confirme notre hypothèse voulant que les changements instaurés dans les politiques et les
pratiques aient limité le nombre de cas d’ASM traités par les SPE au Québec. La baisse des
incidences d’ASM au Québec au cours des quelques dernières années pourrait en effet
refléter les changements de politiques et de pratiques dans les processus de traitement,
réduisant les chances que des enquêtes soient menées à la suite de signalements
initialement faits aux SPE. Des recherches futures permettront de documenter les résultats
associés à ces changements. Aucun mécanisme en place ne permet actuellement aux SPE de
suivre les cas rejetés. Une étude longitudinale portant sur les familles dont le
signalement a été rejeté permettrait de trouver des renseignements importants sur le sort
de ceux qui ont été redirigés vers des services communautaires et de savoir si ces
victimes seront ultérieurement redirigées de nouveau vers les SPE. De plus, d’autres
études pourraient se pencher sur d’autres variables telles que l’identité de l’agresseur
et la gravité de la situation signalée en vue de déterminer d’autres facteurs pouvant
influencer la décision de traitement des cas signalés.</alinea></para></section1></corps>
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